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Les nouveaux enjeux de la négociation collective depuis le 1er janvier 2010

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 19.01.2010 |

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Les nouveaux enjeux de la négociation collective depuis le 1er janvier 2010

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Depuis le 1er janvier 2010, par application de l'article L. 2232-21 du Code du travail, les entreprises de moins de 200 salariés dépourvues de délégués syndicaux sont autorisées à négocier des accords avec les représentants élus du personnel, sur les thèmes dont la mise en oeuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif, à l'exception des accords collectifs mentionnés à l'article L. 1233-21 du Code du travail (détermination par accord collectif des modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise en cas de licenciement collectif de dix salariés ou plus).

Ce dispositif, issu de la loi du 20 août 2008, vise à encourager la négociation collective au niveau où les décisions s'appliquent, c'est-à-dire au sein même de l'entreprise, en contournant l'obstacle constitué par l'absence de délégués syndicaux.

Toutefois, trois étapes de procédure sont imposées par le Code :

> l'information par l'employeur des organisations syndicales représentatives de la branche dont relève l'entreprise de sa décision d'engager des négociations ;

> la conclusion de l'accord par les membres élus du comité d'entreprise ou, à défaut, par les délégués du personnel titulaires ;

> la validation (y compris tacite) de l'accord par la commission paritaire de branche.

D'après Michaël Hayat, conseiller prud'hommes à Paris, si les deux premières étapes ne posent pas de difficulté majeure, la tâche dévolue à la commission paritaire de branche confère, en revanche, un rôle particulièrement délicat aux partenaires sociaux qui la composent : celui de valider juridiquement les accords.

La commission paritaire de branche doit, en effet, s'assurer que l'accord est conforme aux dispositions conventionnelles, réglementaires ou légales en vigueur. Néanmoins, le législateur n'a pas précisé le processus de validation.

Une partie de la doctrine considère qu'il n'est pas nécessaire de créer une commission ad hoc, la commission de négociation paritaire de branche existante pouvant faire office de commission de validation. En réalité, comme le précise Michaël Hayat, négociation et validation sont deux étapes distinctes ; peut-on alors demander à des partenaires habitués à dialoguer en opportunité, de mettre de côté leur appétit de négocier pour s'en tenir à un strict contrôle de légalité ?

Confier la validation juridique des accords à une commission de négociation de branche pourrait avoir, in fine, pour effet d'amener le dialogue à un autre niveau que celui des préoccupations de l'entreprise, ce qui ne semble pas être l'esprit du texte.

Face à ces difficultés, quelles peuvent être les stratégies des branches pour se mettre en conformité avec la loi ?

Quelle que soit l'instance retenue, les branches sont confrontées à un dilemme inédit : celles qui ne se doteront pas d'instance de validation risquent de voir leur responsabilité engagée soit parce que, faute de réponse, elles auront validé tacitement les textes qui leur auront été adressés, soit parce que leur refus de se doter d'un outil de validation, en mettant les entreprises dans l'impossibilité de conclure des accords avec leurs élus, ferait obstacle au développement du dialogue social. Celles qui désigneront un tel organe devront impérativement se doter d'une compétence juridique suffisante, pour opérer le contrôle de légalité qui leur est imparti, sauf à risquer de mettre en jeu leur responsabilité.

On peut se demander si toutes les précautions ont réellement été prises par le législateur avant de confier aux partenaires sociaux un contrôle de légalité qui relève traditionnellement de l'office du juge.

Michaël Hayat se demande, à juste titre, quelle sera la portée du contrôle de légalité ainsi opéré par un organe privé ? S'imposera-t-il aux magistrats ? Quelle sera la responsabilité des partenaires sociaux ayant validé un accord illicite ?

En l'état des textes et en attendant que les branches s'organisent, reste la solution de l'engagement unilatéral ou de l'accord atypique négocié avec le comité d'entreprise et éventuellement validé par référendum, mais la force obligatoire de ce type d'accord reste très restreinte. Un tel accord ne pourra, en effet, comporter aucune disposition dérogatoire en matière de durée du travail.

En définitive, si le dialogue social est favorisé, il semble y avoir encore une certaine défiance vis-à-vis des élus quant à leur capacité à négocier tout seuls des accords collectifs, sans avoir à passer par une validation juridique au niveau de la branche.

Gwenaëlle Artur, avocate associée au Cabinet Staub & Associés, membre d'Avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social.