logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Les pratiques

Essayer le télétravail, c'est l'adopter

Les pratiques | publié le : 22.12.2009 |

Image

Essayer le télétravail, c'est l'adopter

Crédit photo

Beaucoup d'entreprises traînent encore les pieds. Par méconnaissance, selon un rapport récent du Centre d'analyse stratégique. Car celles qui ont mis en place le télétravail ne tarissent pas d'éloges à son égard, même si elles conviennent de nécessaires précautions d'usage.

Les années passent et le télétravail est toujours à la traîne. Moins de 10 % des salariés, en France, seraient concernés (contre 15 % pour la moyenne européenne). Pourtant, un cadre très officiel non seulement l'autorise, mais l'encourage, en témoigne le projet de loi, pour l'heure au Sénat, inspiré de l'accord interprofessionnel du 19 juillet 2005. Et la demande est là. Alors, qu'est-ce qui fait encore obstacle à son déploiement ?

Craintes

Le Centre d'analyse stratégique (CAS), dans un rapport publié en novembre dernier, énumère les principaux freins. Ils ont trait, côté employeurs, aux coûts de mise en oeuvre, à la crainte de ne plus contrôler le salarié et son temps de travail, à la sécurité et à la protection des données... Les salariés hésitants évoquent, eux, la rupture avec le collectif de travail susceptible de conduire à des discriminations, la difficulté de l'autonomie, etc.

Une formule méconnue

Ces résistances, à l'origine d'une dévalorisation du télétravail, naissent d'une méconnaissance de la formule, selon le CAS. Car rares sont les entreprises disposant d'un accord télétravail qui ont fait machine arrière, même celles qui le permettent de manière occasionnelle, à l'instar de Dassault Systèmes (2 200 salariés) ou d'Oracle France (1 500 salariés). Bien au contraire. Les motifs de satisfaction abondent : meilleure maîtrise du travail, polyvalence plus vaste, plus grande souplesse de l'emploi du temps...Ces arguments, relevés par le Centre d'analyse stratégique, font écho aux observations de Dominique Baldo, du service des relation sociales de Michelin (25 000 salariés en France). L'entreprise s'est, en effet, engagée dans la voie du télétravail cet été, à la demande du personnel et des organisations syndicales. Une vingtaine de salariés le pratiquent, autant vont s'y mettre et une quarantaine y réfléchissent. « Après quelques mois d'exercice, les télétravailleurs se disent plus sereins, moins stressés et plus efficaces », avance-t-elle. L'équilibre vie privée/vie professionnelle s'en trouve amélioré. « Tout comme la qualité du travail individuel, selon les managers », renchérit Didier Baichère, DRH d'Alcatel-Lucent France (7 000 salariés). L'équipementier en télécommunications a généralisé le travail à domicile en janvier 2008, date de la signature, avec cinq organisations syndicales, de l'accord d'entreprise le favorisant, après une phase d'expérimentation qui a duré près de quatre ans et a successivement concerné 20, 70, 170, puis 570 personnes.

Cette démarche progressive, dictée par la prudence, a permis de border le dispositif : « Déjà, en le limitant à deux jours par semaine pour ne pas rompre le lien avec l'équipe et l'entreprise », précise le DRH, ajoutant que, finalement, les salariés ne télétravaillent, en moyenne, qu'une seule journée. En revanche, aucune restriction en matière de fonction, toutes éligibles après l'approbation du supérieur. Aujourd'hui, 1 700 salariés le pratiquent. « C'est plus de 25 % de l'effectif. Nous ne nous sommes pas fixé d'objectifs. Pour autant, ce taux ne nous a pas surpris », ajoute-t-il, alors qu'il s'attend, à terme, à atteindre les 35 %. A l'arrivée, c'est aussi un bilan carbone allégé. Pour Alcatel-Lucent, l'expérimentation du télétravail a permis d'économiser plus de 95 000 kg de CO2 sur la seule année 2008. Sans compter, dans certaines entreprises, des coûts immobiliers réduits.

Un encadrement rigoureux

Ces bilans largement positifs s'expliquent par l'encadrement rigoureux et continu du processus. Car le télétravail ne se décrète pas. « D'où son entrée dans l'entreprise par la négociation, cela pour son appropriation et sa contextualisation », évoque Jean-Paul Boucher, secrétaire général de la CFDT cadres, et négociateur de l'accord interprofessionnel de 2005.

Autres préalables, gages de succès : l'accompagnement du salarié. Dans cette optique, Michelin commence par soumettre un guide au salarié intéressé. « Il lui permet de se questionner sur son poste et sur ses capacités à l'exporter. Ainsi, l'ensemble des tâches «télétravaillables» sont repérées, comme celles qui, a contrario, exigent des relations de visu. Il est conseillé dans ces réflexions par un référent télétravail », décrit Dominique Baldo. Verspieren, société de courtage en assurance, confie ce travail d'identification du quotidien à un tiers interne. Après ce diagnostic, le salarié est mis en situation, chez lui, pendant quinze jours.

Les responsables d'équipe doivent aussi être préparés, selon Jean-Paul Boucher : « Le télétravail nécessite un apprentissage de fond et de forme. Et il concerne également les hiérarchiques, désignés comme les principaux freins au management à distance. » Chez Michelin, ils sont donc destinataires d'un questionnaire relatif à leur propre mode de management. La PME nantaise Sneda, éditeur de logiciels, en télétravail depuis décembre 2006, organise, elle, une formation pour les managers intermédiaires afin de vaincre les résistances. La formation est, ainsi, la formule la plus courante. Elle est utilisée par Tokheim Services (1 000 salariés) pour préparer les intéressés à l'organisation du travail et à l'utilisation des équipements techniques. Alcatel-Lucent sensibilise via le e-learning aux bonnes pratiques du travail à la maison.

Télétravail rime aussi avec équipement optimal. Connexion Internet sécurisée, voix sur IP, mais aussi services web 2.0 de discussion, de collaboration et de partage de documents et d'informations. « Ces solutions et leur maîtrise participent au succès de la formule, car le salarié retrouve son espace de travail habituel et une continuité de contact avec l'équipe », convient Didier Baichère. Les outils collaboratifs permettent des organisations du travail plus fluides, selon l'Insee *, convaincue que ces nouvelles fonctionnalités vont décider les entreprises à se mettre au télétravail. Pour preuve, celles très équipées, liées aux technologies de l'information et de la communication, sont plus de la moitié à avoir intégrer le travail à domicile.

Mixité des temps de travail

Ce qui n'empêche pas une nécessaire mixité des temps de travail en présentiel et à distance, soulignée par Jean-Paul Boucher, et sans doute mise en avant par les télétravailleurs interrogés dans l'enquête actuellement en cours de l'Obergo (Observatoire des conditions de travail et de l'ergostressie).

Enfin, les entreprises utilisatrices du travail à domicile considèrent le principe de réversibilité comme essentiel pour la réussite du dispositif. Autrement dit, la possibilité affirmée pour l'employeur comme pour le collaborateur de revenir au bureau, le cas échéant. « Nous avons eu connaissance de salariés qui vivaient mal l'isolement », rapporte le syndicaliste. Tous motifs confondus, dix retours ont été enregistrés par Alcatel-Lucent. Aucun, pour le moment, chez Michelin, qui prévoit, comme Tokheim Services, une période d'essai de trois mois.

* E-administration, télétravail, logiciels libres, Insee Première, mars 2009.

L'essentiel

1 Un rapport du CAS pointe le retard français en matière de télétravail. Moins de 10 % des salariés sont concernés.

2 Les entreprises qui l'ont mis en place apprécient les bénéfices sur la qualité du travail et sur l'équilibre vie privée/vie professionnelle du salarié.

3 Pour que la formule soit un succès, les entreprises utilisatrices soulignent l'importance de l'accompagnement en amont du salarié et de son manager, de l'équipement technologique et, in fine, du principe de réversibilité.

Articles les plus lus