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Les pratiques

Des indemnités bientôt fatales à Olympia ?

Les pratiques | Retour sur... | publié le : 22.12.2009 |

Condamné à verser 2,4 millions d'euros à 47 anciens salariés pour ne pas leur avoir proposé de reclassement en Roumanie, le fabricant de chaussettes Olympia a déposé le bilan. Cette première nationale alimente une vive polémique.

En redressement judiciaire depuis le 24 novembre, le fabricant de chaussettes Olympia est-il victime d'anciens salariés ne craignant pas d'acculer l'entreprise au dépôt de bilan pour empocher un jackpot ? Ou l'histoire masque-t-elle la chronique d'une mort annoncée que le recours à la délocalisation ne sera pas parvenu à éviter ? Rarement un dépôt de bilan aura engendré des interprétations aussi radicalement divergentes, ni suscité de débats aussi passionnés.

La polémique commence le 13 mai dernier, lorsque la cour d'appel de Reims accorde à 47 ex-salariés de l'usine de chaussettes Olympia de Romilly-sur-Seine (Aube) une indemnité globale de 2,4 millions d'euros au motif que la direction ne leur avait pas proposé de reclassement dans son usine roumaine lors du plan social mis en oeuvre en 2006. Soutenue par de nombreux salariés, Catherine Rambaud, ancienne avocate d'affaires devenue Pdg de l'entreprise familiale en mars 2006, qualifie cette décision « d'insensée » et se pourvoit en cassation. Engagée au courant de l'été, la procédure de concertation visant à échelonner le versement des indemnités échoue. Le 24 novembre, Olympia, qui emploie 285 salariés en France et 430 en Roumanie, dépose le bilan. La première tâche de l'administrateur consistera à engager un plan social portant sur 100 suppressions de poste à Romilly-sur-Seine.

Délocalisation de la production

Au coeur de la polémique, la question d'un hypothétique reclassement de salariés français en Roumanie se pose fin 2005. Confrontée à la fin des quotas sur le textile asiatique, Olympia décide de mettre un terme à la fabrication hexagonale de chaussettes pour la transférer intégralement sur son site roumain, qui assure déjà 70 % de la production. A Romilly-sur-Seine, cette décision doit se traduire par 296 suppressions de poste. Début 2006, la création de nouvelles activités, dont la logistique et le prototypage, permet de réaliser 142 reclassements et de ramener le plan social à 154 licenciements, dont 71 départs volontaires ou en congé de fin de carrière et 83 licenciements secs. « J'ai été consultée lors du plan social qui a été élaboré avant mon arrivée à la tête de l'entreprise. J'ai refusé d'étendre les reclassements au site roumain, car je juge indigne de proposer à un bonnetier français payé 2 000 euros un salaire de 110 euros par mois. La question a été posée au comité d'entreprise et à l'intersyndicale CGT-CFDT-FO, qui s'est également prononcée contre cette proposition de reclassement », rappelle Catherine Rambaud.

Propositions de reclassement incomplètes

La cause paraissait entendue, d'autant que la Direction générale de l'emploi et de la formation professionnelle avait émis, le 23 janvier 2006, une instruction déclarant que « la proposition d'une entreprise concernant des postes au sein du groupe dans des unités de production à l'étranger pour des salaires très inférieurs au Smic ne peut être considérée comme sérieuse ».

Les 47 plaignants ont pourtant obtenu gain de cause aux prud'hommes, puis en appel, en invoquant des propositions de reclassement incomplètes et manquant de transparence. « Le périmètre de reclassement s'étend à toutes les entreprises du groupe. Il s'agit là d'une règle du jeu classique, basique, même s'il est peu probable que ces propositions soient acceptées. Par ailleurs, les obligations de reclassement en interne ont également été violées, les nouveaux postes créés à Romilly-sur-Seine n'ayant pas été proposés à chacun », rétorque Me François Brun, l'avocat rémois des 47 plaignants.

Dès l'énoncé du jugement de la cour d'appel de Reims, Olympia, qui accuse déjà une dette de 2,3 millions d'euros, se déclare incapable de payer le montant des indemnités, qui représentent, en moyenne, 23 mois de salaire pour chacun des plaignants.

La procédure de conciliation, engagée en juin, se solde par un échec le 18 novembre. Une nouvelle fois, des versions divergentes et invérifiables, les débats étant secrets, alimentent les tensions. La direction affirme n'avoir fait qu'une seule proposition, portant sur le règlement de 200 000 euros et d'un solde étalé sur 24 mois. Me Brun assure, pour sa part, que l'entreprise avait ouvert la voie d'un règlement de 45 % de la somme et d'un solde sur 12 mois, avant de formuler la nouvelle proposition, jugée inacceptable.

Risque de tensions entre anciens et futurs licenciés

L'échec de la négociation aura précipité le dépôt de bilan de l'entreprise, qui entre dans une phase d'observation de six mois. Le prochain plan social se présente dans un contexte tendu. Les salariés du site ne s'expriment guère publiquement, mais l'affaire Olympia suscite des échanges passionnés sur Internet. Adversaires résolus, Catherine Rambaud et François Brun redoutent, néanmoins, l'un comme l'autre, des tensions entre anciens et futurs licenciés. Au-delà des polémiques et des invectives, l'affaire Olympia rouvre le débat de fond de la distorsion de concurrence économique et environnementale au sein même de l'Union européenne.