Dans un contexte marqué par les conséquences de la vague de suicides chez France Télécom, une commission réunissant des députés UMP et Nouveau Centre sur le thème de la souffrance au travail a élaboré des propositions dévoilées le 16 décembre.
Initiée par les groupes UMP et Nouveau Centre de l'Assemblée nationale, et coprésidée par Jean-François Copé et Pierre Méhaignerie, la commission de réflexion sur la souffrance au travail a présenté ses travaux le 16 décembre*. Depuis le 15 octobre, elle a mené près de 50 auditions et travaillé avec une vingtaine de personnalités qualifiées.
Le rapport fait état de 30 propositions, qui ont pour but d'être mises sur la place publique, alors que les politiques et les partenaires sociaux se sont saisi du thème des risques psychosociaux face à l'émoi suscité par la vague de suicides chez France Télécom. La même semaine, le cabinet Technologia rendait ses conclusions sur l'état de souffrance des salariés de l'opérateur (lire ci-contre), et Renault était condamnée pour faute inexcusable après le suicide d'un de ses salariés. Xavier Darcos a également enjoint aux entreprises de plus de 1 000 salariés d'enclencher des négociations sur le stress au travail d'ici au 1er février 2010.
A l'Assemblée nationale, une mission d'information sur les troubles psychosociaux poursuivra ses travaux début janvier, et, au Sénat, une mission d'information sur le mal-être au travail est également constituée. Enfin, le 21 décembre, la négociation patronat-syndicats sur le harcèlement et la violence au travail devait entrer dans sa phase active.
Parmi les pistes d'action recommandées par les députés UMP et Nouveau Centre figure l'attribution d'«un rôle stratégique» au CHSCT. Election de ses membres directement par les salariés ; présidence effective des dirigeants «plus régulière» ; priorité donnée à la formation ; et budgets propres sont préconisés. Ils proposent, en outre, de créer des services régionaux de santé au travail qui pourraient être pilotés par les agences régionales de santé (ARS). Objectif : poser de meilleurs diagnostics pour mieux cibler les actions, au sein des entreprises, par branches, et, à l'échelle nationale, par régions.
La commission préconise de rendre le médecin du travail « indépendant des employeurs ». Les entreprises pourraient cotiser à un seul fonds commun, géré par l'ARS qui, en relation avec les différentes associations, affecterait dans chaque région les moyens à mettre en oeuvre par les services de santé au travail.
Afin de valoriser les « bonnes pratiques », la création d'une certification «santé et qualité de vie au travail» est imaginée, sur le modèle des certifications ISO. Elle donnerait droit à des avantages fiscaux pour l'entreprise. Le document insiste, enfin, sur la diffusion la plus large possible de «boîtes à outils» aux acteurs du monde du travail, notamment les PME, considérées comme les « orphelines de la prévention ».
* Rapport de la commission et synthèses
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Le 17 décembre, le tribunal des affaires de Sécurité sociale de Nanterre a condamné Renault pour «faute inexcusable», à la suite du suicide d'un de ses salariés, ingénieur en informatique de 39 ans, intervenu au Technocentre de Guyancourt (78), le 20 octobre 2006. La CPAM des Hauts-de-Seine en avait reconnu le caractère professionnel.
Le tribunal estime que l'entreprise « n'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver son salarié du risque qu'il encourrait du fait de l'exercice de son activité professionnelle ». Il a fixé au maximum la majoration de rente allouée à la veuve et à son fils et a condamné le constructeur à leur verser un euro pour leur «préjudice moral». L'entreprise a un mois pour faire appel.
Une photographie « sans concession », selon la direction, et même « très noire », de l'avis des syndicats : l'état des lieux dressé par le cabinet d'expertise Technologia de l'entreprise France Télécom, où 32 suicides ont eu lieu depuis janvier 2008, est pourtant « sans surprise », de l'aveu même de la direction.
Questionnaire
39 % seulement des salariés de l'opérateur se disent fiers d'appartenir à l'entreprise, selon l'analyse du questionnaire lancé le 19 septembre et auquel ont répondu 80 000 des 120 000 collaborateurs français du groupe. Or, 96 % d'entre eux affirment aussi qu'ils en étaient fiers « auparavant ». Une dégradation qui traduit les effets d'un système de management pointé du doigt par les syndicats.
Situation de risque
Un quart des salariés s'estiment dans une situation de risque et se trouvent exposés à un facteur de stress. Les salariés de la vente et des interventions chez les clients, confrontés à la complexification des produits et des services proposés, alors que les moyens mis à leur disposition sont insuffisants, mentionnent surtout les conditions de travail. Le « désajustement » professionnel, lié aux mobilités fonctionnelles « très mal accompagnées » est notamment ressenti par les fonctionnaires.
Enfin, les non-cadres soulignent la dégradation des relations sociales favorisée par une « défaillance du management », provoquant des « ambiances de travail tendues ».
Dans l'ensemble, 65 % des salariés jugent que leurs conditions de travail se sont dégradées ; 40 % d'entre eux se sentant souvent « très fatigués ou stressés ». Des constats qui correspondent aux alertes lancées par l'Observatoire du stress, relève Pierre Morville (CFE-CGC), dont le syndicat est à l'origine, avec Sud PTT, de ce dispositif.
Les syndicats veulent utiliser les résultats de ce premier rapport pour poursuivre la négociation sur les conditions de travail, entamée en octobre chez France Télécom, et qui devait se conclure en cette fin d'année.
GUILLAUME LE NAGARD
