Le 27 avril dernier, dans le cadre d'une séance extraordinaire du CHSCT, la direction d'Alcatel-Lucent à Vélizy (78) présentait un projet de réorganisation des espaces de travail dit de «bureaux partagés». Baptisé «Flex Office», ce concept prévoit, notamment, une non-affectation des postes de travail, qui ne seront donc plus attribués individuellement, ainsi que la création de box servant aux réunions ou à l'accueil des clients, mais aussi la généralisation de l'open space comme espace de travail. Pointant le risque d'une « déshumanisation des postes de travail », d'une possible dégradation du relationnel manager/salariés (augmentation du bruit, risques de conflits de voisinage) ou encore « de nombreux problèmes » liés à un « mobilier totalement inadapté au concept des bureaux partagés », le CHSCT émettait alors un avis défavorable.

Dans le contexte social agité du groupe (gel des augmentations, bonus «en chute libre», réduction d'un millier de postes de manager...), les syndicats CGT, CFTC, CFE-CGC, CFDT sont montés unanimement au créneau pour dénoncer ce concept surnommé par leurs soins « Tous les jours, premier arrivé, premier servi ». « Nous refusons de devenir des pions qui occuperont des bureaux libres sans la moindre personnalisation - objets personnels, documents de travail - en perdant la proximité, la collaboration avec nos collègues, » dénonçaient-ils dans un tract avant l'été. Les protestations syndicales n'ont pas empêché «Flex Office» de se déployer à Vélizy depuis début septembre.

Côté direction, on argue que ce projet d'aménagement mondial s'inscrit dans un vaste programme de transformation du groupe devant permettre une plus grande souplesse et une plus grande flexibilité dans l'organisation du travail. « Sur certains sites, comme à Vélizy, le taux d'occupation des bureaux s'élève parfois, en semaine, à 50 % car nos collaborateurs se trouvent soit à l'étranger pour conduire des projets, soit en clientèle, ou en télétravail », explique Nicolas Le Guennec, directeur immobilier France du groupe.

La nouvelle configuration - qui prévoit des espaces dédiés par équipes - permet de développer un environnement de travail plus ouvert et dynamique avec, par exemple, un mobilier facilement reconfigurable pour faciliter le travail en mode projet, des outils de communication adaptés, davantage de salles de réunion ainsi que des espaces permettant de s'isoler. Rappelons que Flex Office a été inauguré il y a trois ans sur le site d'Anvers en Belgique et qu'il a, dixit la direction, « donné toute satisfaction ». « D'ici au premier trimestre 2010, une quarantaine de nos sites dans le monde seront organisés selon le concept de «bureaux partagés» », précise Nicolas Le Guennec.

Concrètement, tous les matins, lorsqu'il arrive dans la zone dédiée à son équipe, chaque collaborateur dispose d'un bureau banalisé doté d'un grand écran (auquel il peut brancher son ordinateur portable) et d'un téléphone (qu'il peut utiliser sur le mode casque/mains libres). « Le collaborateur doit juste signaler à l'opérateur sa présence sur ce poste », indique Nicolas Le Guennec. Le soir, selon le principe du clean desk, il doit rendre un bureau débarrassé des objets usuels (dossiers, photos familiales...), la documentation utilisée devant être entreposée dans des armoires dédiées à l'équipe.

Selon Roland Tutrel, délégué syndical CFDT à Vélizy, « les repères traditionnels des salariés sont brouillés par cette nouvelle pratique qui accélère la dépersonnalisation du monde du travail. Nous estimons que les personnels sédentaires au moins devraient bénéficier d'un poste fixe ». A l'avenir, les syndicats craignent que le coefficient de postes effectifs (actuellement 8,5 pour 10 personnes en moyenne) ne diminue progressivement, sous l'effet, notamment, du succès du télétravail (accord signé l'an dernier), mécaniquement engendré par l'introduction de Flex Office.

• Activité : réseaux haut débit fixes, mobiles et convergés, technologies IP, applications et services.

• Effectifs : 10 000 salariés en France.

• Chiffre d'affaires 2008 : 16,98 milliards d'euros.