Le livre de Yonnel Dervin, qui raconte sa tentative de suicide sur son lieu de travail, c'est-à-dire chez France Télécom, n'est pas strictement anecdotique. Ou plutôt, c'est parce qu'il conte par le menu les détails d'une carrière parmi d'autres que le récit prend une profondeur que n'auront jamais les analyses d'ensemble. Ce récit à la première personne, presque maladroit tellement il s'applique à suivre la chronologie de ce qui s'est détraqué dans l'entreprise depuis l'ouverture de capital en 1997, est à la fois impressionnant d'insignifiance et exemplaire.

Quelques engueulades avec les nouveaux seigneurs de l'entreprise que sont devenus les commerciaux, des rapports difficiles avec un chef qui prétend booster les résultats d'une équipe grâce à des challenges qui, en fait, montent les salariés les uns contre les autres... et le décor de la désorganisation est planté : l'important est de vendre et tant pis si le client ne s'y retrouve pas, du moment qu'il consomme des télécommunications !

Le problème est que les techniciens, comme Yonnel Dervin, autrefois vantés pour leur savoir-faire, sont devenus embarrassants et difficiles à motiver dans le cadre de la nouvelle organisation. Leur fierté était d'accomplir leur métier de leur mieux, non pour atteindre des objectifs, mais parce que l'éthique du service public était en jeu, et ce, dès qu'ils ont rejoint cette entreprise.

L'intérêt de ce récit, ce sont ces situations particulières qui viennent bousculer les grands principes du néolibéralisme et ceux d'une GRH qui infantilise les salariés et prétend rétribuer ce qui faisait le sens même du travail et sa principale motivation : la conscience du travail bien fait. Cherchez l'erreur ! P. R.