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Enquête

L'Etat joue les médiateurs

Enquête | publié le : 15.12.2009 |

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L'Etat joue les médiateurs

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Le bras de fer entre les syndicats et le groupe américain Molex, qui avait annoncé au printemps dernier la fermeture de son usine d'équipements automobiles de Villemur-sur-Tarn, en Haute-Garonne, aura usé deux médiateurs en quelques mois. L'accord signé a finalement été dénoncé.

Le premier médiateur est intervenu en avril dernier à la demande de Marcus Kerriou, à l'époque cogérant de l'usine de Villemur-sur-Tarn, employant 280 salariés. Motif ? Ce dernier était séquestré avec la DRH du site, Coline Colboc, par les salariés hostiles à la fermeture, prévue le 31 octobre. « J'ai donc appelé par téléphone la Direction départementale du travail (DDT) de Haute-Garonne. Nous attendions de ce représentant qu'il apaise la tension, intercède en notre faveur auprès des salariés et nous fasse libérer », raconte Marcus Kerriou, aujourd'hui DRH Europe de Molex.

Dialogue de sourds

Espoir déçu, malgré les nombreux allers-retours du médiateur de la DDT entre la direction du site et les syndicats. Il est vrai que les deux dirigeants du site refusaient, par principe, de négocier sur le fond du conflit tant qu'ils étaient séquestrés et que les ouvriers exigeaient, en préalable à leur libération, la satisfaction de certaines revendications. Le lendemain après-midi, pour éviter de passer une seconde nuit au bureau, Marcus Kerriou et sa collaboratrice déposent une plainte pour séquestration.

Le juge fait alors injonction au secrétaire du comité d'entreprise Denis Parise (CGT) de les libérer. Il demande en parallèle à la préfecture de nommer un autre médiateur susceptible de trouver une issue au conflit. Cette fois-ci, la démarche fonctionne, et après vingt-six heures de rétention, Marcus Kerriou et sa collaboratrice sont libérés.

Envergure nationale

L'affaire prenant une envergure nationale, le ministère de l'Industrie s'en était emparé et avait désigné Francis Latarche, un ancien directeur départemental du travail de Haute-Garonne, comme second médiateur. En juin, ce dernier organise, sur terrain neutre, à la préfecture en l'occurrence, une dizaine de réunions avec les acteurs du conflit pour passer en revue tous les points litigieux : le calendrier final de la procédure du plan social ; le niveau de production à tenir jusqu'à la fermeture ; le montant financier destiné à la réindustrialisation du site... « Son intervention a permis de sortir du blocage. A chaque fois qu'un point d'achoppement surgissait, le médiateur faisait la navette entre les syndicats et la direction pour rapprocher nos positions. Il nous a notamment permis de mettre fin à une grève perlée qui pénalisait la production », se souvient Marcus Kerriou. Fin juin, un accord est signé, grâce aux efforts conjugués du médiateur et du préfet qui, lui aussi, s'est beaucoup investi dans l'affaire.

Expérience et idées fraîches

Mais de quelles qualités doit disposer un médiateur pour réussir ? « Il faut de l'expérience, se montrer capable d'apporter des idées fraîches, de suggérer à chaque camp des concessions raisonnables. » Marcus Kerriou considère aussi qu'en France, un médiateur incarne l'autorité publique et a plus de chances d'aboutir (tradition étatiste oblige) et que la fréquence de ses interventions doit beaucoup à la culture nationale : « En Allemagne, quand une négociation bloque entre une direction et un syndicat, il suffit généralement de faire remonter le point litigieux d'un cran de part et d'autre pour le résoudre », poursuit le DRH Europe.

Les médiateurs ne peuvent cependant être tenus pour responsables de l'application des documents qu'ils font signer. Après le départ du médiateur, les relations entre la direction et les salariés se sont à nouveau tendues à Villemur-sur-Tarn, en juillet, aboutissant à une nouvelle grève, puis à la fermeture prématurée du site, le 7 août. Finalement, l'accord Molex, péniblement conclu en juin dernier sous les auspices du médiateur, a été dénoncé en septembre.

MOLEX

• Activité : équipementier automobile (cablâge).

• Effectifs : 280 salariés à Villemur-sur-Tarn.

• Chiffre d'affaires 2009 : 2 milliards de dollars.