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« Les premières assises internationales de la médiation judiciaire ont donné un nouvel élan à la médiation »

Enquête | L'entretien avec | publié le : 15.12.2009 |

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« Les premières assises internationales de la médiation judiciaire ont donné un nouvel élan à la médiation »

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E & C : Quel est l'état des lieux de la médiation dans les conflits du travail en France ?

B. B. : La France recourt très peu à la médiation dans les conflits du travail, alors même qu'elle a été parmi les premiers pays européens à se doter, en 1995, d'une législation sur la médiation. La Grande-Bretagne, la Hollande, la Slovénie sont bien plus avancées. Ainsi, la Grande-Bretagne dispose d'une structure, l'Advisory, Conciliation, Arbitration Services (Acas), qui offre des services de conciliation, de médiation ou d'arbitrage, grâce auxquels 85 % des conflits qui lui sont présentés trouvent une solution avant de passer devant le juge. En Slovénie, la loi impose au juge, en matière de droit de la famille et du travail, de proposer une médiation avant d'aller sur le fond.

E & C : Pourquoi ce retard ?

B. B. : La médiation du travail est balbutiante en France parce qu'elle n'est finalement soutenue, parmi les juristes, que par quelques professionnels du droit. Les procédures alternatives de résolution des conflits, dont la médiation fait partie, suscitent en effet des résistances chez certains juges qui estiment que leur métier n'est pas de pacifier les relations sociales, mais de trancher le litige par l'application de la règle de droit. Tant que les pouvoirs publics n'auront pas pris le sujet à bras- le-corps, celui-ci n'avancera pas. Toutefois, je constate que le climat est aujourd'hui plus favorable. Les premières assises internationales de la médiation judiciaire, qui se sont déroulées au mois d'octobre, à Paris, ont donné un nouvel élan à ce processus. Il faut maintenant que le dossier avance auprès des pouvoirs publics, au niveau du ministère de la Justice et du Parlement.

E & C : Que faudrait-il faire pour que la médiation se développe ?

B. B. : Il serait intéressant de créer une direction de la médiation au ministère de la Justice, ainsi qu'un magistrat référent dans chaque tribunal. Il serait utile de généraliser la pratique de la double convocation (convocation devant un médiateur avant celle devant le tribunal) mise en place au tribunal de Créteil et à la cour d'appel de Paris. Une loi pourrait également imposer au juge de proposer cette démarche aux deux parties avant d'entamer la procédure. Il faudrait, en outre, que la médiation se structure. Ainsi, le professionnalisme des médiateurs pourrait être garanti par un label géré par un organisme, indépendant des pouvoirs publics, composé de représentants des magistrats, des avocats et de la société civile. Enfin, les pouvoirs publics devraient mettre en place un observatoire de la médiation.

E & C : Il existe déjà une conciliation prud'homale, n'est-ce pas suffisant ? La médiation ne lui ferait-elle pas concurrence ?

B. B. : La conciliation souffre de certaines faiblesses. Alors qu'il y a un siècle, 85 % des conflits présentés aux prud'hommes étaient réglés par la conciliation, ce n'est plus le cas qu'une fois sur dix actuellement. Les causes de cette évolution sont multiples : fin de l'organisation des sections par professions, dans lesquelles les conseillers étaient du même métier que ceux qu'ils jugeaient ; formation insuffisante des juges à la communication ; manque de temps de ces derniers ; absence de l'employeur à l'audience qui, huit fois sur dix, se fait représenter par son avocat ; absence de confidentialité : le conciliateur est également celui qui juge l'affaire. Autant de faiblesses dont ne souffre pas la médiation.

Cela dit, le processus n'a pas vocation à remplacer la conciliation. D'une part, cette dernière pourrait gagner en attractivité si l'on distinguait le conseiller qui juge de celui qui fait la conciliation. D'autre part, la médiation est un outil supplémentaire dans les mains du conseiller, auquel il peut recourir lorsqu'il se rend compte qu'un accord entre les parties est possible mais qu'il est impossible de le mener devant le bureau de conciliation ou même de jugement, faute de temps. Le médiateur a trois mois pour mener sa mission alors que les juges conciliateurs ne disposent de guère plus d'un quart d'heure ou d'une demi-heure.

* Auteure de Juge de la souffrance au travail, prochainement réédité chez A2C Medias.

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