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Jeunes diplômés 2009 : la mauvaise passe

Enquête | publié le : 08.12.2009 |

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Jeunes diplômés 2009 : la mauvaise passe

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Comme par le passé, les jeunes diplômés payent un lourd tribut à la crise : hausse du taux de chômage, effondrement du nombre d'offres d'emploi, «petits boulots» à la chaîne. Au point que certains observateurs n'hésitent pas à pointer du doigt les risques de repli social.

Le scénario est malheureusement bien connu : quand l'économie chavire, ce sont les jeunes diplômés qui boivent la tasse les premiers. La France, qui s'illustre régulièrement pour ses mauvais résultats en matière d'emploi des jeunes, ne semble pas près, à ce titre, de voir le bout du tunnel.

Publiées coup sur coup cet automne, trois enquêtes cernent l'ampleur des dégâts. Selon les données du Haut commissariat à la jeunesse, en octobre, moins d'un jeune diplômé de 2009 sur trois (29 %), quel que soit son niveau de qualification (BTS, licence professionnelle, master, école de commerce ou d'ingénieurs), avait trouvé un emploi correspondant à ses attentes. Parmi les deux tiers restants, 43 % se déclaraient toujours en recherche ; 9 % sont en stage et 19 % occupent un «emploi d'attente». En comparant le nombre d'offres de premier emploi sur les trois premiers trimestres 2009 à celui enregistré en 2008 pour la période équivalente, l'Association pour faciliter l'insertion des jeunes diplômés (Afij) constatait, de son côté, une baisse moyenne de 44 % (-60 % pour les CDI).

Une chute de 38 % des offres

Les jeunes cadres ont également leur part de difficultés : entre janvier et août 2009, le volume d'offres de premier emploi publiées par l'Association pour l'emploi des cadres (Apec) a dégringolé de 38 %. Selon la note de conjoncture de l'Apec, parue en octobre, seulement 23 % des entreprises de plus de 100 salariés envisageraient d'embaucher un jeune diplômé au cours du quatrième trimestre 2009, soit la proportion la plus basse constatée depuis le début du baromètre, en 2002. Il y a un an, elles étaient 43 % dans ce cas.

Autre constat : le phénomène de vases communicants entre les offres d'emploi destinées aux jeunes diplômés et les offres de stage, habituel en temps de crise, n'aurait pas eu lieu. « Cette «stratégie» est courante chez les employeurs qui ont besoin de compétences, sans pour autant disposer du budget nécessaire pour une embauche, analyse Nicolas Faure, directeur de PlaceOjeunes, une plateforme de gestion d'offres de stage et de premier emploi qui brasse 220 000 offres par an. Cette année, les projets des entreprises semblent bel et bien avoir été gelés. »

Gâchis social

« Cette situation est un incroyable gâchis social », déplore Laurent Mahieu, secrétaire général adjoint de la CFDT Cadres, qui s'inquiète des risques de «révolte», après deux ans de tensions dans les universités, et de «repli social» auquel pourrait se résoudre cette génération en difficulté. Une crainte partagée par Christian Darantière, directeur délégué de l'Afij : « Au début des années 1990, époque à laquelle a été créée l'association, les jeunes diplômés trouvaient révoltant de ne pas avoir de travail, explique-t-il. Ceux d'aujourd'hui sont résignés, voire découragés. » Dans les locaux de l'association, l'«effondrement» du volume d'offres reçues ne s'est pas traduit par une explosion du nombre de demandes d'accompagnement : « Nous craignons que les jeunes imaginent qu'être aidé ou pas ne changera rien à l'affaire, étant donné qu'il n'y a pas de travail pour eux », s'inquiète Christian Darantière.

Réponses insuffisantes

Pour Laurent Mahieu, qui rappelle également « qu'une année de formation dans l'enseignement supérieur coûte au bas mot 10 000 euros à l'Etat », la réponse gouvernementale, au travers des mesures «jeunes actifs» annoncées fin septembre, n'est absolument pas à la hauteur des enjeux : « Non seulement la prime de 3 000 euros à l'embauche d'un stagiaire, qui a été reconduite après avoir fait un flop, laisse de côté des dizaines de milliers de diplômés 2008 sur la touche (1), mais elle paraît bien insuffisante pour être réellement incitative. On voit mal, en outre, comment les contrats «passerelles», la seule initiative encore accessible aux jeunes diplômés bac + 4 et bac + 5 (2), intéresserait des jeunes qui ont le plus souvent mené un stage professionnel de six mois en fin de cursus. »

Pour le secrétaire général adjoint de la CFDT Cadres, il est « urgent d'injecter des clauses sociales strictes de recrutement de jeunes diplômés dans les plans de relance de l'économie ».

Le diplôme fait toujours la différence

Bien qu'une crise économique n'épargne généralement personne, Dominique Epiphane, ingénieure de recherche au Centre d'études et de recherche sur les qualifications (Céreq), rappelle que « la hiérarchie des diplômes reste globalement respectée » (lire p. 29). La crise actuelle ne fait pas exception à cette règle. « On remarque que les bac + 2 techniques, plus directement opérationnels qu'un jeune diplômé bac + 5 dont l'entreprise mesure mal, en ce moment, le potentiel pour l'avenir, tirent ainsi leur épingle du jeu », souligne Carlos Goncalves, cofondateur du site Jobintree. Autre îlot de relative quiétude : les grandes écoles de commerce et d'ingénieurs, dont les diplômés restent fortement courtisés, malgré la crise (lire p. 25). « Si tout n'a pas été rose pour la promotion 2009 - certaines promesses d'embauche après un stage n'ayant pas pu, notamment, être honorées -, les diplômés s'en sont globalement bien sortis », explique Catherine Marionneau, consultante- conseil carrière chez Audencia, à Nantes. Précisons que, dans la plupart des grandes écoles, le dispositif d'accompagnement - revues de presse sur les secteurs qui recrutent, enquêtes auprès des recruteurs dans les entreprises partenaires, ateliers «délocalisés» à Paris pour coacher les jeunes en recherche d'emploi - a singulièrement été renforcé par rapport aux années précédentes.

Le «bon» réseau

Tous les diplômés n'ont pas cette chance. « En période de crise, les entreprises, qui ne veulent pas être confrontées à un afflux de candidatures auxquelles elles seraient contraintes de répondre négativement, ne publient plus d'offres et privilégient le recours à leur réseau, qui filtrera, explique Christian Darantière.

Les plus grandes difficultés se concentrent donc toujours, et de manière plus radicale qu'à l'accoutumée, sur ceux qui ne sont pas dans le bon réseau, ce qui est majoritairement le cas pour les jeunes diplômés des quartiers populaires. » Dans les zones urbaines sensibles (ZUS), où les jeunes étaient déjà confrontés à un taux de chômage inquiétant (40 % contre 23,9 % pour l'ensemble des jeunes de leur âge), la situation s'est dramatiquement aggravée. Constatant que, du fait de la crise, les entreprises ont donné un «coup de frein» à leurs politiques d'égalité des chances et de diversité, les associations tirent la sonnette d'alarme (lire p. 27)

(1) La période de stage doit avoir débuté entre le 1er mai 2008 et le 30 septembre 2009.

(2) Les propositions de contrats aidés, «Initiative emploi» et «Accompagnement formation», sont plafonnées à bac + 3.

L'essentiel

1 Les jeunes diplômés de 2009 subissent la crise de plein fouet. Les offres d'emploi qui leur sont destinées fondent.

2 Mais certaines entreprises ont choisi de maintenir le lien avec l'enseignement supérieur pour préparer la reprise.

3 Les diplômés des quartiers populaires sont les plus touchés par le coup de frein sur l'emploi. Malgré tout, le diplôme reste la meilleure protection pour rebondir après la crise.

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