logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Les pratiques

Retrait du permis de conduire : quelles conséquences pour les salariés ?

Les pratiques | publié le : 24.11.2009 |

La sévérité en matière de sécurité routière conduit à des retraits de permis de plus en plus nombreux. Les salariés, itinérants ou pas, ne sont pas épargnés et doivent faire face à la réaction de leur employeur, plus ou moins en phase avec le droit.

Cent mille permis de conduire ont été retirés en 2008. C'est 11 % de plus qu'en 2007, année déjà record. Rares sont les entreprises à ne pas être confrontées à l'impossibilité d'un de leurs salariés d'effectuer les déplacements nécessaires à son travail.

Diverses réactions ont été observées, de la plus conciliante à la plus sévère, comme celle de ces employeurs désireux de ne pas être associés à la dangerosité de leurs employés. « Et comme le retrait de permis handicape l'exécution du contrat de travail, ils constatent la rupture de ce même contrat et licencient. Chez les routiers, cela se produit dans 8 cas sur 10 », signale Maxime Dumont, secrétaire général de l'Union fédérale route FGTE-CFDT.

Viennent, ensuite, les employeurs moins catégoriques : durée de la suspension - s'il ne s'agit pas d'un retrait -, nature de l'infraction, comportement du salarié... « Le degré de la sanction ne sera pas forcément lié à la gravité de la faute, mais davantage au dossier du salarié, et notamment à son ancienneté », constate Isabelle Ayache-Revah, associée du cabinet Raphaël. « On tendra vers le compromis », explique Maxime Dumont.

Le chef d'entreprise peut alors inviter son salarié à prendre ses congés ou ses RTT restants, à consommer ses droits au DIF, voire l'inscrire dans une formation ou le contraindre à prendre un congé sans solde. Il peut aussi aménager son poste ou le faire travailler en binôme. Cette attitude est plébiscitée par de nombreux conseils, à l'instar d'Agnès Cloarec-Mérendon, du cabinet Latham & Watkins. D'ailleurs, comme le note Marion Ayadi, associée du cabinet Raphaël, de nombreuses conventions collectives imposent de telles mesures alternatives quand, par exemple, la suspension n'excède pas six mois.

Entrave au fonctionnement de l'entreprise

Mais, que dit le droit ? « Le seul motif de licenciement lié à la désorganisation de l'entreprise consécutive au retrait de permis n'est pas toujours suffisant, souligne Me Cloarec-Mérendon. Il faut, en effet, prouver que l'absence de permis de conduire entrave le fonctionnement de l'entreprise. »

La Cour de cassation valide le licenciement pour cause réelle et sérieuse uniquement quand le retrait est de longue durée et « lorsque la fonction exige le permis de conduire », ajoute Cyril Catté, du cabinet Gibier, Souchon, Festivi, Rivierre. Ainsi, la jurisprudence a tendance à restreindre le recours au licenciement. « Il avait été reproché à une entreprise d'avoir licencié un livreur privé de permis, car elle n'avait pas étudié tous les moyens de déplacement avec des véhicules ne nécessitant pas de permis de conduire », évoque Me Ayadi.

Quoi qu'il en soit, les entreprises qui auront spécifié dans le contrat de travail ou dans le règlement intérieur la rupture du contrat en cas de retrait de permis auront les coudées plus franches. Une précaution élémentaire, pour Me Catté, quand la fonction du salarié nécessite la conduite de véhicules. « Cette clause a été validée par la jurisprudence », confirme-t-il. Et, s'il y a licenciement, Me Cloarec-Mérendon penche davantage pour le motif personnel que pour la faute grave.

Circonstances aggravantes

Il existe, toutefois, des circonstances aggravantes, comme ce cas, relayé par Me Ayache-Revah, d'un salarié arrêté par les policiers, durant son travail, en train de fumer du cannabis au volant. Depuis 2003, le licenciement pour cause réelle et sérieuse dans ce genre d'infraction va de soi, qu'elle ait été commise dans le cadre professionnel ou privé. « Quand intervient l'usage de stupéfiants ou d'alcool, les entreprises, se considérant moralement responsables, licencient pour faute grave, même si elles se savent exposées à un risque de contentieux mettant à mal cette qualification pour faute », précise-t-elle.

Méconnaissance du retrait

Mais, pour réagir, encore faut-il que l'employeur soit informé. Rien, dans le Code du travail, n'oblige le salarié à communiquer sur la perte de tous ses points ni sur le retrait de son précieux sésame. Toutefois, « la jurisprudence permet aux employeurs d'interroger leurs salariés dont l'activité est liée au permis », avance Cyril Catté. Et mieux vaut le faire. Une entreprise a, ainsi, été condamnée pour avoir (par méconnaissance du retrait) continué à faire conduire son salarié. Là encore, « l'entreprise peut prévoir, dans le contrat de travail, l'obligation de justifier de son nombre de points régulièrement », avance Marion Ayadi. Ou, tout simplement, l'obligation pour le salarié d'informer de la perte de son permis. Il en va de l'exécution loyale du contrat de travail.

Pour l'heure, un groupe de travail interministériel planche sur un système d'alerte informant les employeurs des interdictions de conduite ou de la perte de points de leurs salariés, alors même que les syndicats militent pour la création d'un permis de conduire professionnel.