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Les pratiques

Villeurbanne fait vivre sa «charte alcool»

Les pratiques | Retour sur... | publié le : 17.11.2009 |

En 1993, la Ville de Villeurbanne (Rhône) avait lancé une réflexion interne sur le risque alcool, axée sur la sensibilisation, la responsabilisation de tous et l'accompagnement vers le soin. Les procédures et documents mis en place dans ce cadre en 2005 sont, aujourd'hui, des outils RH du quotidien.

«Maintenant, c'est comme pour le tabac : des collègues viennent me demander comment j'ai fait pour arrêter. » Pourtant, Jean-Pierre Brot, gardien d'école à Villeurbanne (Rhône), se souvient que la parole n'a pas toujours été aussi libre au sujet de l'alcool : « Quand une personne se détériore comme je l'ai fait, ses collègues disent, a posteriori, «On se taisait pour le couvrir». En fait, ils n'osaient pas m'en parler et en profitaient. Ils me donnaient les «sales» boulots. Quand je suis revenu de cure, ils m'ont encore fait «payer». Heureusement, avec tout ce qui a été fait depuis seize ans, même si l'alcool peut encore poser des problèmes, on en parle. » Voilà ce que d'autres personnes, ayant elles aussi souffert de cette addiction, expliquent également à ceux qui viennent les questionner : leur groupe, nommé «Premiers Pas», accompagné par une psychologue, se tient à leur disposition, sur le temps de travail, deux heures par semaine. Cet accompagnement est l'une des actions nées de l'initiative, en 1993, de l'adjoint au maire chargé de la santé, qui a décidé de s'attaquer à ce sujet.

Un groupe de dix volontaires

A l'époque, un groupe de dix volontaires de tous niveaux s'est constitué, dont a fait partie Marie-Pierre Laplanche-Servigne, directrice ajointe du service culture et petite enfance, devenue chef du projet. Baptisé «Deltaplane», ce groupe a suivi une formation du Centre départemental de prévention de l'alcoolisme... déroutante, car poussant chacun à se situer par rapport à cette question. « Déroutante aussi parce qu'il s'agit d'un tabou, que la personne dépendante doit reconnaître qu'elle est malade, et, enfin, que son entourage - y compris professionnel - porte une responsabilité, explique Marie-Pierre Laplanche-Servigne. Nous avons donc réfléchi longtemps à la méthode à adopter. »

Aidé par Restim, un cabinet spécialisé, Deltaplane commence par des opérations ponctuelles, comme la distribution d'alcootests à l'entrée de la fête du personnel. « Nous recevions alors soit des remarques grivoises, soit des fins de non-recevoir », se souvient-elle. Mais ce qui a impulsé une prise de conscience, c'est un vaste plan de formations, sur le temps de travail, obligatoires pour tous (1 600 agents) : environ deux ans de réunions, par groupes de 15, aux cours desquelles certains se taisaient par crainte d'un «flicage», tandis que d'autres claquaient la porte..., trop douloureusement touchés. « Pourtant, au fil du temps, les gens ont pris conscience que la personne qui boit se met en danger elle-même, mais également les usagers et ses collègues. Dire qu'on est tous responsables a provoqué le déclic », assure la chef de projet.

Pour «outiller» le personnel face à cette responsabilité, une charte alcool a été élaborée par un nouveau groupe, ancré, cette fois-ci, dans l'organisation : représentants du comité hygiènesécurité et des services administratif, social et juridique, médecin du travail, et la chef du projet. Ce livret, relu, clarifié et où tout terme de jugement a été enlevé par le service communication, a été distribué à l'ensemble du personnel et l'est, depuis, à tout nouvel arrivant. Il présente des tests pour évaluer sa propre consommation ainsi que des procédures à suivre en cas d'alcoolisation, accidentelle ou chronique : identification de la situation à risque, alerte de l'encadrement et mise en sécurité du collègue alcoolisé.

La hiérarchie, dispose, elle, d'un schéma d'interventions selon le niveau de gravité et d'un «support pour entretiens professionnels». En cas de récidive, par exemple, les encadrants, outre un nouveau rappel des dysfonctionnements et manquements, doivent aussi donner à l'agent des objectifs de comportement et d'amélioration professionnels, fixer un rendez-vous de bilan à deux mois et informer la médecine du travail, qui lui proposera un protocole d'aide et, sur le long terme, un accompagnement éventuel par «Premiers Pas». « Accompagner la menace de sanction d'une proposition d'aide, c'est ça la vraie nouveauté », estime Jean-Pierre Brot. Pour Marie-Pierre Laplanche-Servigne, qui a passé le relais à la DRH, l'intérêt est aussi que la charte et le support pour entretiens professionnels sont, aujourd'hui, des outils pour aborder toute situation délicate.

Responsabilisation

Enfin, un formulaire de «Demande d'autorisation pour l'organisation d'une réunion conviviale», instauré avec la charte, a également produit ses effets. Ce document, qui donne quelques conseils, limite la durée du buffet et engage la responsabilité du directeur de service, a signé la fin des dérives. « Il nous conduit à parler de ce sujet avec les partenaires avec lesquels nous organisons des «pots» », note Jean-Pierre Brot, désormais abstinent : « Aujourd'hui, des gens osent ne pas prendre d'alcool. »