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Les entreprises en ordre de bataille pour éviter les surpénalités financières

Les pratiques | publié le : 17.11.2009 |

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Les entreprises en ordre de bataille pour éviter les surpénalités financières

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Le risque de sanctions financières a accéléré la mise en oeuvre d'actions en faveur du handicap dans les entreprises. Estimées à 25 000 au début de l'année, les entreprises à «quota zéro» ne seraient plus que 5 000 aujourd'hui. Pour autant, les objectifs fixés par la loi font encore figure d'horizon inaccessible à court terme.

A quelques semaines de l'échéance du 1er janvier 2010, date couperet pour les entreprises qui n'auront pris aucune initiative en faveur du handicap au cours des trois dernières années, la 13e Semaine pour l'emploi des personnes handicapées, qui a lieu du 16 au 22 novembre, a pris une ampleur particulière : dans toute la France, se multiplient les forums de recrutement et les conférences.

Les entreprises n'ont cependant pas attendu la fin novembre pour agir : « 2009 restera une année charnière dans la prise en compte du handicap dans les entreprises, souligne Anne Saüt, directrice générale du cabinet Diversity Conseil. Au-delà du développement croissant des politiques de RSE et de leur intégration dans les rapports annuels, le risque de surpénalité financière a été un levier extraordinaire. » « Jusqu'en 2009, la contribution Agefiph était considérée comme un problème strictement comptable, laissé entre les mains de la direction financière, qui jugeait, généralement, le montant acceptable et signait le chèque, confirme Jonathan Ichaï, directeur de l'Officiel du handicap (ODH), une instance du Conseil économique et social. Cette année, on remarque que d'autres sphères, et en particulier les directions générales, viennent sérieusement se pencher sur la question. »

Le sentiment d'urgence lié à la réforme a été tel qu'en dépit d'un sérieux «malus» pour les plus mauvais élèves (lire encadré), la contribution versée à l'Agefiph par l'ensemble des entreprises en 2010 devrait être, peu ou prou, équivalente à celle de 2009, soit 560 millions d'euros.

Ces derniers mois, de nombreuses initiatives se sont, en effet, attachées à limiter la «casse» dans les entreprises à «quota zéro» - 25 000 selon les fichiers de l'Agefiph -, dans leur grande majorité (88 %) des PME de moins de 100 salariés dépourvues de service RH. « En 2010, trois unités manquantes pour une entreprise qui ne peut justifier d'aucune initiative récente, c'est près de 40 000 euros de pénalité, souligne Sylvain Gachet, directeur grands comptes de l'Agefiph. En cette période de crise, combien de PME la réforme aurait-elle contraintes à mettre la clé sous la porte ? »

Campagne de diagnostic personnalisé

Destinée à donner un «coup de fouet» avant 2010, la propre campagne de diagnostic personnalisé, lancée en 2008 par l'Agefiph, a porté ses fruits : seules 5 000 entreprises risqueraient, aujourd'hui, la pénalité maximale, soit cinq fois moins qu'il y a un an. Au 30 septembre, l'accompagnement réalisé a rendu possibles 1 300 embauches, dont 70 en alternance, ainsi que 2 300 actions de sous-traitance auprès du secteur protégé. En outre, 2 200 recrutements, dont 400 en alternance, et plus de 2 700 contrats de sous-traitance étaient en cours de finalisation.

Dans certains cas, le diagnostic réalisé a également mis en évidence une action en faveur du handicap n'ayant jamais été déclarée, écartant, ainsi, le risque pour l'entreprise. Certaines branches professionnelles sont aussi montées au front. C'est notamment le cas de la Fédération des entreprises de la propreté (FEP), qui a missionné le cabinet Acmé pour soutenir les actions de ses 140 adhérents franciliens à «quota zéro». La centaine d'adhérents régionaux concernés ont, quant à eux, fait l'objet d'un accompagnement par les chargés de mission régionaux du Fonds d'action pour la réinsertion et l'emploi (Fare), une émanation de la branche.

Malgré les bons chiffres annoncés par l'Agefiph, c'est cependant rarement un recrutement qui vaut aux entreprises d'éviter la sanction maximale : les grands bénéficiaires des actions menées en 2009 sont, sans conteste, les établissements et services d'aide par le travail (Esat). « L'intérêt des entreprises pour le secteur protégé s'est, en effet, largement développé depuis 2005, confirme Valérie Tran, directrice associée du cabinet Ariane Conseil. La piste reste cependant sous-exploitée. En cause, la méconnaissance des structures protégées et de leurs possibilités de collaboration avec les entreprises, la crainte de se heurter à des acheteurs encore peu sensibilisés et le sentiment que les procédures de référencement en vigueur dans l'entreprise ne favorisent pas ce type de partenariat. » Pour éviter la dissolution de cet enjeu au sein de son service achat, l'ascensoriste Koné, signataire d'un accord agréé sur l'emploi des personnes handicapées, a, ainsi, créé un poste à mi-temps de responsable des négociations avec les Esat.

Reconnaissance interne

Les entreprises ont également souvent tenté la carte de la «reconnaissance interne», c'est-à-dire l'identification des salariés handicapés ne s'étant jamais fait connaître, par choix ou par méconnaissance. C'est un des axes sur lesquels a travaillé la SSII Acti, qui emploie 500 salariés, informaticiens dans leur grande majorité, et qui est confrontée au gel de ses recrutements à la suite de la défection de certains clients en difficulté financière. « Cinq salariés se sont manifestés, essentiellement pour les troubles de la vue, explique Marie-Mercedes Allongue, directrice de la communication. Nous avions, par ailleurs, nous-mêmes identifié d'autres handicaps parmi nos salariés, mais les réticences demeurent importantes. » Dans l'espoir d'avoir plus de succès, Acti s'apprête à lancer une seconde campagne de communication interne sur le sujet.

Des salariés méfiants

« Les entreprises ont globalement peu de résultats en matière de reconnaissance interne, souligne Sylvain Gachet. Les salariés restent méfiants. En revanche, une fois que l'employeur a su faire la preuve d'un engagement solidement ancré en faveur du handicap, on assiste souvent, au bout de quelque temps, à une vague spontanée de déclarations. »

Ces actions tous azimuts, souvent menées dans l'urgence d'échapper à la majoration de la sanction financière, ne suffisent cependant pas à approcher les objectifs fixés par la loi. Une étude récemment réalisée par Deloitte et l'ODH, auprès d'une centaine d'entreprises sélectionnées parmi les plus importants recruteurs français, met en évidence un certain désarroi à ce sujet. « 83 % des entreprises interrogées reconnaissent qu'elles manquent cruellement de visibilité sur l'application de la loi, souligne Jonathan Ichaï. Prises de conscience tardives, absence de méthode, et jeunesse des missions handicap : la très faible quantité de références empêche souvent les bonnes volontés de se transformer en résultats concrets. De façon très majoritaire, la loi est considérée comme applicable uniquement sur le long terme. »

Manque de visibilité

Autre difficulté : en abrogeant les valeurs unitaires, la réforme a eu des conséquences sur le calcul du taux d'emploi des travailleurs handicapés. « Des entreprises qui, au prix d'un travail de longue haleine, avaient atteint le seuil fixé de travailleurs handicapés, voient, ainsi, leur contribution Agefiph augmenter considérablement, explique Anne Saüt. C'est notamment le cas d'Air France, dont le taux d'emploi des travailleurs handicapés a chuté de 6 % à 4 %. »

Recrutement complexe

« Le vrai point noir pour les entreprises est le recrutement, relève Jonathan Ichaï. Alors que le nombre de demandeurs d'emploi est en augmentation, trouver un travailleur handicapé est une mission complexe, souvent vouée à l'échec en raison du faible niveau de qualification de cette population. » Il existe cependant des sources d'optimisme : des entreprises comme Thales ou SFR commencent à prendre le problème à son origine en signant des conventions avec des établissements préparant des BTS ou des DUT, et la plupart des employeurs, prenant peu à peu conscience que ni les méthodes, ni les médias traditionnels du recrutement ne suffisent à l'embauche de salariés handicapés, créent des processus RH différenciés. « Le CV d'une personne valide et celui d'une personne handicapée n'atterriront bientôt plus sur un même bureau », conclut Jonathan Ichaï.

La «loi Handicap» du 11 février 2005

Entrée en application le 1er janvier 2006, la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dite « loi Handicap » a réaffirmé l'obligation d'emploi d'au moins 6 % de salariés handicapés dans chaque établissement de plus de 20 salariés. Une obligation qui peut être remplie via l'emploi direct de personnes handicapées, la sous-traitance auprès du secteur protégé ou la signature d'un accord collectif.

Le nouveau texte a également alourdi les sanctions financières pour les employeurs ne remplissant pas ces obligations. A partir de 2010, les entreprises qui n'auront engagé aucune action en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés pendant plus de trois ans verront leur pénalité portée à 1 500 fois le smic horaire pour toute unité travailleur manquante. Celles qui auront été actives, sans pour autant atteindre le seuil des 6 %, resteront sanctionnées à hauteur de 400 à 600 smic horaire, la pénalité en vigueur depuis 2006.

La réforme a, en outre, abrogé les valeurs unitaires, de sorte qu'aujourd'hui, tout travailleur handicapé compte pour une unité, quelle que soit la gravité de son handicap.

L'essentiel

1 Le risque de surpénalités financières introduit par la «loi handicap» de 2005 a été un levier efficace dans la prise en compte du handicap par les entreprises.

2 Grâce au soutien de l'Agefiph et de certaines branches professionnelles, les entreprises à «quota zéro», estimées à 25 000 au début de l'année, ne seraient plus que 5 000 aujourd'hui.

3 Dans leur grande majorité, les entreprises reconnaissent cependant rencontrer d'importantes difficultés dans l'application de la loi.

La «loi handicap» du 11 février 2005

Entrée en application le 1er janvier 2006, la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dite « loi handicap » a réaffirmé l'obligation d'emploi d'au moins 6 % de salariés handicapés dans chaque établissement de plus de 20 salariés. Une obligation qui peut être remplie via l'emploi direct de personnes handicapées, la sous-traitance auprès du secteur protégé ou la signature d'un accord collectif.

Le nouveau texte a également alourdi les sanctions financières pour les employeurs ne remplissant pas ces obligations. A partir de 2010, les entreprises qui n'auront engagé aucune action en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés pendant plus de trois ans verront leur pénalité portée à 1 500 fois le smic horaire pour toute unité travailleur manquante. Celles qui auront été actives, sans pour autant atteindre le seuil des 6 %, resteront sanctionnées à hauteur de 400 à 600 smic horaire, la pénalité en vigueur depuis 2006.

La réforme a, en outre, abrogé les valeurs unitaires, de sorte qu'aujourd'hui, tout travailleur handicapé compte pour une unité, quelle que soit la gravité de son handicap.