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Le salaire de la peur

Enjeux | Chronique de Meryem Le Saget | publié le : 17.11.2009 |

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Le salaire de la peur

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Le malaise grandit dans les entreprises. Derrière le fonctionnement exigeant des organisations centrées sur leurs profits, on découvre qu'il y a des personnes qui travaillent, que leur niveau de stress est intense et qu'elles souffrent. Les médecins du travail, les consultants en ressources humaines et les sociologues tiraient la sonnette d'alarme depuis de nombreuses années, mais il fallait sans doute du temps pour que cela monte jusqu'au cerveau...

On identifie aisément l'une des composantes du problème : les dérives du capitalisme, en plaçant la rentabilité en valeur première, ont relégué au second plan le sens de la mesure et le respect des personnes. C'est de notre faute à tous : nous avons accepté sans broncher cette pensée unique qui érige en nécessité absolue la satisfaction des investisseurs. Le «carnet de notes» trimestriel des entreprises, établi par les analystes financiers, dit toujours la même chose : « Elève peu concentré, doit mieux faire. » Dans cette ambiance de peur et de jugement public, certains dirigeants se déshumanisent. Leur détermination à atteindre des objectifs impossibles occulte leur raisonnement. Le cynisme prend la place de l'humanisme.

Pourquoi les managers ne réagissent-ils pas ? Ils connaissent la stratégie adoptée par la direction et en constatent les effets désastreux sur le climat de travail. Mais eux aussi ont peur. Ils ont beau constater le malaise, ils n'osent rien dire de crainte de voir leur tête mise sur le billot. Après tout, ils sont payés davantage que les non-cadres, ils ont des responsabilités de management, de quel droit peuvent-ils se positionner «contre» les décisions de l'entreprise ? Courage et intégrité contre bulletin de salaire... La bataille est disproportionnée. Nos entreprises sont peuplées de managers qui se taisent, parfois jusqu'à en tomber malades. Leur silence est assourdissant.

Quant aux salariés, le contenu de leur travail a perdu beaucoup de sens ces dernières décennies. Spécialisation, organisation de l'entreprise en processus dont ils ne voient qu'une infime partie, multiplication des indicateurs de performance ; ils ne savent plus à quoi ils contribuent. La pression ne s'arrête d'ailleurs pas au travail, elle se répand dans de nombreux domaines de leur vie : la famille, les enfants, les associations diverses, les responsabilités. Chacun se fatigue plus vite, la sensibilité est à fleur de peau. On n'arrive plus à prendre du recul ni à se ressourcer dans ce monde qui vit en accéléré. On a peur de continuer sur ce rythme, et peur de s'arrêter aussi.

Dans les contes et légendes, il est fréquent de trouver un dragon ou un ogre qui terrorise les villageois en exigeant son lot régulier de victimes. Si les hommes ne lui procurent pas de quoi assouvir sa faim, le courroux du monstre se déchaîne et il se venge. Mais certains héros courageux osent se mobiliser. Ils s'organisent, utilisent la ruse, défient le dragon et parviennent à le terrasser. Dans notre histoire moderne, nous sommes coincés à l'étape des villageois qui pâlissent de terreur. Passons à la deuxième phase.

Meryem Le Saget est conseil en entreprise à Paris. < www.lesaget.com >