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Une stratégie de court terme ?

Enquête | publié le : 27.10.2009 |

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Une stratégie de court terme ?

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Plébiscités pour leur capacité à aplanir les tensions sociales, les plans de départs volontaires, trop souvent déconnectés d'une réflexion sur l'avenir de l'entreprise et de ses métiers, peuvent se révéler sources de graves dysfonctionnements.

Quatre ans après leur introduction dans le cadre d'un accord GPEC (1) et deux ans après que leurs indemnités se sont vues exonérées de charges sociales (2), les plans de départs volontaires sont en passe de s'installer durablement dans la boîte à outils des entreprises en restructuration. « L'appel au volontariat représente, désormais, entre 50 % et 60 % des plans de réduction d'effectifs que nous accompagnons », confie Jean-François Carrara, responsable du département développement et ressources humaines chez Algoé. Si les grandes entreprises s'en révèlent friandes - en septembre, Air France a annoncé, à son tour, 1 500 départs sur la base du volontariat -, les PME ne sont pas en reste, qui mettent parfois en oeuvre des plans pour 20 ou 30 personnes.

Restructuration en douceur

« Le volontariat permet souvent de faire accepter une restructuration en douceur, souligne Olivier Labarre, directeur général adjoint du groupe BPI. Il fait même disparaître le terme de «licenciement économique» des journaux ! Au final, dirigeants, actionnaires, politiques, syndicats, salariés bien souvent, tout le monde y trouve son compte. »

Au point que les plans de départs volontaires apparaissent parfois comme la recette magique... qu'ils ne sont pas.

« Quand je rencontre un chef d'entreprise pour qui il sera difficile d'appréhender la gestion prévisionnelle des métiers et des compétences, je le dissuade de mettre en oeuvre un plan de départs volontaires, explique Marijke Granier-Guillemarre, avocate associée du cabinet Sarrau Thomas Couderc. Ce serait, à coup sûr, ouvrir la voie à une désorganisation. » Dans les faits, le «bêtisier» s'enrichit, en effet, de jour en jour : entreprises contraintes de recourir à l'intérim à la suite d'un plan de départs volontaires mal calibré, voire de réembaucher des équipes entières quelques semaines après leur départ !

Hémorragie de compétences

Chez ArcelorMittal, l'hémorragie de compétences à la suite du départ de 2 800 volontaires (10 % de l'effectif) a entraîné de sérieuses difficultés. Le site de Florange, en Moselle, a, notamment, dû faire appel à des intérimaires «sur des postes clés».

Les syndicats tirent la sonnette d'alarme (lire p. 24). « En termes de surcharge de travail et de désorganisation, les plans de départs volontaires n'ont rien à envier aux PSE. Bien au contraire », confirme Maurad Rhabi, de la CGT.

Alors ? Restructuration en douceur ou stratégie à court terme ? « En matière de départs volontaires, tout est possible, le pire comme le meilleur, nuance un consultant. Si j'estampillerais volontiers certains plans de «socialement responsables», force est de constater qu'en période de récession économique, ils servent surtout à alléger la barque. Advienne que pourra... »

Un pari dangereux

Un objectif qui conduit nombre de DRH à ouvrir complètement les vannes. Un pari dangereux, car, sans grande surprise, ce sont les salariés les plus diplômés et les plus expérimentés qui souscrivent majoritairement aux plans de départs volontaires. « Mettre en oeuvre un appel au volontariat sans avoir déterminé quels sont les métiers en tension, ceux en déclin, et les métiers sensibles de son organisation afin de cibler les catégories professionnelles éligibles est, pour moi, un non-sens », relève Jean-François Carrara.

Pour autant, le principe du volontariat exige de respecter une certaine latitude. Récemment, la direction d'une entreprise d'édition a, ainsi, été contrainte de revoir sa copie au motif que les catégories de son plan de départs volontaires étaient si précises que les salariés pouvaient se sentir visés nominativement. Les syndicats y ont vu un «PSE déguisé».

« Pour se prémunir contre le départ d'un salarié indispensable, on peut aussi prévoir, dans le corps même du plan, les arguments recevables, souligne Marijke Granier-Guillemarre. Une disposition d'autant plus utile qu'un volontaire se voyant opposer des arguments fallacieux peut prendre acte de la rupture aux torts exclusifs de l'employeur. » L'argument le plus efficace, selon l'avocate ? L'obligation de recourir à un recrutement extérieur pour remplacer le partant.

Refuser un départ : un acte délicat

« Refuser un départ, même pour de très bonnes raisons, reste cependant un acte délicat, précise Olivier Labarre. Le volontaire a conduit jusqu'à son terme une réflexion sur son avenir. Il sera difficile, pour lui, de faire le chemin inverse. On a également vu des salariés négocier, au prix fort, les conditions de leur maintien dans l'entreprise. »

Programme de fidélisation

De son côté, pour éviter la fuite de ses compétences les plus pointues, PSA dresse, chaque année, depuis 2007, une liste de spécialistes, experts et maîtres-experts et s'engage, via un programme de fidélisation, à compenser la non-éligibilité des deux dernières catégories aux plans de départs volontaires (lire p. 25).

Nombreux, également, sont les plans à prévoir l'ouverture d'un poste au volontariat, sous réserve que le partant puisse être remplacé par un autre salarié de l'entreprise. Parfois utile, cette disposition a cependant pour inconvénient d'entraîner un jeu de chaises musicales relativement complexe. 

Mobilité interne

Indépendamment de cette clause, la mise en oeuvre d'un dispositif de mobilité interne reste, de toute façon, le pendant indispensable à un plan de départs volontaires (lire p. 27). Pour faire face, ainsi, aux conséquences des prochains départs au sein des fonctions centrales et de la R & D, Sanofi-Aventis a dégagé un budget formation spécifique de 13 millions d'euros (lire p. 26).

(1) La loi de cohésion sociale de janvier 2005 a permis aux entreprises en difficulté économique de déclencher un plan de départs volontaires dans le cadre de leur accord GPEC.

(2) Disposition de la loi de financement de la Sécurité sociale de 2007.

L'essentiel

1 Les plans de départs volontaires ont actuellement les faveurs des DRH, qui y voient le moyen d'apaiser les tensions sociales.

2 En dehors d'une solide réflexion sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ils entraînent de multiples dysfonctionnements.

3 Un dispositif de mobilité interne reste le pendant indispensable à un plan de départs volontaires.

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