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« Les plans de départs volontaires arrimés à une solide GPEC restent marginaux »

Enquête | L'entretien avec | publié le : 27.10.2009 |

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« Les plans de départs volontaires arrimés à une solide GPEC restent marginaux »

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E & C : Le volontariat semble s'ancrer solidement dans les pratiques des entreprises en restructuration. L'exercice est cependant, selon vous, périlleux...

M. R. : Un plan de départs volontaires est encore un dispositif peu bordé juridiquement. Rappelons que deux des trois possibilités de déclenchement - accord de méthode et accord de GPEC - sont relativement nouvelles. De plus, si rares sont aujourd'hui les DRH et les syndicats qui n'ont jamais eu à mener un plan de sauvegarde de l'emploi, les partenaires sociaux essuient encore les plâtres en matière de départs volontaires.

E & C : Que nous apprennent les premiers retours d'expérience ?

M. R. : Une surprise d'abord : de nombreuses entreprises ont été complètement dépassées par le succès de leur plan. Citons, entre autres, Alcatel-Lucent, Scor, PSA, Adecco ou encore les 3 Suisses. Avec des situations parfois étonnantes : alors qu'ils avaient souscrit au plan au-delà de l'effectif ciblé, les salariés de l'usine Valeo de Laval se sont mis en grève, l'été dernier, pour obtenir le droit de partir tous ! Le constat est d'autant plus troublant que ce phénomène intervient parfois dans des entreprises qui ont la réputation de savoir fidéliser leurs salariés. Certains dirigeants en ont été particulièrement déstabilisés.

Autre constat plus attendu : ce sont les plus «employables», les cadres souvent, qu'on retrouve majoritairement parmi les volontaires. Les autres populations ne se précipitent pas, au point qu'il est parfois nécessaire de bloquer les départs des cadres en cours de route ou de mettre en oeuvre un deuxième plan qui leur est inaccessible pour éviter la «dévitalisation» de l'entreprise, comme l'a fait PSA.

Autre tendance, assez marquée : les départs sont très inégalement répartis entre les sites ou les services. C'est souvent en discutant avec leurs collègues que les indécis mûrissent leur décision, ce qui entraîne une forme de contagion, que nous appelons aussi «effet de cohorte». Il arrive ainsi que des équipes entières tirent leur révérence alors que d'autres restent au complet.

E & C : Les entreprises ne sont donc pas parvenues à juguler les risques redoutés d'une hémorragie des compétences...

M. R. : Pour contourner cette difficulté, encore faut-il avoir une solide réflexion sur son avenir et sur celui de ses métiers. L'approche qui prévaut aujourd'hui est, malheureusement, quantitative : on cherche à supprimer 10 % ou 20 % de la masse salariale, le reste importe peu. En ce sens, on peut dire que l'intention du législateur qui avait assoupli, à l'occasion de la loi de cohésion sociale de janvier 2005, les conditions des départs volontaires en les rendant possibles dans le cadre de la GPEC, est restée lettre morte.

Les plans de départs volontaires arrimés à une solide GPEC restent, en effet, extrêmement marginaux. C'est tout à fait regrettable, car une telle association offre de nombreux avantages : en calibrant de façon précise le périmètre des départs, elle permet de préserver les compétences de l'entreprise, parfois de façon plus efficace qu'un PSE, soumis à des critères d'ordre.

Elle offre, en outre, une opportunité de départ à ceux qui le souhaitent vraiment, et permet de stimuler le dialogue social en conférant aux syndicats un autre rôle que celui de «pompier du social», selon le mot de Bernard Thibault.

E & C : Que préconisez-vous pour gérer «l'après-départs volontaires» ?

M. R. : Afin de renforcer les équipes affaiblies par les «effets de cohorte», nous recommandons d'accompagner le plan d'un dispositif de mobilité interne et de formation. Les entreprises commencent à y venir.

Tout aussi essentiel, à mon avis, est de remobiliser ceux qui restent sur un projet collectif. S'ils parviennent, semble-t-il, à limiter la conflictualité, les départs volontaires impactent fortement la motivation des salariés. A fortiori du fait que, contrairement aux PSE, ils inscrivent chacun dans une démarche individuelle, certaines entreprises parvenant même à s'exonérer de la phase de justification économique.

Pourquoi ne pas profiter, également, de la clôture d'un tel plan pour mener un audit social dans les sites ou les services qui ont connu des départs massifs, indice fréquent d'un problème de management ou de conditions de travail dégradées ? C'est un signe fort de la part de la direction, qui prouve, ainsi, son intention d'aller de l'avant.