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Après la saignée, la GPEC redémarre dans l'urgence

Enquête | publié le : 27.10.2009 |

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Après la saignée, la GPEC redémarre dans l'urgence

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En six mois, 2 800 salariés ont quitté ArcelorMittal en départs volontaires. Confrontée à de graves problèmes de préservation des compétences, l'entreprise relance en urgence l'accord de GPEC conclu avant la crise.

« En matière de transfert des compétences, tous les voyants sont au rouge, à tel point que nous nous demandons si nous serons encore capables de produire de l'acier dans deux ans ! », s'alarme Philippe Verbeke, coordinateur de la CGT chez ArcelorMittal Atlantique et Lorraine. Les effets conjugués d'un plan de départs volontaires très suivi et du gel des recrutements se traduisent désormais au quotidien. A Florange (Moselle), une panne du haut-fourneau un mois après son redémarrage a mis en exergue la fragilité des compétences techniques. Le site a dû faire appel à des intérimaires « occupant des postes clés » et mobiliser une nouvelle fois des salariés en congés.

« A l'aciérie de Gandrange, aujourd'hui fermée, la formation des 300 jeunes recrutés en 2006 s'est très mal déroulée, faute de transmission des savoirs. Il est urgent de compenser chaque départ par une embauche et d'aménager les fins de carrière pour pérenniser les compétences », estime Didier Coletti, délégué CFDT d'ArcelorMittal à Florange.

La gestion des compétences paraissait pourtant au coeur des préoccupations du sidérurgiste lors de la fusion d'Arcelor et de Mittal Steel, en 2006. Signé par la CFDT, FO, la CFE-CGC et la CFTC en septembre 2007, dans l'euphorie d'un marché mondial en pleine croissance, un accord de GPEC prévoyait des aménagements de fin de carrière pour favoriser le tutorat et le parrainage. Un observatoire des métiers et des compétences devait apporter une vision globale des différents métiers du groupe. Mais la crise a enrayé le dispositif.

Télescopage entre GPEC et départs volontaires

En décembre 2008, confronté à une chute vertigineuse du marché de l'acier, ArcelorMittal a lancé un plan de départs volontaires pour 1 400 de ses 28 000 salariés français. Prévu pour les fonctions supports, le plan s'est étendu aux opérateurs et s'est soldé, en septembre dernier, par 2 855 candidatures au départ, réparties à parts quasi égales entre «cols blancs» et «cols bleus».

Durant la tourmente, la GPEC, ainsi que l'observatoire des métiers et compétences qui en constituait la charnière, sont restés en sommeil. Les expériences de tutorat conduites sur certains sites sont restées disparates et minoritaires. « Il y a eu télescopage entre la GPEC, envisagée à moyen et long termes, et le plan de départs volontaires. Aujourd'hui, l'urgence est de relancer la GPEC. Nous nous retrouvons à la case prospective alors que nous devrions être à celle de la réalisation », estime Lionel Belloti, délégué syndical central FO.

Fin de la parenthèse «Talent Pool»

La direction a annoncé, mioctobre, la relance de la GPEC. Ce redémarrage, qui doit débuter par un état des lieux, pourrait refermer la parenthèse du «Talent Pool». Rebaptisée Structural & Skills Pool (SSP), cette sorte d'agence intérimaire interne regroupe l'ensemble des salariés en disponibilité du fait de la crise, en formation ou en passe de quitter l'entreprise dans le cadre du plan de départs volontaires. La structure, qui a regroupé plus de 7 000 personnes au plus fort de la crise, a permis à l'entreprise d'assurer en interne des tâches jusqu'alors sous-traitées ou confiées à des intérimaires. Favorisant la mobilité, le dispositif a permis à certains salariés d'enrichir leur cursus ou d'amorcer une diversification. Mais la mobilité forcée - ou consentie dans le seul souci de ne pas voir ses revenus chuter du fait du chômage technique - a constitué une expérience pénible, voire humiliante, pour de nombreux salariés. La reprise a progressivement dégonflé les effectifs du SSP, qui ne comptait plus que 3 800 salariés fin septembre et pourrait disparaître courant 2010.

« Le Talent Pool existait en Allemagne depuis plusieurs années et s'adressait à des volontaires. En France, il a constitué une sorte de fourre-tout, dont l'objectif principal était de sortir un certain nombre de salariés de l'effectif pour améliorer le ratio des coûts de production de la tonne d'acier par homme. Il s'agit d'un outil de crise, qui ne s'inscrit nullement dans la continuité de la GPEC », estime Patrick Auzanneau, représentant national de la CFDT à ArcelorMittal. Contactée, la direction des ressources humaines n'a pas souhaité s'exprimer.

ARCELORMITTAL

• Activité : sidérurgie.

• Effectifs : 310 000 salariés dans le monde, dont 28 000 en France, répartis sur 50 sites.

• Chiffre d'affaires 2008 : 88,6 milliards d'euros.