En quelques décennies, les entreprises occidentales sont parfois passées de l'impérialisme culturel le plus total au relativisme absolu, cherchant à respecter les différentes cultures locales au nom de l'identique valeur de toutes, mais, surtout, au nom d'une meilleure efficacité des pratiques managériales. Cependant, paradoxalement, la question de l'universalité des valeurs humaines revient sur le devant de la scène avec la globalisation et l'exigence d'une gouvernance d'entreprise mondiale responsable. Nombreuses sont, aujourd'hui, les sociétés à se doter de codes de déontologie qui transcendent les frontières pour développer une culture d'entreprise qui satisfasse aux exigences éthiques de leurs consommateurs.

A partir d'un travail d'étude pour et sur le groupe Lafarge, Philippe d'Iribarne - qui a décrit dans plusieurs ouvrages l'influence des cultures nationales sur le fonctionnement des organisations -, propose d'abandonner le seul terrain du pragmatisme pour réfléchir à ce que recouvre pour tous les hommes l'attente d'un «bon pouvoir». Loin d'être l'apanage des sociétés occidentales, cet idéal est présent partout dans le monde, même s'il est loin de coïncider pour tous avec les valeurs démocratiques. Une chose est de prétendre satisfaire cet idéal, une autre d'imposer notre manière d'y parvenir en affirmant la prééminence des droits de l'individu sur ceux de la collectivité.

Séparer le bon grain de l'humanisme de l'ivraie du prosélytisme culturel pourrait être la meilleure façon de légitimer l'entreprise moderne aux yeux des citoyens des pays totalitaires, et le plus sûr moyen pour elle d'accroître sa performance.