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Plan de sauvegarde de l'emploi : qui a peur du juge des référés ?

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 20.10.2009 |

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Plan de sauvegarde de l'emploi : qui a peur du juge des référés ?

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De Belfort à Clermont-Ferrand, de Toulouse à Poitiers, Nanterre ou Paris, le juge des référés donne des sueurs froides aux entreprises qui projettent de supprimer des emplois. Dans le contexte économique tendu que nous connaissons, le contentieux devient une étape quasi incontournable de la consultation des représentants du personnel sur les plans de sauvegarde de l'emploi, que ceux-ci s'inscrivent ou non dans des conflits collectifs durs. Car le procès n'est pas seulement l'apanage des Molex, Caterpillar ou Goodyear, les PME s'y trouvant également confrontées. Ces contentieux à risques peuvent entraîner la suspension, parfois sous astreinte financière, d'un projet de réorganisation. C'est le cas lorsque l'employeur n'a pas respecté ses obligations préalables de recherche de reclassement interne ou lorsqu'il n'a pas consulté le CHSCT avant de consulter le comité d'entreprise. Ces procès de l'urgence, mis en état en quelques jours, voire en quelques heures, entretiennent des soupçons de partialité au profit des représentants du personnel, et des critiques sur le fonctionnement de notre justice puisque le juge ne saurait, en aussi peu de temps, avoir une compréhension exacte de dossiers complexes touchant à l'organisation d'une entreprise ou d'un groupe.

Mais, à y regarder de près, l'intervention du juge est plus équilibrée qu'il n'y paraît. Un tour de France des ordonnances de référé, même s'il ne peut prétendre à l'exhaustivité, donne un aperçu des pratiques susceptibles de limiter les risques de contentieux.

Rappelons que le risque de nullité est, en principe, limité aux cas d'absence de plan de sauvegarde de l'emploi ou d'insuffisance des mesures de reclassement. L'irrégularité de la procédure consultative permet, quant à elle, d'obtenir la suspension de la procédure de licenciement tant qu'elle n'est pas achevée. Le risque devant le juge des référés est donc celui de l'allongement des délais, avec les conséquences économiques et financières que l'on sait. Or, si un TGI ordonne la « suspension de la mise en oeuvre du projet de restructuration » tant que le comité d'entreprise (CE) n'aura pas été informé et consulté, c'est souvent en raison de l'insuffisance des informations économiques fournies par l'employeur pour justifier son projet.

Cette obligation d'information reste le talon d'Achille des restructurations. Or, la stratégie payante consiste à tabler sur la transparence et à fournir des informations économiques exhaustives même dans le cas où les demandes du CE et de ses experts apparaissent exorbitantes. Dès lors qu'il est destinataire d'informations suffisantes et précises, le CE doit, en effet, mettre un terme à la consultation « même si ces réponses ne le satisfont pas, et que, finalement, l'incompréhension qu'il affiche n'est que la traduction de son incrédulité sur la réussite dudit projet, que, d'évidence, il désapprouve ». Bien que certains juges semblent ne pas vouloir limiter le périmètre de ce qu'il convient de communiquer, d'autres, au contraire, fixe des règles du jeu plus strictes. Ainsi, il ne peut être reproché à l'employeur de « ne pas révéler sa stratégie à long et moyen termes et de vouloir réorganiser son système de production ».

Face à une attitude dilatoire du CE, le juge des référés n'hésite pas à décider que l'entreprise est bien fondée à clore la procédure de consultation ou à estimer que le défaut d'avis du CE doit être considéré comme un « avis négatif », ce qui, bien que juridiquement contestable, présente un intérêt pratique évident. Enfin, dans un souci de compromis, le juge fixe les informations devant être transmises et les dates au-delà desquelles l'entreprise pourra mettre en oeuvre son projet, quelle que soit la position du CE, ce qui permet de satisfaire les deux parties.

Si la crainte du juge des référés peut être fondée, puisque les procès allongent substantiellement les procédures, il n'est pas interdit de le considérer aussi comme un recours permettant de débloquer des situations inextricables lorsque le dialogue social est en panne.

Stéphanie Stein, avocate associée au Cabinet Eversheds, vice-présidente d'Avosial, le syndicat

des avocats d'entreprise en droit social.