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Les pratiques

La rupture à l'amiable a trouvé son public

Les pratiques | Retour sur... | publié le : 13.10.2009 |

Créée par la loi de modernisation du marché du travail de juin 2008, la rupture conventionnelle a fêté sa première année d'existence. Plus de 130 000 demandes ont été homologuées par l'administration.

Plus de 130 000 ruptures conventionnelles ont été homologuées depuis août 2008, date de la mise en service de ce mode de cessation du contrat de travail, promulgué deux mois plus tôt. Un bilan largement positif qui s'explique tant par le fond que par la forme du dispositif. « Cette séparation de gré à gré est moins traumatisante, car il n'y a pas la violence du licenciement », observe Isabelle Ayache-Revah, associée du cabinet Raphaël. Elle est aussi simple et rapide. « La décision de l'administration parvient aux parties dans les quinze jours. C'est intéressant pour les salariés, mal à l'aise dans l'entreprise, ayant cherché et trouvé un nouvel emploi », commente Cyril Catté, du cabinet Gibier, Souchon, Festivi, Rivierre.

La rupture conventionnelle est très souvent à l'initiative des salariés. Comme le note Agnès Cloarec-Mérendon, du cabinet Latham & Watkins, elle met fin à l'hypocrisie qui entourait de nombreux départs maquillés en licenciement pour un prétendu motif personnel.

Cette première année a également permis de lever des craintes. Ainsi, certains observateurs sonnaient la fin des démissions, la rupture conventionnelle étant plus avantageuse, puisque sujette à indemnités. Il n'en est rien. Les employeurs, pour leur part, s'interrogeaient : « En demandant à l'administration d'acter mes ruptures, celle-ci ne va-t-elle pas jeter un oeil sur l'ensemble de ma politique RH ? », se fait écho Me Catté. En fait, les directions départementales du travail (DDT), très sollicitées, n'ont même pas le temps de répondre à toutes les demandes.

13 % de refus d'homologation

Autre dérive évoquée : un mélange des genres entre rupture amiable et licenciement économique ou rupture amiable et préretraite. Ces risques existent bel et bien. L'administration reste, toutefois, attentive à ce genre d'abus. Ainsi, l'homologation est loin d'être automatique ; 13 % des demandes essuient un refus. « Ce taux a tendance à baisser, note Marion Ayadi, associée du cabinet Raphaël. Les entreprises s'améliorent. Au début, les conventions étaient plutôt mal ficelées, des pièces manquaient. » Or, mieux vaut en faire trop. La loi n'impose qu'une seule rencontre entre les parties. Mais il est préférable de faire référence aux quelques entretiens informels réalisés en amont. Preuve que le salarié n'a pas été mis devant le fait accompli et « qu'à aucun moment, sa liberté de consentement n'a été mise à mal », complète Me Ayache-Revah. Une précaution très utile quand le vice de consentement est l'un des sujets principaux des contentieux en cours, « une vingtaine aux prud'hommes de Paris », selon Lionel Vuidard, avocat chez Latham & Watkins.

De même, les conseillers incitent à préciser, en annexe au formulaire, divers éléments donnant une idée du contexte de la relation de travail. « Contenu des entretiens, détails sur le préavis, suite donnée au DIF... sont quelques-unes des précisions à apporter », énumère Me Ayadi.

Des points restent à éclaircir

Pour autant, quelques questions restent posées. Ainsi, qu'advient-il de la relation de travail quand le refus d'homologation est contesté devant les prud'hommes ? Le salarié peut-il bénéficier des allocations chômage ? « Le tribunal va mettre plusieurs mois pour rendre sa décision. Tout cela est contradictoire avec l'esprit du texte, qui voulait simplifier et faire court », signale Me Catté.

La question du montant de l'indemnité n'est pas non plus très claire. « La loi du 25 juin 2008 a fixé une indemnité minimale au moins égale à l'indemnité légale de licenciement. Puis, le 18 mai dernier, un avenant à l'ANI du 11 janvier 2008 a précisé qu'elle devait au moins être égale aux minima conventionnels. Enfin, la circulaire du 10 juillet 2009 parle d'un montant qui ne peut être inférieur à l'indemnité légale. Cette inflation de textes crée un vrai flou », souligne Lionel Vuidard. La solution ? « Verser au moins l'indemnité conventionnelle », avance Me Cloarec-Mérendon.

Sécuriser

Reste à savoir si une transaction peut sécuriser la rupture conventionnelle. Elle peut être bienvenue en cas de litige sur des allégations de harcèlement, de discrimination, sur des heures supplémentaires, ou une clause de non-concurrence... Autant de points non couverts par la rupture conventionnelle car « relevant de l'exécution du contrat de travail », précise Me Vuidard. Conclusion : si la situation n'est pas contentieuse, la rupture conventionnelle est indiquée, mais, en cas de passif, les entreprises auront intérêt à signer un nouveau chèque pour se protéger. Preuve en est l'arrêt du 11 février dernier. « La Cour de cassation a annulé une convention de rupture amiable, requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse ; l'employeur ayant, préalablement à la signature de la convention, convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement », présente Me Cloarec-Mérendon. Retour à la case départ.