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La grippe A enfièvre l'activité des laboratoires

Les pratiques | publié le : 13.10.2009 |

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La grippe A enfièvre l'activité des laboratoires

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Vaccins, antiviraux, gel hydroalcoolique... Les unités de production des différents laboratoires pharmaceutiques, sollicités dans le cadre des plans de prévention et de lutte contre la grippe A, sont sous tension. D'autant que certains sont en cours de restructuration.

Avec les commandes d'antiviraux et de vaccins contre la grippe A, les laboratoires pharmaceutiques sont sur les dents. Sont-ils organisés et suffisamment dimensionnés pour absorber ce pic d'activité ? Difficile à dire. S'ils communiquent volontiers sur les commandes qu'ils ont reçues des divers gouvernements et même sur les résultats de leurs essais cliniques, ils sont d'une discrétion farouche sur l'organisation du travail mise en place dans les unités de production. Surtout lorsque la lutte contre la pandémie grippale vient contrarier des restructurations en cours.

Le site d'Evreux de GlaxoSmithKline (GSK) doit, ainsi, honorer, pour 2010, une commande de 18 millions de boîtes du traitement antiviral Relenza destinées à l'exportation. Problème : l'établissement est touché par un PSE annoncé en février dernier. « Celui-ci entraînera, d'ici à 2012, 650 départs sur un effectif de 1 700 salariés, précise Serge Tuder, délégué syndical central CGT. A la fin du processus de consultation, en mai dernier, nous nous attendions déjà à une suractivité liée à la grippe A. Nous avons demandé un ajournement du plan, qui a été refusé par la direction. »

Un PSE pour répondre aux besoins des marchés émergents

« L'objectif du PSE en cours est d'améliorer la compétitivité du site pour répondre aux besoins des marchés émergents, expose Jean-Yves Lecoq, directeur de la communication de GSK France. Même si la commande de Relenza était arrivée plus tôt, cela n'aurait rien changé à la nature du plan. » Reste qu'en juillet dernier, alors que les premiers licenciés commençaient à quitter l'entreprise, celle-ci a tout de même dû lancer un appel au volontariat auprès de ses ex-collaborateurs. A la clé : une prolongation du contrat de travail jusqu'au printemps 2010. Une démarche complétée par le recrutement de 71 intérimaires supplémentaires pour une durée minimum de trois mois. « Ce recours était autorisé dans le cadre du niveau 5 de la pandémie », précise Philippe Lecoq, délégué syndical FO.

Départs différés

Au final, 130 personnes, selon la CGT - 170 selon la direction -, auraient accepté de différer leur départ de trois à neuf mois pour produire l'antiviral. Mais « il y a beaucoup de tension, et aussi beaucoup de découragement et de dégoût parmi les équipes du site, jusqu'ici reconnu pour son excellence », commente Serge Tuder. Et de pointer la dégradation des conditions de travail : « Ce qui est choquant, c'est que, d'un côté, on licencie, alors que, de l'autre, on instaure le travail le week-end. L'option vient d'être votée par le CE pour la production des aérosols. »

Du côté de Sanofi Pasteur, la communication est verrouillée, y compris au niveau des syndicats. Le programme de transformation globale dans lequel vient de s'engager le groupe et qui, d'après la CFDT, va toucher 20 % des effectifs des fonctions centrales et 15 % de la recherche, n'est sûrement pas étranger à ce mutisme. Une chose est sûre : les équipes de la division vaccins de Sanofi-Aventis ne chôment pas. Le ministère de la Santé français, entre autres, a passé auprès du laboratoire une commande initiale de 28 millions de doses de vaccin contre la grippe A, avec une tranche optionnelle de 28 millions de doses supplémentaires, qui seront produites sur le site de Val-de-Reuil (Eure).

Dans un communiqué de presse, l'entreprise assure que « toutes les usines de Sanofi Pasteur ont été construites selon les standards lui permettant de basculer aisément de la production de vaccins contre la grippe saisonnière à celle de vaccins contre la grippe pandémique ». Et, de fait, « l'entreprise a dû intercaler la grippe A entre les deux campagnes de grippe saisonnière pour l'hémisphère Nord et l'hémisphère Sud, période durant laquelle des salariés changent d'ordinaire de service », explique Guy Troley, délégué syndical CGT sur le site de Val-de-Reuil. D'où un allongement de la période de suractivité liée à la grippe, pour laquelle le syndicat a d'ailleurs revendiqué une prime exceptionnelle au vu des bons résultats du groupe.

Des équipes bien rodées

En termes d'organisation des équipes, « nous utilisons tous les moyens mis à notre disposition par le Code du travail et les accords d'entreprise pour optimiser la production, le contrôle et le conditionnement des lots de vaccins », se contente d'avancer Michel Souvras, délégué syndical central CFE-CGC. « Les campagnes de grippe s'effectuent en équipes postées, week-end compris, traduit Guy Troley. Nous procéderons de la même manière pour la grippe A, et l'entreprise n'augmentera pas forcément les emplois précaires », estime-t-il. Les équipes sont donc bien rodées. En attendant le feu vert des autorités, le directeur général de Sanofi-Aventis, Chris Viehbacher, pense être en mesure de livrer à la France ses vaccins contre la grippe A à partir de fin novembre, a-t-il récemment confié au Figaro.

Plan de continuité d'activité

Reste encore à Sanofi à ficeler son plan de continuité d'activité. « Des réunions doivent être prochainement organisées pour discuter des mesures à prendre en cas de propagation du virus H1N1 dans l'entreprise, précise Jean-François Chavance, coordinateur adjoint CFDT groupe. Dans le cadre d'une telle situation d'urgence, elles devraient se révéler peu compatibles avec le droit du travail. »

Les Laboratoires Anios tournent en surrégime

Spécialisés dans la désinfection, les Laboratoires Anios (groupe Air Liquide) bénéficient, depuis mai dernier, de «l'effet grippe A». Pour faire face aux demandes accrues des clients habituels (hôpitaux, collectivités, industrie alimentaire et pharmaceutique), ainsi qu'aux nouveaux besoins des entreprises et du grand public, la production de gel hydroalcoolique de l'entreprise nordiste est passée de 170 tonnes, en avril, à 1 300 tonnes actuellement.

De quoi chambouler le quotidien des quelque 350 salariés oeuvrant sur les deux sites de production basés à Hellemmes et à Sainghin-en-Mélantois. Une situation exceptionnelle qui a nécessité une réorganisation du travail, négociée avec le CHSCT et le CE. Au programme : heures supplémentaires, trois-huit et travail le week-end sur les deux sites. Le tout, sur la base du volontariat. Congés et journées RTT sont également différés. « Nous avons signé un accord d'entreprise fin mai, explique Virginie Bolle, assistante de la DRH. Il n'y a pas eu d'opposition de la part de nos partenaires sociaux, qui sont conscients de l'urgence de la situation. »

L'entreprise emploie, de surcroît, trois fois plus d'intérimaires - une centaine aujourd'hui - qu'en temps normal. « Nous avons énormément de difficultés à recruter sur certains métiers, dont celui de cariste, et nous avons dû tripler le nombre de nos partenaires intérim », ajoute-t-elle. Ce qui complexifie d'autant la gestion du travail temporaire. A quoi s'ajoutent les problèmes d'équipement et de vestiaires. Si les Laboratoires Anios ont, fort opportunément, embauché, cette année, une personne dédiée, cet afflux de main-d'oeuvre reste difficile à gérer pour les chefs d'équipe, qui n'ont guère de temps à consacrer aux nouveaux venus. « Le personnel dans son ensemble est soumis à une forte pression, convient l'assistante. Mais il se sent impliqué dans un problème de santé publique. »

H. T.

L'essentiel

1 Les laboratoires pharmaceutiques restent très discrets sur la façon dont ils gèrent le pic d'activité lié aux commandes de vaccins et de traitements.

2 GSK a dû rappeler des collaborateurs licenciés dans le cadre d'un PSE. Chez Sanofi Pasteur, les équipes enchaînent les campagnes contre la grippe.

3 Chez tous les fournisseurs, les équipes sont en surchauffe. Trois-huit, travail le week-end et intérim permettent de faire face aux commandes.