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« L'entreprise qui sous-traite doit disposer d'une parfaite transparence sur tout ce qui se passe sur son site »

Enquête | L'entretien avec | publié le : 13.10.2009 |

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« L'entreprise qui sous-traite doit disposer d'une parfaite transparence sur tout ce qui se passe sur son site »

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E & C : Les relations des entreprises utilisatrices avec leurs sous-traitants sont souvent pointées du doigt comme étant sources de risques d'accident. Comment peut-on y remédier ?

M. H. : Dans les industries de process et encore plus sur les sites Seveso, il faut que l'entreprise utilisatrice dispose d'une parfaite transparence sur tout ce qui peut se passer sur le site. Ce n'est pas une obligation inscrite dans la loi, c'est une obligation d'efficacité. Les risques d'accident concernent non seulement les salariés eux-mêmes, mais également l'environnement. L'entreprise doit même avoir connaissance des «presque accidents», c'est-à-dire lister les événements qui auraient pu y conduire, dont les conséquences peuvent être très importantes.

E & C : Quel mode d'organisation peut prévoir l'entreprise utilisatrice ?

M. H. : Si elle veut avoir recours à un système de management de la sécurité, c'est son droit. Il n'en demeure pas moins que certains sont critiques à l'égard de ces systèmes, comme celui de management de la sécurité Mase-UIC, majoritaire en France. Ce qui est reproché ? Leurs indicateurs, quand ils incluent les accidents du travail et leur taux de gravité, n'aident pas forcément à la transparence. Les entreprises extérieures sont en concurrence, et elles ont donc intérêt à avoir de bons résultats. Certaines ont tendance à dissimuler des accidents, par exemple en payant un salarié à rester chez lui, ou en lui trouvant un poste où, même légèrement blessé, il peut continuer à travailler. Le danger pour l'entreprise utilisatrice est de ne pas avoir connaissance de ces accidents. A elle de définir des indicateurs qui n'inciteront pas à la dissimulation.

E & C : L'entreprise utilisatrice a donc sa part de responsabilité dans l'attitude de l'entreprise extérieure ?

M. H. : Oui, et il faut souligner que les entreprises sous-traitantes se sont, en général, professionnalisées. Aujourd'hui, sur certaines tâches, elles ont parfois plus de compétences que l'entreprise utilisatrice. Il faut donner les moyens aux sociétés extérieures de travailler. Exemple : une installation pétrolière à l'arrêt coûte une fortune. Si le donneur d'ordres accorde au prestataire 10 heures au lieu de 12 nécessaires à la mission, celui-ci ne pourra pas faire son travail correctement. Que l'entreprise utilisatrice souhaite faire des gains de productivité, on ne peut pas y échapper, mais ce n'est pas forcément aux entreprises extérieures de les gagner !

E & C : A-t-on des données chiffrées indiquant la responsabilité des unes ou des autres lors d'accidents ?

M. H. : Il n'y a pas d'étude précise sur le sujet. Leur travail est très lié. Il existe, toutefois, la base de données Epicea, qui rassemble plus de 16 000 cas d'accidents du travail, mortels, graves ou significatifs pour la prévention, survenus depuis 1990. Ces éléments non exhaustifs donnent des informations sur le déroulement des accidents, mais ne sont pas exploitables statistiquement. Il faut de plus en plus raisonner en termes de «personnel intervenant sur le site». La loi de 2003 a d'ailleurs bien pris en considération ce phénomène en instituant, pour les sites Seveso, des CHSCT élargis, réunissant entreprises extérieures et entreprises utilisatrices...

E & C : Sur le terrain, ont-ils les moyens d'exercer leur mission ?

M. H. : Nous ne savons pas encore... Nous lançons justement un projet d'étude sur le sujet. Notre enquête débutera en 2010. Si les CHSCT élargis fonctionnent bien, l'enjeu serait d'en faire bénéficier les entreprises non Seveso.

* Michel Héry a coordonné l'ouvrage collectif La sous-traitance interne, éditions EDP sciences, collection Avis d'experts, 2009.

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