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« Le plus dur reste à venir »

Dossier | publié le : 29.09.2009 |

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« Le plus dur reste à venir »

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Cette réforme est infondée, dans le sens où elle repose sur l'idée que le système fonctionne mal, affirme Thierry Vaudelin, qui s'inquiète de la perte de 13 % de financement.

« Ce qui me surprend le plus, depuis le temps qu'on parle de cette réforme, est de voir que certaines entreprises n'ont pas encore fait leurs calculs pour 2010 ! Certains de nos collègues, responsables formation ou DRH, tombent encore des nues quand ils comprennent le principe des contributions qui seront versées au Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, FPSPP !

Cette réforme est fondée, dans le sens où les fonds de la formation doivent aller à ceux qui en ont le plus besoin. Aujourd'hui, globalement, beaucoup d'argent va plutôt à destination des cadres et des hauts potentiels, du moins, souvent, à ceux déjà diplômés. Mais cette réforme est infondée, dans le sens où elle repose sur l'idée que le système fonctionne mal : beaucoup de choses fonctionnent moins bien que la formation professionnelle continue !

Transfert vers le FPSPP

La formation initiale n'a pas du tout été présente autour de la table des négociations, et cette réforme aboutit à reporter sur l'entreprise l'effort de formation des générations futures mal scolarisées. La formation continue est faite pour les salariés et non pour les étudiants, on va donc assister à un transfert des fonds vers le FPSPP. A la rigueur, si cette mesure était ponctuelle, en période, de crise, pour favoriser le développement des compétences des demandeurs d'emploi... Mais quelle sera sa pérennité post-crise ?

Comment gérer la baisse du fonds ?

Chez Manpower, plus de 70 % des formés sont des demandeurs d'emploi ou des salariés peu qualifiés, que va-t-on faire avec 13 % de fonds formation en moins ? Notre obligation légale est déjà au-dessus de celle de l'interprofessionnel : 2 % de la masse salariale, + 0,15 % versés au FPETT (fonds professionnel pour l'emploi). Par ailleurs, nous développons les compétences, principalement, des salariés de niveau 4, 5 et 6, dans les secteurs de l'industrie, de la restauration, du bâtiment, du tertiaire, du transport et de la logistique, et nous assurons les formations obligatoires et réglementaires (permis, Caces, habilitations...) mises en place par les autres branches. Cela représente 50 % des dépenses formation chez Manpower, que nous finançons seul ! Enfin, 92 % des intérimaires que nous formons mettent en application leur apprentissage et travaillent plus de 600 heures en moyenne sur les douze mois qui suivent. Les résultats sur l'insertion professionnelle sont positifs également pour ceux qui suivent des formations longues et qualifiantes (contrats de professionnalisation, contrats de développement professionnel intérimaire et contrat d'insertion professionnelle intérimaire). La perte de 13 % sur le 0,5 % professionnalisation pourrait amputer d'environ 800 contrats les 3 000 contrats en alternance que signe, par an, Manpower.

Rémunération du CIF

« Le CIF sans salaire peut être une formule intéressante pour quelques cadres permanents, mais je suis sceptique : peu de monde le choisira, et surtout pas les plus bas niveaux de qualification. Les intérimaires font, eux, leur CIF systématiquement hors mission, donc hors temps de travail, mais ils sont rémunérés. Si ce n'était plus le cas, ce serait la fin de leur CIF. A moins de pouvoir cumuler une période de missions rémunérées et de faire un CIF hors temps de travail non rémunéré. Mais il faudra trouver l'offre de formation le permettant ainsi que la logistique qui va avec.

Pas de sanction pour la POE

Une autre de mes surprises est de constater que la préparation opérationnelle à l'emploi (POE) ne prévoit pas de sanction de l'entreprise en cas de non-respect de l'engagement d'embauche ! A contrario, les contrats de professionnalisation et d'apprentissage sont, eux, très surveillés !

L'idée d'une défiscalisation de l'obligation légale est totalement mise de côté ! Cette défiscalisation permettrait d'alléger le poids de l'administration : pour 45 000 intérimaires formés par an, soit 2 millions d'heures de formation annuelles, il faut, chez Manpower, 65 personnes, dont 27 assistantes, qui gèrent le back-office administratif : c'est une usine à gaz sans aucune productivité, une véritable machine à papiers !

Gestion des reliquats

Sur la question de la création d'une section pour les entreprises de 10 à 49 salariés dans les Opca, j'ai la position d'une grande entreprise : que leurs fonds soient protégés pour qu'elles l'utilisent, oui. Qu'une partie des fonds des grandes entreprises leur soit réservée, non. Mais peut-être faut-il préciser quand et comment, si l'on parle des reliquats de fonds mutualisés non utilisés en fin d'année.

Une partie de la réforme concerne les prestataires de formation et les problèmes de qualité. Les discours précédant cette réforme laissaient entendre que les organismes de formation faisaient n'importe quoi. Or, en 2008, sur 45 000 intérimaires formés par plus de 2 000 organismes différents, nous n'avons reçu qu'une dizaine de réclamations sur la qualité de la prestation ou sur le contenu ! Les prestataires de formation ne sont pas tous à mettre dans le même panier.

Enfin, sur la réforme des catégories du plan : franchement, je réponds «no comment», mais les logiciels de gestion de la formation seront à modifier à nouveau. »

Comment gérer la portabilité du DIF ?

«Il reste un autre problème : le DIF. Nous avons créé un droit individuel à la formation intérimaire par accord de branche spécifique dès 2002 : par an, plus de 1 000 DIF sont engagés chez Manpower, qui y consacre 5 % de son budget plan de formation.

L'idée de la portabilité dans une autre entreprise de travail temporaire est déjà inscrite dans notre accord, mais elle est peu utilisée, car ce DIF est consommé dans l'entreprise.

Comment faire coexister notre DIF et le droit individuel à la formation de droit commun ? Comment gérer la portabilité de l'un et de l'autre ? Les entreprises de travail temporaire sont au milieu d'un énorme va-et-vient de salariés, entrants et sortants : comment gérer les problèmes de portabilité pour ces personnes ?

Je crains la création d'une énorme usine à gaz. »