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Peut-on se passer des préretraites ?

Enquête | publié le : 15.09.2009 |

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Peut-on se passer des préretraites ?

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Alors que les dispositifs de préretraite se révèlent désormais trop onéreux, les entreprises n'ont pas pour autant renoncé à se servir de leurs seniors comme variable d'ajustement. Des plans de départs volontaires avec des mesures spécifiques pour les salariés âgés prennent le relais. Les seniors sont preneurs.

Les 408 visiteurs médicaux de Sanofi-Aventis qui viennent de partir en préretraite en étant assurés de toucher une rente équivalente à 70 % de leur salaire brut pendant un maximum de huit ans savent qu'ils font des jaloux. « On nous envie à l'intérieur du groupe où, selon les divisions, les conditions ne sont pas toujours aussi avantageuses, reconnaît Roseline Labarrière Duchamp, déléguée syndicale FO. Comme, bien sûr, à l'extérieur... » (lire p. 27) Conformément aux souhaits du gouvernement et des partenaires sociaux, les dispositifs de préretraites fondent, en effet, comme neige au soleil. Selon une étude du ministère du Travail, parue en juin dernier, 62 388 ex-salariés du secteur privé étaient enregistrés, à la fin de l'année 2008, dans un dispositif de préretraite financé en partie ou en totalité par l'Etat, soit près de quatre fois moins qu'en 1996.

Un coût important

Du côté des préretraites d'entreprise, la taxation à 50 % semble également avoir porté un coup fatal aux dispositifs de cessation anticipée d'activité pris en charge par l'employeur. « Il est, aujourd'hui, quasiment aussi coûteux de financer une préretraite que de payer un salarié en activité, confirme Philippe Caré, chargé de la gestion des seniors chez Mercer. A l'exception des sociétés dont le capital est détenu par des sociétés étrangères qui souhaitent, pour des effets d'annonce vis-à-vis de leurs partenaires financiers, faire sortir des salariés de leurs effectifs quel qu'en soit le prix, ou d'entreprises qui vivent des conflits sociaux très médiatisés, où l'employeur se voit contraint de trouver une porte de sortie honorable, les préretraites «maison» ont, elles aussi, quasiment disparu. » Illustration récente : après plus de trois mois de conflit, les salariés de l'usine chimique Celanese, à Pardies (64), dont la fermeture est prévue l'année prochaine, ont obtenu, en juillet, une rente équivalente à 70 % pour les salariés de plus de 54 ans.

Rajeunir la pyramide des âges

Dans la majorité des cas, cependant, les employeurs qui, en dépit des discours, semblent toujours faire des seniors les premières cibles des plans de réduction d'effectifs (lire l'entretien p. 31), rivalisent aujourd'hui d'ingéniosité pour «faire de la préretraite sans en faire», c'est-à-dire trouver le moyen de rajeunir leur pyramide des âges sans se faire rattraper ni par la surtaxe destinée au Fonds de solidarité vieillesse, ni par l'effet fâcheux en termes d'image. « L'impossibilité politique de mettre en place un dispositif de préretraites, du fait de notre rattachement au ministère des Finances, nous a, en quelque sorte, poussé dans nos retranchements, confie Christophe Beaux, Pdg de la Monnaie de Paris. Voilà pourquoi nous avons créé le «congé mission expérience senior», un dispositif qui permet de suspendre le contrat de travail du salarié tout en lui permettant d'être rappelé pour des missions temporaires. » Hors missions, les 78 agents de l'établissement public qui y ont adhéré touchent une allocation équivalente à 65 % de leur ancien salaire brut (lire p. 29).

Bénévolat

Dans une logique similaire, le «congé de fin de carrière et de solidarité», mis en place chez HSBC, permet aux seniors de la banque, qui touchent 72,5 % de leur dernier salaire tout en étant dispensé de venir travailler, d'exercer une activité pour une association ou un organisme d'intérêt général (lire p. 25).

Pour Pierre Ramain, directeur de projet chez Altedia, la forme la plus pertinente de ces «substituts de préretraites» reste le congé mobilité, assorti de conditions bonifiées pour les salariés âgés.

Missions chez l'ancien employeur

« Contrairement aux préretraites, qui sous-entendent l'arrêt de toute activité, le «congé mobilité senior» maintient dans une logique de recherche d'emploi, explique-t-il. Sécurisé pendant 24 à 36 mois, le salarié a, ainsi, la possibilité de prolonger ses droits en réalisant des missions chez son ancien employeur ou à l'extérieur, parfois même jusqu'à la liquidation de sa retraite à taux plein. »

Selon les cas, l'employeur peut également s'engager à compléter une éventuelle rémunération inférieure à hauteur des droits ouverts par le congé mobilité, voire à verser un complément sur les cotisations retraites. Il est même possible d'envisager que le salarié qui signe un CDI avant la fin de son congé mobilité se voit gratifié de l'intégralité de la somme à laquelle il aurait eu droit en se maintenant dans le dispositif. Pour Pierre Ramain, ce type de dispositif offre également l'avantage de « donner du grain à moudre » aux partenaires sociaux : « Plutôt que de limiter les négociations au montant de l'indemnité de départ, le «congé mobilité seniors» permet d'enrichir la réflexion sur le maintien dans l'emploi des salariés âgés », souligne-t-il. 

Adossé à un plan de départs

Chez Schneider Electric, le «dispositif activité missions seniors» (Dams), un congé mobilité de 24 mois permettant aux plus de 56 ans de toucher 70 % de leur rémunération brute, est ainsi l'une des mesures incitatives adossées à un plan de départs volontaires. « Tout CDD ou missions réalisés dans le cadre du Dams, y compris des missions extrêmement peu rémunératrices dans le monde associatif, par exemple, permettent de prolonger d'autant ses droits », précise Pierre Edelman, coordonnateur syndical FO, qui « veut croire que Schneider Electric saura proposer des missions en interne ».

Non signataire de l'accord de juillet 2009 précisant les modalités du Dams, la CGT fustige une « double casse de l'emploi » : « Non seulement on supprime des postes en interne, mais le groupe espère ainsi s'exonérer du recours aux intérimaires en rappelant les seniors pour tout type de remplacements ponctuels », précise un élu.

Des mesures qu'il faut encourager

Pour Christian Janin, secrétaire confédéral de la CFDT, le «congé mobilité senior» paraît conforme aux recommandations énoncées dans l'accord du 8 juillet 2009 sur la gestion sociale des conséquences de la crise économique. « Toute mesure susceptible d'éviter que l'on renvoie les seniors chez eux doit être encouragée, souligne-t-il. Il faut cependant être vigilant : si certains congés mobilité sont de vraies solutions, il y en a aussi qui se révèlent des placards. »

L'essentiel

1 Les préretraites ont quasiment disparu. Mais, en cette période de crise, les entreprises continuent, néanmoins, à se servir des seniors comme variable d'ajustement de leurs effectifs.

2 Les cessations anticipées d'activité prennent la forme de congés de mobilité, assortis de conditions bonifiées pour les salariés âgés.

3 Les seniors sont preneurs de ces «substituts» de préretraites.

Quand les salariés boudent les préretraites...

Inattendu ! Il arrive que la disgrâce de la préretraite soit prononcée par les salariés eux-mêmes. C'est l'expérience cocasse qu'a faite, en 2008, le DRH d'un éditeur de presse, tenu de mettre en place un plan de suppression d'une quarantaine de postes. Après avoir arraché, de haute lutte, un plan de préretraites auprès de sa direction, il s'est vu renvoyé dans ses buts par les syndicats. « L'augmentation de l'espérance de vie a engendré de nouveaux besoins, et certains salariés entendent ne pas être mis sur une voie de garage du fait d'une préretraite, explique Philippe Caré, chargé de la gestion des seniors chez Mercer. A la rente promise, ils préfèrent la prime de licenciement, à laquelle certains agrégeront la moitié des indemnités chômage versée en cash pour une création d'entreprise, avant de profiter, à l'heure de leur retraite, des opportunités rendues possibles par le cumul emploi- retraite. »

« Depuis la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009 qui a assoupli les conditions du cumul emploi-retraite, les possibilités d'optimiser sa situation personnelle ont, en effet, été démultipliées, confirme Bruno Chrétien, du cabinet de conseil en protection sociale Factorielles. Plutôt que d'attendre le taux plein pour liquider leur retraite dans les meilleures conditions, les salariés ont compris qu'il pouvait exister aujourd'hui des portes de sortie plus avantageuses - rachat de trimestres, cumul emploi-retraite... » A. D.