Le principe de l'égalité républicaine s'accommode apparemment assez bien de la distinction au mérite. Sur la base d'une égalité initiale de droit, chacun peut et doit - en principe - faire ses preuves pour accéder au premier rang. Le problème est qu'à l'école comme dans la vie professionnelle, cette méritocratie fonctionne, le plus souvent, sur le mode de la caste ; les meilleures places s'héritent de père en fils.

Ce paradoxe a conduit Yves Michaud, directeur de l'Université de tous les savoirs, ex-enseignant en philosophie, à s'interroger sur le sens du mot «mérite» et sur les manières dont notre société évalue celui de ses membres. Au passage, l'auteur questionne la vogue de la rémunération au mérite, se demandant si, à l'heure du travail d'équipe, il est logique et efficace de mettre en exergue la performance individuelle. Il s'arrête également sur la dialectique du mérite et de son apparence dans notre société de communication, qui a pu conduire Jacques Séguéla a affirmé « qu'on a raté sa vie si on n'a pas de Rolex à 50 ans ».

L'auteur tente de démêler les dimensions morale, philosophique, gestionnaire et médiatique d'une notion baignant dans les eaux troubles de l'évidence et du consensus ; personne, aujourd'hui, ne conteste la nécessité de promouvoir la compétence. S'il semble évident que chacun doit être estimé à sa juste valeur, il est aussi nécessaire de savoir de quelles valeurs il s'agit - morales, de vertu... ? - et de quelle manière notre société distribue les récompenses à ses membres supposés les plus méritants. P. R.