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Travail dominical : la grande prudence des employeurs

Les pratiques | publié le : 08.09.2009 |

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Travail dominical : la grande prudence des employeurs

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Issue d'un débat récurrent depuis l'élection de Nicolas Sarkozy, la loi sur le travail du dimanche, promulguée le 10 août, n'a pas fini de faire parler d'elle. Sa mise en oeuvre est entourée de prudence, du côté des directions comme des syndicats.

A l'origine, l'objectif de la loi sur le travail dominical est de régler concrètement « deux situations particulières ». A savoir, celle de certains centres commerciaux, dont plusieurs ouvraient jusque-là le dimanche au risque de tomber dans l'illégalité. Mais aussi la situation des zones dites «touristiques», dans lesquelles l'ouverture le dimanche était réservée aux commerces « offrant [...] des activités de détente ou de loisir ».

La loi du 10 août, « réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires », tout en maintenant les dérogations au repos dominical existantes, crée de nouvelles dispositions afin d'étendre l'ouverture le dimanche aux commerces concernés par les situations évoquées. Seuls les commerces de détail sont impliqués par ces nouvelles mesures. Pour les grandes surfaces, qui peuvent, d'ores et déjà, bénéficier de dérogations, la loi prévoit simplement la possibilité d'ouvrir le dimanche jusqu'à 13 heures au lieu de midi.

Périmètre d'usage de consommation

Concrètement, la loi instaure des « périmètres d'usage de consommation exceptionnel » (Puce), où le repos hebdomadaire pourra être accordé aux salariés par roulement. Visant à couvrir les grands centres commerciaux des périphéries urbaines (Lyon excepté), le classement en Puce dépendra des « habitudes de consommation dominicale », de « l'importance de la clientèle concernée » et de « l'éloignement de celle-ci » du périmètre. La décision reviendra au préfet, qui, une fois la zone délimitée après consultation des collectivités locales, délivre aux commerces qui en font la demande une autorisation de dérogation pour cinq ans maximum.

Autre principale disposition instaurée par la loi, la possibilité offerte à tous les commerces situés dans une zone touristique d'ouvrir le dimanche. La délimitation et le classement d'un territoire en zone touristique dépendront aussi du préfet, mais sur proposition du maire et après avis des collectivités locales, ainsi que « du comité départemental du tourisme, des syndicats d'employeurs et de salariés intéressés ».

Contreparties par accord ou référendum

Pour les salariés, différentes dispositions sont prévues en fonction des zones concernées. Ainsi, ceux travaillant le dimanche dans un Puce bénéficieront de contreparties, normalement fixées par accord collectif. A défaut d'un tel accord, précise la loi, l'employeur qui sollicite la dérogation au repos dominical peut proposer des contreparties qui doivent être approuvées par référendum par le personnel concerné. A défaut, ces contreparties représenteront au minimum un doublement de salaire et un repos compensateur. Enfin, le texte signale que, dans tous les cas, la liberté de choix du salarié doit être garantie.

Pour les zones touristiques, la loi prévoit qu'employeurs et organisations syndicales engagent des négociations sur les contreparties accordées, mais sans aucune obligation.

Quelques semaines après la promulgation du texte, et malgré la parution, le 31 août, d'une circulaire précisant la mise en oeuvre de la loi, les entreprises restent globalement très réservées sur le sujet. A l'instar des grandes enseignes comme le Printemps, qui refusent de s'exprimer tant qu'elles n'ont pas intégré les nouvelles dispositions.

Autre argument avancé, le « manque de visibilité » concernant le classement en zone touristique. Au BHV, qui, pour le moment, n'est pas dans une telle zone, la direction « s'abstiendra de tout commentaire » avant de connaître les décisions du maire de Paris. Même mutisme chez les commerçants concernés par les dispositions applicables sans lancer de procédures, comme la généralisation de l'ouverture dominicale dans les zones touristiques. Chez Lancel, qui peut désormais ouvrir le dimanche sa boutique située sur les Champs-Elysées, à Paris, on indique qu'aucune communication ne sera faite sur les conditions de rémunération des salariés ou sur la nouvelle organisation du travail.

Classement des zones commerciales

Si la circulaire du 31 août encadre plus précisément les procédures de dérogation au repos dominical, elle laisse en suspens certaines interrogations qui pourraient expliquer la prudence des employeurs. A commencer par le classement des zones commerciales. Selon la circulaire, l'initiative devra venir du conseil municipal (pour les Puce) ou du maire (pour les zones touristiques), mais le préfet sera seul juge en dernier ressort. Quid, alors, de la consultation des différents acteurs (agglomérations, etc.) ? « Nous nous demandons si les discussions prévues avec les municipalités ou les organisations syndicales auront un effet concret sur le terrain », commente Jean-Michel Martin, secrétaire fédéral du pôle commerce de la CFDT.

Négociation des contreparties

Du côté des organisations syndicales, l'heure est, en effet, à l'inquiétude. Au-delà du risque d'inégalité de traitement entre salariés d'une même entreprise, en fonction de la zone où ils travailleront, les syndicats s'interrogent sur le rôle de la négociation avec les directions. « Pour les salariés des Puce, le doublement du salaire n'est garanti par la loi que si la décision d'ouverture dominicale est prise unilatéralement par l'employeur, explique Christophe Le Comte, responsable du secteur commerce à la fédération FO des employeurs et cadres. Le texte sous-entend que, si la décision est le fruit d'un accord avec les syndicats, cette rémunération n'est plus du tout garantie. » Autrement dit, la négociation ne serait pas encouragée par la loi. L'ensemble des syndicats dénoncent, par ailleurs, l'absence d'obligation pour les commerces en zone touristique à négocier des contreparties pour les salariés.

Enfin, la question du volontariat reste au coeur des débats. La circulaire du 31 août rappelle l'obligation pour l'employeur de présenter une acceptation écrite du salarié, les demandes de dérogation dans les Puce devant, par ailleurs, être accompagnées du procès-verbal du référendum réalisé auprès des salariés ou de l'accord collectif conclu avec les syndicats. En outre, si aucun accord collectif n'a été signé dans l'entreprise, les salariés exerçant dans un Puce ont la possibilité de refuser de travailler trois dimanches de leur choix par an, « moyennant une information de l'employeur dans le délai d'un mois ».

« Désorganisation de la société »

Des obligations qui, selon les syndicats, ne protègent pas suffisamment les salariés. « Il y a un risque de discrimination à l'embauche envers les personnes qui ne souhaitent pas travailler le dimanche, souligne le responsable FO. Cela pourrait également peser dans les promotions et les augmentations de salaire. » Même crainte à la CFTC, qui insiste sur la « désorganisation de la société ». « En privant de dimanche les citoyens, cette loi contribue à une marchandisation de l'être humain, ce qui a pour conséquence un affaiblissement des liens familiaux et sociaux », indique Joseph Thouvenel, secrétaire général adjoint.

En attendant l'appropriation par les entreprises des nouvelles règles, certains ont décidé de dénoncer juridiquement le texte de loi. FO a, ainsi, transmis, dès la fin du mois d'août, des observations au BIT (Bureau international du travail), arguant de la non-conformité de la loi à la convention 106 de l'OIT. Convention qui prévoit le respect d'un repos hebdomadaire pour les salariés des commerces et des bureaux, le « jour de la semaine reconnu comme jour de repos par la tradition ou les usages du pays ». La CFTC s'est associée à cette démarche. A suivre.

L'essentiel

1 La loi du 10 août 2009 réaffirme, certes, le « principe du repos dominical», mais, surtout, développe les dérogations possibles. Pour autant, les commerces qui souhaitent ouvrir le dimanche restent attentistes.

2 La circulaire du 31 août précise, notamment, les contreparties accordées aux salariés, ainsi que les modalités de mise en oeuvre du travail dominical.

3 Si les entreprises n'ont pas encore assimilé les nouvelles dispositions, les syndicats, eux, n'ont pas attendu pour dénoncer la loi, dont ils craignent qu'elle détériore les conditions d'emploi des «volontaires».