logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

« Pour la santé des salariés, il faut savoir trouver des compromis entre demandes collectives et attentes individuelles »

Enquête | L'entretien avec | publié le : 08.09.2009 |

Image

« Pour la santé des salariés, il faut savoir trouver des compromis entre demandes collectives et attentes individuelles »

Crédit photo

E & C : Vous avez mené des études qualitatives* centrées sur le vécu, le ressenti des salariés soumis à des horaires atypiques chez un équipementier automobile et auprès de conducteurs de dameuse dans une station de ski. Quelles ont été vos principales observations ?

C. R. : La direction des ressources humaines de l'équipementier venait de mettre en place le travail le week-end, en 2x12, de minuit à 12h00 le samedi, et de 18h00 à 6h00 le dimanche. Les onze personnes interviewées travaillant à l'atelier de laquage étaient toutes satisfaites de ce type d'horaires et craignaient de revenir aux horaires précédents, les 3x8, ce qui est arrivé au terme d'une année.

Elles ont souligné la meilleure ambiance de travail, une hiérarchie moins pesante, un sentiment accru de responsabilisation et une plus grande solidarité entre collègues.

Par exemple, certains salariés s'arrangeaient entre eux pour gérer leur fatigue, en alternant les activités en position assise et debout. Elles ne percevaient pas de risques spécifiques liés aux horaires atypiques tout en s'inquiétant de leur exposition prolongée, au-delà de 8 heures, à des produits solvants nocifs. Elles étaient évidemment satisfaites du temps libéré dans la semaine, et en partie le week-end, parlant d'une «vie familiale retrouvée».

Chez les douze conducteurs de dameuse travaillant en horaires postés, le matin de 2h00 à 9h30, et le soir, de 17h30 à 1h00, pas de perception non plus de risques particuliers liés aux horaires. En revanche, l'équipe du matin a relevé plus de difficultés à gérer son sommeil, fractionné sur plusieurs périodes.

Par ailleurs, à la différence de la première étude, ils expriment des tensions générées par un manque de visibilité et de reconnaissance de leur travail en lien avec les horaires décalés.

E & C : Avez-vous noté un lien avéré entre les horaires atypiques et les accidents du travail ?

C. R. : Non, pas dans ces deux études de cas. Mais c'est une analyse délicate à réaliser, car les comptes-rendus d'accident ne sont pas nombreux et comportent, le plus souvent, des lacunes quant aux horaires de prise et de fin de poste. Les entreprises devraient noter systématiquement ces caractéristiques temporelles, y compris pour les incidents n'ayant pas donné lieu à arrêt de travail.

E & C : Quelles autres recommandations préconisez-vous pour une meilleure prise en compte de la sécurité et de la santé des salariés en horaires atypiques ?

C. R. : Le risque routier est à prendre en compte avec la plus grande attention. Des campagnes de sensibilisation peuvent être, par exemple, mises en place, au même titre que des conseils sont donnés sur l'hygiène de vie, l'alimentation et le sommeil.

Il est nécessaire d'organiser une concertation avec les principaux intéressés, pour gérer au mieux l'articulation entre vie privée et vie professionnelle. Il faut, bien sûr, tenir également compte de la nature des activités, physique ou mentale, qui ne sollicite pas de la même façon la vigilance, facteur de sécurité.

Les taux d'absentéisme et de turn-over sont aussi de bons indicateurs pour apprécier l'expérience vécue au travail. Enfin, au sein d'une même entreprise, il importe de faciliter la mobilité d'un type d'horaire à l'autre, en prenant en compte, notamment, les étapes de vie, le parcours professionnel antérieur, ses conditions temporelles, et le genre des salariés.

Le défi à relever pour préserver la santé des salariés consiste, ainsi, à trouver des compromis entre demandes collectives et attentes individuelles.

* Organisation temporelle atypique du travail et gestion des risques professionnels, Note scientifique 261, INRS, juillet 2006.

Articles les plus lus