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Enquête

Un indispensable soutien psychologique

Enquête | publié le : 01.09.2009 |

A la demande des syndicats, la direction de l'usine a mis en place un «programme d'expression et d'écoute» pour les 1 400 salariés qui vivent avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

L'annonce, le 28 août, par le TGI de Nanterre, de la suspension du plan de restructuration de l'usine de pneumatiques d'Amiens-Nord (ex-Goodyear), qui devait aboutir à la suppression de 817 postes, remontera-t-elle le moral des 1 400 salariés du site ? Rien n'est moins sûr. Le plan censuré par le tribunal (1), contre lequel le CCE et la CGT avaient déposé un recours, n'est, en effet, que le dernier avatar d'une longue série (2). La direction ayant décidé d'interrompre l'activité tourisme à Amiens-Nord « afin de sauvegarder la compétitivité de l'activité pneumatiques tourisme du groupe en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique, sur un marché qui subit de plein fouet la crise automobile. » Les salariés du secteur condamné ne se font, de toute façon, plus d'illusions sur leur prochain licenciement.

Bilan alarmiste

Après plus d'un an de conflit, Mickaël Wamen, délégué syndical CGT de l'usine, tire un bilan alarmiste de l'état psychologique des salariés. « Depuis plusieurs mois, tous les indicateurs sont dans le rouge, explique-t-il. On assiste, notamment, à une explosion des arrêts maladie et à une gravité croissante des accidents du travail. Même les cadres, qui n'ont aucune marge de manoeuvre face aux décisions prises au siège européen, vont très mal. » Mandaté par le CHSCT, le cabinet Secafi Alpha devait débuter, en septembre, une expertise sur les risques psychosociaux. Egalement à l'initiative des syndicats, la direction du site a mis en place, depuis début juillet, un «programme d'expression et d'écoute», permanence hebdomadaire animée par les psychologues du cabinet amiénois Deffontaines. Accessibles sur le temps de travail après inscription auprès du médecin du travail, les consultations peuvent être individuelles ou collectives sous forme de groupe d'expression.

« Les salariés, qui se demandent pourquoi l'employeur, après s'être précédemment si peu préoccupé de leur bien-être, s'en soucie aujourd'hui, se méfient un peu, souligne Mickaël Wamen. Nous les encourageons pourtant à accepter la proposition, en particulier les salariés du secteur agraire, qui cumulent les effets de l'incertitude et ceux du climat détestable qui règne sur le site depuis plusieurs années, sans pour autant avoir d'espoir de voir enfin leur situation se stabiliser. » Goodyear Dunlop France a, en effet, annoncé étudier plusieurs options concernant sa division pneumatiques agricoles en Europe, dont la vente.

Première évaluation

En septembre, le comité de pilotage du dispositif - direction, médecin du travail et CHSCT - devrait évaluer une première fois son efficacité. « Cette permanence psychologique n'a pas pour unique objectif de permettre aux salariés d'exprimer leurs difficultés, précise Olivier Duffour, DRH Manufacturing France. Elle doit également servir de base à un plan d'action, défini en fonction des besoins identifiés. » « Nous militerons aussi pour que la direction continue à financer cette prise en charge lorsque la fermeture de l'usine sera effective, souligne Mickaël Wamen. Tant pour les futurs licenciés que pour ceux qui continueront à travailler sur le site. »

(1) Plan annoncé le 26 mai dernier, suite au refus à 75 % des salariés puis des syndicats de passer à une organisation en 4 X 8.

(2) Au cours du 1er semestre 2008, deux premières procédures de licenciement avaient une première fois été censurées par le tribunal de Nanterre.

Renault : « Un laboratoire social à l'envers »

« Les équipes sont démotivées... On leur enlève des moyens tout en leur demandant de relever des défis, déplore Fabien Gache, délégué central CGT chez Renault. Entre les départs volontaires et les départs naturels, c'est 9 000 salariés en moins, et il faut assurer la même production dans les mêmes délais. » Pour lui, cette intensification du travail se double d'une désorganisation avec des salariés « placés et déplacés sans raison apparente », qui changent de poste, d'horaires et de collègues.

La direction ne reconnaît, pour sa part, que des « désorganisations ponctuelles » sur certaines unités de travail. « C'est le revers de la médaille du volontariat total, car l'entreprise n'a pas voulu empêcher des départs en nombre dans certains services, explique Benoît Coquille, attaché de presse chez Renault. Mais, l'entreprise reste en sous-charge de travail. »

Flexibilisation extrême

François Daniellou, professeur d'ergonomie et intervenant auprès de la CGT Renault dans le cadre d'une recherche-action menée par le cabinet Emergences, insiste sur la dégradation des conditions de travail : « On assiste à une flexibilisation extrême, la crise est utilisée comme laboratoire social à l'envers, déclare-t-il. Renault n'est plus une entreprise sociale. »

La recherche-action avait été lancée, en 2008, sur les risques psychosociaux, à la suite des suicides intervenus au technocentre de Guyancourt. Avec le plan de départs volontaires, elle couvre, plus largement, les conséquences des politiques d'emploi sur le travail et les conditions de travail.

Une trentaine de cégétistes d'une dizaine de sites participent à la démarche en étudiant des situations concrètes. Chacun de ces chantiers rassemble aussi 15 à 50 salariés. Une occasion pour la CGT de s'interroger sur ses actions et sa capacité à appréhender la réalité du travail.

« Nous avons oeuvré sur les liens entre la santé et le chômage partiel, indique François Daniellou, et nous avons appris que, dans plusieurs usines, les passages à l'infirmerie sont plus nombreux malgré la baisse du nombre d'heures travaillées. »

Ce constat n'est pas partagé par la direction, qui assure avoir tout fait pour maîtriser la situation, notamment celle créée par les départs volontaires. « Il y a eu beaucoup de communication interne, la présence d'espaces conseils avec BPI et Algoe, la venue de recruteurs... », signale Bruno Coquille. Aucun commentaire n'a pu être obtenu côté direction sur la recherche-action d'initiative syndicale, prévue jusqu'en novembre prochain.

MARTINE ROSSARD

GOODYEAR DUNLOP FRANCE

• Activité : fabrication de pneumatiques.

• Effectifs : 2 700 salariés sur les deux sites d'Amiens-Nord (ex-Goodyear) et Amiens-Sud (ex-Dunlop).

• Chiffre d'affaires 2008 : 876 millions d'euros.

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