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« La commission européenne veut un débat public »

Enquête | L'entretien avec | publié le : 01.09.2009 |

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« La commission européenne veut un débat public »

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E & C : Vous avez participé au groupe de travail européen «santé et restructurations». Avez-vous repéré des pays exemplaires ?

C.-E. T. : Le rapport Hires est une synthèse des études menées sur le sujet dans les pays de l'Union. Ce n'est pas un travail de première main. Nous n'avons donc pas le suivi de ce qui a été lancé. Ainsi, l'ex-DRH de la société Ericsson en Suède nous a raconté qu'elle avait réalisé un petit manuel sur la prise en compte des questions de santé dans les restructurations. Un manuel à la disposition des managers. Mais l'utilisent-ils ? Toutefois, on observe que l'Allemagne et les pays nordiques traitent mieux les risques psychosociaux en lien avec les réorganisations. La France n'a pas d'étude spécifique sur le sujet.

E & C : Ce rapport tombe à pic, en pleine crise économique...

C.-E. T. : Les travaux ont été lancés bien avant. Mais, les entreprises sont dans un contexte de restructuration permanente depuis trente ans. La souffrance des survivants est donc un mal antérieur et profond. Et si l'on regarde la Finlande, il touche aussi bien le secteur public que privé. De fait, la commission a accepté de cofinancer ce rapport, mais, en pa- rallèle, elle a lancé plusieurs recherches sur le sujet dont les résultats seront disponibles fin 2009 ou en 2010. Elle prend l'affaire au sérieux et nous a recommandé de soumettre nos conclusions au débat public. Cette année, il y a donc 13 séminaires nationaux (1). Avec un point d'orgue fin 2010, lors d'un grand forum européen à Bruxelles.

E & C : Faudra-t-il légiférer ?

C.-E. T. : Ce n'est pas opportun. Aujourd'hui, les majorités politiques en Europe sont très libérales et réticentes sur le sujet. En outre, la temporalité européenne est longue, de trois à cinq ans. La discussion a toutefois été vive parmi les experts. Certes il faut évaluer, surveiller ce type d'impact. Mais, pour moi, l'arsenal législatif européen suffit. En particulier la directive- cadre de 1989 qui responsabilise les chefs d'entreprise sur l'évaluation des risques afin d'en faire la base d'une politique de prévention. Chez nous, les inspecteurs du travail sont là pour faire appliquer ce texte.

E & C : Quelles sont les préconisations phares de l'Hires ?

C.-E. T. : Il y en a douze. Outre la formation des managers, essentielle, nous insistons sur la notion de justice. Les survivants vivront mieux les restructurations si leurs modalités ne sont pas perçues comme iniques. Il y a trois formes de justice. La justice distributive : les salariés considèrent que les critères de licenciement sont impartiaux, soumis à discussion et que les partants sont bien traités en termes d'indemnités, de formation et de reconversion, y compris les précaires. La Suède, par exemple, applique une règle simple : dernier arrivé, premier parti. Puis, il y a la justice procédurale : les salariés se sentent impliqués dans le processus de réorganisation qui reste éthique, et les critères de sélection sont affranchis des intérêts personnels. Enfin, la justice interactionnelle, qui touche à la communication. Celle-ci doit être transparente, personnelle et complète.

E & C : Quel est le rôle des CHSCT ?

C.-E. T. : Les CHSCT doivent être impliqués (2). Ils semblent être plus sensibles qu'avant aux conséquences des restructurations. Mais la santé doit rester une question politique au même niveau que l'emploi, traité par le CE. Les deux doivent donc être consultés, faire des propositions communes. Tout dépend des représentants du personnel. Sont-ils réceptifs aux rapports d'expertise ? Qu'en font-ils ? De surcroît, en France, on médicalise trop les questions de santé au travail. Nous sommes le seul pays à le faire. Ailleurs, on met en avant les ergonomes, les hygiénistes ou d'autres préventeurs.

(1) En France, le débat a eu lieu à Lyon, le 30 avril dernier.

(2) Selon l'article L.4612-8 et 10 du Code du travail, le CHSCT doit être consulté sur un projet important modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail (changement de produit, d'organisation, modification des cadences, etc.) et lors d'un PSE. Il peut aussi faire appel à un expert agréé (article L.4614-12 et 13).

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