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Les politiques salariales et le respect du principe «à travail égal, salaire égal»

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 25.08.2009 |

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Les politiques salariales et le respect du principe «à travail égal, salaire égal»

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L'employeur peut-il encore attribuer une prime ou, pour parler un langage plus moderne, un bonus, à un salarié de façon discrétionnaire et en refuser un à un autre salarié, ou doit-il, au contraire, être en mesure de justifier que ses décisions, en matière de rémunération, sont fondées sur des critères d'attribution objectifs et transparents ?

A lire une décision de la chambre sociale de la Cour de cassation du 30 avril 2009 (n°07-40527, PB.R.I), appelée à la plus large diffusion, le doute n'est plus permis : toutes les décisions de l'employeur dans ce domaine doivent être passées au crible du principe «à travail égal, salaire égal».

Dans cette affaire, un salarié, analyste financier, avait été licencié pour insuffisance professionnelle et estimait avoir été victime d'une discrimination salariale.

En effet, il comparait sa rémunération annuelle à celle de certains de ses collègues, occupant le même poste de travail et placés dans une situation identique (même ancienneté dans l'entreprise). Il s'avérait alors que sa rémunération annuelle avait stagné entre 1999 et 2002 alors que celle de ses collègues avait évolué sans discontinuité.

De plus, il bénéficiait, au même titre que ses collègues de travail, d'une prime variable, qualifiée par l'employeur de «prime exceptionnelle». Celle-ci était fixée discrétionnairement par l'employeur, ce qui, aux yeux des juges du fond, rendait « vaine » l'application du principe «à travail égal, salaire égal».

Mais la Cour de cassation casse la décision des juges du fond et estime que l'employeur ne peut opposer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à son obligation de justifier de façon objective et pertinente une différence de rémunération.

En effet, en application du principe «à travail égal, salaire égal», il appartient à l'employeur d'établir que la différence de rémunération constatée entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale est justifiée par des éléments objectifs et pertinents, contrôlés par le juge.

En l'espèce, ce principe n'était pas méconnu quant à la différence de rémunération annuelle constatée entre ce salarié et ses collègues, ces derniers ayant des responsabilités plus importantes. L'écart de rémunération était donc justifié de manière objective et pertinente.

En revanche, concernant la prime variable octroyée discrétionnairement par l'employeur, aucun élément objectif et pertinent n'avait été apporté par celui-ci pour justifier une telle différence de rémunération, mis à part son pouvoir discrétionnaire.

En pratique, cette décision, très importante, doit désormais inciter les employeurs à la plus grande prudence dans l'octroi de primes ou de suppléments de salaire différents d'un salarié à un autre, car les différences doivent être justifiées par des éléments objectifs (résultats quantitatifs, qualité du travail, absence de réclamations, etc.) et non par le simple pouvoir discrétionnaire de l'employeur qui trouve là, en application du principe «à travail égal, salaire égal» développé par les juges à partir du célèbre arrêt «Ponsolle» (Cass. Soc., 29 octobre 1996, n°92-43.680), une limite dont ils doivent tirer toutes les conséquences dans leurs pratiques salariales. Ils sont donc incités par les juges (mais aussi par le législateur à travers toute une série de textes sur l'égalité hommes/femmes ou sur la lutte contre les discriminations) à mettre en place des outils individuels ou collectifs (comme l'épargne salariale) de rémunération, aussi objectifs et transparents que possible. On observera, d'ailleurs, que dans la loi du 3 décembre 2008 sur les revenus du travail, le législateur, en autorisant les entreprises à verser, sous certaines conditions, une prime exceptionnelle, a privilégié la répartition uniforme, c'est-à-dire égalitaire, ce mode de répartition étant expressément cité.

Gérard Kesztenbaum, avocat associé chez Fidal,

directeur du département de droit social, membre d'Avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social.