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« Décrire les compétences collectives aide à développer la GRH sur un territoire »

Enjeux | Plus loin avec | publié le : 25.08.2009 |

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« Décrire les compétences collectives aide à développer la GRH sur un territoire »

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La mise en place d'une GRH partagée dans les pôles de compétitivité paraît difficile. En revanche, les DRH peuvent s'appuyer sur la connaissance des compétences collectives pour développer celles individuelles au service d'une stratégie commune du pôle.

E & C : La création de clusters, de technopoles, de pôles de compétitivité pose la question de la gestion partagée des compétences entre les différents acteurs : grandes entreprises, PME, organismes de recherche. Comment la mettre en oeuvre ?

Catherine Thomas : Il faut savoir de quelles compétences il s'agit. Au niveau d'un pôle, parler de partage des compétences individuelles est délicat. La compétence individuelle, autrement dit l'individu, est très difficile à partager avec des concurrents ou des partenaires. Et même le simple fait de rendre visibles les compétences individuelles est risqué : cela ferait l'affaire des chasseurs de têtes !

Le bon niveau me paraît être celui de la compétence collective, c'est-à-dire celle d'une équipe. C'est le niveau intermédiaire entre les compétences stratégiques - c'est-à-dire celles de l'entreprise - trop génériques pour être opératoires, et les compétences individuelles, qu'on ne peut rendre visibles sans dévoiler

des savoir-faire stratégiques. Grâce à la description des compétences collectives, on va pouvoir favoriser les échanges et les combinaisons entre les entreprises, voire

entre les entreprises et les acteurs académiques - laboratoires d'université ou du CNRS -, condition nécessaire pour produire de l'innovation. Décrire les compétences collectives est donc une façon d'aider chaque entreprise à trouver le bon partenaire. Cela répond aussi à l'objectif collectif de développement du territoire.

E & C : Vous avez effectué une cartographie des compétences collectives dans le cadre d'une recherche sur le cluster télécoms de Sophia-Antipolis. Comment avez-vous fait ?

C. T. : Nous avons proposé un référentiel de compétences qui croise - c'est assez rare pour le souligner - les travaux académiques dans le domaine de la stratégie et dans celui des RH.

Nous avons défini la compétence comme une action qui mobilise des ressources pour produire un résultat et qui s'adresse à un système d'offre. A noter que le terme de «système d'offre» a été choisi pour s'appliquer aussi bien aux laboratoires de recherche publique qu'aux entreprises. Pour les entreprises, on emploie le terme de «marché».

Pour qu'il soit évolutif, le référentiel est resté simple. Par exemple, une équipe d'ingénieurs compte une dizaine de compétences. C'est peu quand on sait que certains référentiels déclinent 50 compétences pour une secrétaire !

Ensuite, nous avons positionné les compétences sur le territoire. Cette représentation de l'espace commun se fait à partir des concepts de similarité et de complémentarité. Les compétences similaires sont celles qui mobilisent les mêmes ressources. Les compétences complémentaires sont celles qui s'adressent au même marché. De cette façon, on aboutit à une idée assez précise de la façon de gérer un territoire. On peut voir tous les effets de masse, par compétences similaires ; ou, au contraire, tous les manques, c'est-à-dire les endroits où il y a très peu de compétences. On se rend compte si le pôle maîtrise la chaîne de valeur pour un marché donné ou pas.

E & C : Quelle est l'utilité de cette cartographie pour l'aspect mutualisation des compétences ?

C. T. : L'intérêt d'une cartographie des compétences n'est pas de les mutualiser. Il est plutôt de réunir des gens qui ont les mêmes intérêts pour pouvoir développer certaines chaînes de valeur plutôt que d'autres. C'est particulièrement utile dans des pôles comme Sophia-Antipolis où l'excès de variété des compétences rendait difficile une mise en cohérence. La cartographie permet de voir les compétences au niveau du territoire puis de les décliner en interne au niveau de chaque entreprise et de les développer dans un sens stratégique de développement. A Sophia-Antipolis, on a vu des PME repositionner leur offre parce qu'elles avaient une visibilité meilleure des compétences stratégiques et des compétences collectives du territoire.

E & C : Comment les DRH peuvent-ils s'approprier ces travaux ?

C. T. : Le concept de compétences collectives crée un lien indirect pour le DRH entre le niveau stratégique et le niveau individuel, ce qui est loin d'être évident la plupart du temps. Par exemple, quand une société de services informatiques positionne ses compétences collectives en termes d'actions, de ressources, de résultat, de système d'offre, il est beaucoup plus facile pour le DRH de savoir quelles personnes recruter et comment il va les développer pour qu'elles aient ces compétences-là.

Autre point : le travail fait au niveau collectif permet d'identifier quelles sont les formations clés du pôle, ce qui lui donne son identité et va contribuer à son avantage compétitif. On peut imaginer que des partages pourront s'opérer au niveau des DRH des différentes entreprises sur ces formations. Les DRH peuvent aussi intervenir auprès des établissements de formation locaux pour que soient développées des formations correspondant aux besoins du pôle.

Le référentiel commun permet donc à tous les acteurs de dialoguer et aide à un développement partagé.

PARCOURS

• Docteure en sciences de gestion, Catherine Thomas, spécialisée en stratégie et dynamique organisationnelle, est professeure à l'université de Nice et membre du Gredeg, une unité mixte de recherche du CNRS.

• Elle est l'auteure de nombreux articles sur le management des connaissances. Elle a conduit sur le parc de Sophia-Antipolis, pour le cluster télécoms, une recherche qui a abouti à la conception d'un outil informatique (Knowledge Management Platform). Il facilite la dynamique d'échanges et de combinaison de connaissances entre membres d'un cluster.

LECTURES

Innovation, région et connaissance, Christian Le Bas, L'Harmattan, 2007.

The Strategic Management of Intellectual Capital and Organizational Knowledge, Nick Boutis, Chu Wei Choo, Oxford University Press, 2002.

Knowledge Assets : securiting competitive advantage in the information economy, Max Boisot, Oxford University Press, 1999.