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Les pratiques

Etats-Unis Salaires de Wall Street : une réforme impossible ?

Les pratiques | publié le : 15.07.2009 |

Depuis des décennies, le Congrès essaie de moraliser les politiques de rémunération dans la banque et la finance. Une tâche herculéenne, à peine facilitée par la crise. Car l'ingéniosité des conseils d'administration est sans limites.

Le président Barack Obama s'en est pris à la « culture de l'irresponsabilité » en présentant son plan de réforme des organismes de contrôle de la finance, censé moraliser les pratiques des banques et autres institutions du secteur. Les parachutes dorés, les bonus millionnaires, les factures somptuaires de décoration des bureaux... ont insupporté les classes moyennes. Et suscitent plusieurs projets de loi rédempteurs. En avril, la Chambre des représentants a, ainsi, voté le texte de l'élu démocrate de Floride, Alan Grayson, qui s'en prend aux rémunérations « déraisonnables et excessives ». But du jeu : limiter les salaires et bonus des salariés des banques, groupes d'assurances et experts en prêts immobiliers, bénéficiaires du fonds de sauvetage public de 700 milliards de dollars.

Message politique fort

« Personne n'a le droit de s'enrichir avec l'argent des contribuables, explique Alan Grayson, et personne ne devrait profiter de ses échecs. » Le message politique paraît fort, aussi bien au Congrès qu'à la Maison-Blanche. Pourtant, les observateurs de Wall Street et les spécialistes en ressources humaines n'y croient guère.

Et à voir l'empressement avec lequel dix grandes banques américaines (JP Morgan Chase, Goldman Sachs, State Street, American Express...) se sont précipitées vers le guichet de sortie des aides publiques, notamment pour ne plus avoir à rendre compte de leurs politiques salariales, on commence à douter de l'efficacité des remontrances de Washington. A peine remboursé son prêt de 10 milliards de dollars, Goldman Sachs s'apprêtent à consacrer 20 milliards de dollars pour rémunérer ses salariés, soit près du double de l'an dernier.

Mesures détournées

« Lorsqu'on regarde les précédentes initiatives du Congrès censées limiter les rémunérations, on s'aperçoit qu'au final, elles entraînent de plus fortes rémunérations », constate le juriste Charles Elson, de l'université du Delaware. De fait, un changement du Code des impôts, dans les années 1980, pour taxer des parachutes dorés trois fois supérieurs au salaire, a vite été détourné. Ce sont les entreprises, désormais, qui assument ces pénalités intégrées dans le «package», pas les Pdg. Et le triplement de la paie est devenu la norme minimale pour calculer l'indemnité de départ !

Quelques années plus tard, en 1993, le Congrès remet ça et vote une loi qui limite les déductions fiscales sur les rémunérations supérieures à 1 million de dollars. La seule composante de rémunération qui échappe au texte est la partie stock-options. Cet alinéa a causé l'explosion des stock-options.

Il n'est donc pas étonnant qu'aujourd'hui, les experts en ressources humaines s'inquiètent de la portée des nouvelles lois. Et préfèrent se concentrer sur le perfectionnement du mode d'élaboration des fiches de paie au coeur de l'entreprise. Dans leur ligne de mire : le conseil d'administration, qui décide de la politique salariale. Le professeur Jeffrey Sonnenfeld, de l'université de Yale, propose, ainsi, le paiement des bonus sur deux ans, la moitié à la fin de la première année, l'autre un an plus tard : « Ce dispositif permet de s'assurer que les bénéfices de la société ne sont pas le produit d'une ingénierie financière trompeuse. »

«Designs de rémunérations»

Dans le même ordre d'idées, Don Lindner, le spécialiste de l'association Worldatwork, conseille de « tester » les modes de calcul des rémunérations, mis au point par les conseils d'administration. « Vous envisagez différents scénarios, explique-t-il, vous voyez, par exemple, ce qui se passe en phase de récession et vérifiez que vos bonus se réduisent lorsque l'économie va mal. Il faut revenir à des «designs de rémunérations» de bon sens. »