Alstom Transport a conclu, fin juin, la négociation d'un des premiers accords spécifiquement consacré à l'«équilibre travail et vie privée». Toutes les organisations syndicales ont émis un avis favorable et devraient signer le texte. D'une durée de deux ans, cet accord comporte de multiples dispositions extrêmement concrètes sur la parentalité, la neutralisation des effets des interruptions de carrière, l'aménagement du temps de travail « pour faire face à des difficultés d'ordre personnel », la solidarité familiale et l'engagement humanitaire et caritatif. En outre, les signataires consacrent un chapitre à la promotion interne des enjeux de la conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle.

Les principales innovations du texte résident dans la création de droits nouveaux pour les salariés, dont le maintien des cotisations de retraites complémentaires pendant les congés relatifs aux questions familiales (lire encadré ci-dessous).

En outre, l'accord harmonise des pratiques et des droits existant dans les 12 établissements d'Alstom Transport, couverts par différentes conventions collectives territoriales de la métallurgie. Les signataires profitent, ainsi, de l'accord pour aligner «par le haut» des congés liés aux événements familiaux : mariage, Pacs, naissance... Négocié depuis fin 2008, l'accord «équilibre travail et vie privée» s'inscrit dans une démarche mondiale intitulée «Care for people», mise en place depuis quatre ans par le groupe Alstom.

« Nous avons souhaité nous adapter à certaines évolutions sociétales, fait également valoir Jean-Michel Chalard, directeur des relations sociales d'Alstom Transport France. De plus en plus de foyers sont bi-actifs, les modèles familiaux évoluent, avec de plus en plus de monoparentalité et d'adoptions, certains salariés ont des parents âgés et dépendants ; cela crée des problèmes d'organisation qui rendent difficile la conciliation entre la vie familiale et le travail. » Sans compter que « nos effectifs se sont beaucoup renouvelés depuis deux ans et demi. De nombreux jeunes sont arrivés, dont 23 % de femmes ; ils ont des attentes ; or, nous souhaitons rester attractifs ».

L'entreprise n'a pas diligenté d'enquête pour connaître les attentes des salariés, mais des manques apparaissent au détour de certaines statistiques. Ainsi, « environ 300 salariés ont des enfants chaque année, mais seuls la moitié des pères prennent leur congé paternité. Selon moi, en raison de la perte de salaire », explique Jean-Michel Chalard.

La direction ne souhaite pas communiquer sur le coût de cet accord. Elle précise, cependant, que les mesures qu'il contient « coûtent peu car elles concernent des situations ponctuelles ».

Initialement, les partenaires sociaux avaient commencé à discuter, en avril 2008, d'un accord plus général sur l'égalité professionnelle, la diversité et la parentalité. Finalement, il y aura deux accords, l'un sur l'égalité et la diversité, signé en janvier 2009, le second sur l'équilibre vie professionnelle-vie privée. Ce faisant, Alstom Transport adopte l'approche prônée par les institutions européennes, relayée en France par des structures comme l'Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (Orse), consistant à encourager les hommes à s'investir davantage dans la sphère domestique, afin de créer les conditions pour un rééquilibrage des rôles dans l'univers professionnel.

> La parentalité : l'accord prévoit notamment l'allongement d'une semaine du congé maternité, suivi d'une semaine de reprise d'activité à mi-temps indemnisée à 100 % ; l'octroi d'un congé rémunéré de pré-adoption de 10 jours ; la prise en charge intégrale du congé paternité ; le maintien de la mutuelle pendant six mois en cas de congé parental d'éducation ; l'abondement par l'entreprise (100 % dans la limite de 20 jours) des jours CET servant à prolonger un congé de naissance ; et un complément d'indemnisation du congé de présence parentale. En outre, l'entreprise octroie un budget équivalent à 0,1 % de sa masse salariale à ses douze sites afin qu'ils financent des mesures en faveur de la parentalité conformes à leurs besoins : Cesu, conciergerie, garde d'enfants d'urgence...

> Les interruptions de carrière : l'accord fait en sorte de neutraliser les effets des congés liés à des questions familiales sur l'ancienneté, les rémunérations et, surtout, sur les retraites. C'est la grande originalité de cet accord : l'entreprise prend en charge, durant six mois, les cotisations salariales et patronales pour les retraites du régime complémentaire pendant que le salarié est en congé parental d'éducation, de présence parentale, de solidarité familiale, ou de soutien familial. Toutefois, Alstom Transport conditionne cette prise en charge à une exonération de charges sociales sur le paiement de ces cotisations, pour le moment considérées comme un avantage en nature. L'entreprise a interpellé les pouvoirs publics en ce sens.

> Faire face à des «difficultés d'ordre personnel» : l'accord prévoit des aménagements du temps de travail. Le texte formalise les règles pour le travail à domicile et crée, pour les 20 % de salariés qui travaillent en atelier, un «temps partiel de droit» d'une durée d'un mois maximum, rémunéré au prorata du temps travaillé. Il s'agit d'aider les salariés à faire face à des circonstances exceptionnelles : problèmes familiaux ou de santé.

E. F.

• Activité : fabrication de trains.

• Effectifs : 8 500 salariés en France.

• Chiffre d'affaires 2008 monde : 5,7 milliards d'euros.