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Enquête

La justice condamne les PSE bâclés

Enquête | publié le : 07.07.2009 |

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La justice condamne les PSE bâclés

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Aujourd'hui, la bataille des plans sociaux se joue aussi devant les tribunaux. Motifs du plan de sauvegarde de l'emploi, procédures de licenciement ou encore mesures de reclassement... La justice peut être saisie sur plusieurs terrains. Pas question de faire des PSE à la légère.

Arena, Samsonite, Olympia, Carrefour... Plusieurs entreprises viennent, ces dernières semaines, d'être épinglées par la justice pour avoir bâclé leur plan social. Vice de forme, mesures de reclassement insuffisantes, absence de motif économique... Les risques de voir casser un PSE (plan de sauvegarde de l'emploi) sont nombreux. De fait, en France, on ne licencie pas du jour au lendemain. Le droit du travail oblige les entreprises à suivre une procédure très stricte les conduisant à s'entourer d'avocats et de cabinets spécialisés. Le fabricant de maillots de bain Arena l'a, ainsi, appris à ses dépens (lire p.26). Deux ans après la fermeture de l'usine de Libourne (33), cette ancienne filiale d'Adidas est lourdement condamnée pour avoir pratiqué des licenciements purement financiers : 92 ex-salariés ont obtenu, en février 2009, 50 000 euros chacun de dommages-intérêts. La raison ? Pour le juge, le plan social est illégitime, puisque, à ses yeux, il n'est pas économiquement justifié.

Privilégier la rentabilité

« La compétitivité au niveau du groupe n'est pas menacée », ont souligné les magistrats de la cour d'appel de Bordeaux, en relevant que la société était bénéficiaire lors de la fermeture. « La décision prise par la société Arena de cesser totalement son activité et de fermer son unique site de production correspond moins à une nécessité économique qu'à la volonté de privilégier la rentabilité de l'entreprise et du groupe au détriment de la stabilité de l'emploi. » Olympia a également connu pareille mésaventure. Cette fois, il s'agit d'un défaut de reclassement à l'étranger. Le fabricant de chaussettes a dû payer 2,1 millions d'euros à ses salariés pour ne pas avoir proposé, au nom de la « décence », des postes à l'étranger, en l'occurrence dans son usine en Roumanie. Or, l'employeur est tenu de proposer l'ensemble des postes disponibles à ses salariés, en France et à l'étranger. Y compris dans les pays au faible niveau de vie. Une semaine avant l'affaire Olympia, en avril dernier, la société Carreman, à Castres, avait, à l'inverse, suscité l'indignation en proposantdes emplois rémunérés 69 euros mensuels en Inde.

Autre cas : en avril, c'est la cour d'appel d'Angers qui a reproché à Carrefour le « défaut de reclassement des personnels ». L'entreprise avait, en effet, décidé de restructurer ses plateformes de services après-vente. Sur sept sites en France, quatre devaient fermer : Angers, Toulouse, Compiègne, et Caen. Les juges ont rappelé le groupe à son devoir de reclassement et ont annulé le plan social. Le groupe voulait se séparer de 46 employés sur 66. Samsonite a également été pris en défaut sur le reclassement. Le bagagiste a été jugé responsable du licenciement des salariés lors de la liquidation judiciaire de la société en février 2007. Il a dû verser des dommages et intérêts à 186 ex-salariés de l'usine d'Hénin-Beaumont. Idem pour les ex-salariés de la Barre-Thomas, l'équipementier automobile. Le tribunal de grande instance de Rennes, saisi par la CGT et la CFDT, a estimé que l'entreprise n'avait pas fait assez d'efforts pour aider les salariés à se reclasser après le plan social de 2007 ; 309 emplois avaient été supprimés.

Dommages et intérêts

Alors que les plans sociaux se multiplient en France, l'inquiétude grandit au sein des directions des ressources humaines. Quelles sont les chausse-trapes dans la procédure de consultation ? Les négociations sur la GPEC doivent-elles être un préalable au plan de sauvegarde de l'emploi ? Comment comprendre l'obligation de reclassement ? Pas question, en effet, de faire des PSE à la légère. Car les recours peuvent remonter à deux, trois, voire quatre ans, et l'avantage est souvent au salarié. Certes, l'annulation d'un PSE est assez rare, même si les obligations de réintégration de salariés licenciés existent. En revanche, le versement de dommages et intérêts est plutôt fréquent. « 70 % des licenciements économiques donnent droit à des dommages et intérêts après une procédure judiciaire, relève Anne-Elisabeth Combes, avocate chez Jeantet & Associés. Le montant des dommages s'élève à environ 12 mois de salaire pour deux ans d'ancienneté. »

Jurisprudence en cours

Ces épouvantails judiciaires font bondir de nombreux chefs d'entreprise. L'irruption des juges dans ces bras de fer risque, en effet, d'alourdir la facture. « Mais la jurisprudence se fixe peu à peu », prévient Anne-Elisabeth Combes. Ainsi, pour l'avocate, les derniers arrêts des tribunaux - cour d'appel ou Cour de cassation - ont permis d'éclaircir quelques points jusqu'ici litigieux. Primo, la situation de l'entreprise doit s'apprécier au niveau mondial. « On est à un tournant. Avec la crise actuelle, l'entreprise ne peut pas raisonner uniquement en tenant compte de la situation française. Les difficultés économiques doivent s'apprécier au niveau européen, voire mondial. C'est ce type d'argumentaire, difficile jusqu'ici à faire passer auprès des syndicats, qui doit aujourd'hui être développé par les directions RH. » La société Pinault Bois et Matériaux s'est, d'ailleurs, fait épingler par la Cour de cassation, le 4 mars 2009, parce que le juge n'avait pu apprécier la situation économique de l'entreprise, faute d'éléments sur les sociétés établies hors de France (lire p. 26).

A la hauteur des moyens de l'entreprise

Secundo, pour Dominique Paucart, responsable du pôle restructuration de Syndex, « un PSE doit être à la hauteur des moyens du groupe, une certaine proportionnalité doit être établie ». Autre élément : « Les représentants du personnel doivent avoir accès à l'ensemble des informations permettant d'apprécier les difficultés économiques de la branche d'activité à laquelle ils appartiennent. »

En revanche, selon Dominique Paucart, plusieurs points font encore débat. « Un certain flou existe encore concernant la GPEC. La Cour de cassation n'ayant toujours pas rendu d'avis. » Par ailleurs, « nul ne sait vraiment si l'entreprise doit proposer un congé de reclassement pour les salariés partant dans le cadre d'un départ volontaire ». De quoi donner quelques sueurs froides aux DRH !

L'essentiel

1 Arena, Samsonite, Olympia, Carrefour ont été récemment épinglés par la justice sur leurs PSE.

2 Le tribunal peut être saisi sur trois terrains : la façon dont se déroule la procédure de licenciement, les motifs du plan et son contenu en matière de reclassement.

3 Si l'annulation est plutôt rare, en revanche, le versement de dommages et intérêts est fréquent : après une procédure judiciaire, 70 % des licenciés économiques obtiennent des indemnités.