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10 questions pour un PSE

Enquête | publié le : 07.07.2009 |

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10 questions pour un PSE

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Paul-Henri Antonmattei, professeur à la faculté de droit de Montpellier, Catherine Le Manchec, avocate au cabinet August & Debouzy, et Emmanuelle Rivez-Domont, avocate au cabinet Jones Day, nous donnent leurs réponses.

1 Réorganisation d'une entreprise, délocalisation, sauvegarde de la compétitivité... Quels motifs peuvent être évoqués lors d'un licenciement économique ?

« Le motif légal central pour un licenciement économique est de connaître des difficultés économiques. Mais la jurisprudence reconnaît, également, depuis dix ans, la notion de sauvegarde de la compétitivité », explique Emmanuelle Rivez-Domont, avocate au cabinet Jones Day. Un employeur peut également licencier en raison d'une réorganisation de l'entreprise, et en l'absence de difficultés économiques. Cette réorganisation doit, toutefois, être mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques prévisibles. Quant aux licenciements pour délocalisation, le sujet est plus délicat : Arena l'a appris à ses dépens. L'ancienne filiale d'Adidas a été sévèrement condamnée, en février dernier, pour avoir pratiqué des licenciements purement financiers.

2 Quel secteur d'activité prendre en compte ?

Lorsque l'entreprise qui emploie le ou les salariés licenciés appartient à un groupe, les difficultés économiques doivent s'apprécier au regard du secteur d'activité dont elle relève, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national. Concrètement, l'employeur doit donc fournir au juge tous les éléments, non seulement des sociétés établies en France, mais aussi des autres filiales étrangères, afin de mieux comprendre l'organisation du groupe et de mieux apprécier la situation financière et économique. Faute de quoi, le juge, qui ne pourra vérifier l'existence de la cause économique invoquée, pourra décider que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

3Des mesures alternatives au licenciement doivent-elles avoir été prises ?

Pour Paul-Henri Antonmattei, professeur à la faculté de droit de Montpellier, interrogé à ce sujet lors d'une conférence-débat organisée par la Semaine sociale Lamy, le 14 mai, la prudence est de mise : « Les contentieux arriveront lorsque l'on sera sorti de la crise, prévient-il. En attendant, est-ce que le juge sera influencé par l'ampleur de cette crise ? Sera-t-il sensible aux mesures anti-crise ? » De fait, selon le juriste, l'employeur est tenu de mettre en place, en amont, des mesures alternatives au licenciement : suppression des CDD, du travail temporaire, des heures supplémentaires, activation du chômage partiel, voire baisse de salaire. Emmanuelle Rivez-Domont préconise, de son côté, d'autres solutions, comme la réduction du train de vie de l'entreprise. Catherine Le Manchec, avocate au cabinet August & Debouzy, reconnaît, toutefois, que l'employeur est libre de la gestion de son entreprise. Mais « il peut être accusé de légèreté blâmable ». C'est-à-dire « d'abus de droit s'il ne prend aucune mesure, ou s'il se désintéresse de la gestion de son entreprise ». « Il doit montrer que la décision de licencier n'a pas été prise brutalement », précise-t-elle.

4 Quelles sont les chausse-trapes dans la procédure de consultation ?

Plusieurs incidents peuvent émailler la procédure. Tout d'abord, la question du droit d'alerte. En déclenchant un droit d'alerte, le comité d'entreprise bénéficie de l'assistance d'un expert-comptable rémunéré par l'employeur et, partant, a accès à des documents que l'employeur aurait pu, sinon, lui refuser. « Même si la procédure de droit d'alerte est distincte de celle de consultation sur un PSE, l'intérêt des partenaires sociaux est de suspendre la procédure d'information-consultation sur le PSE au seul motif que l'expert n'aurait pas rendu son rapport sur le droit d'alerte, prévient Catherine Le Manchec. Mais l'enjeu, pour l'entreprise, est de se montrer diligente. C'est-à-dire montrer sa bonne foi en donnant tous les documents à l'expert, dans les plus brefs délais, pour qu'il puisse apporter des répondes claires rapidement. »

Pour Emmanuelle Rivez-Domont, le « droit d'alerte n'est pas un problème. Il s'agit, le plus souvent, d'une tentative de blocage du PSE. Or, la jurisprudence est très claire : le droit d'alerte ne peut pas suspendre une procédure d'information-consultation ».

Autre écueil : le projet devant conduire au licenciement économique peut être la cause ou la résultante de mesures organisationnelles dans l'entreprise, d'un aménagement important modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail. Le CHSCT doit être consulté avant que le comité d'entreprise ne donne son avis. Le rôle du CHSCT est davantage reconnu suite à deux jugements sur l'évaluation des salariés. L'un venant de la Cour de cassation, le 28 novembre 2007 ; l'autre, du TGI de Nanterre, le 5 septembre 2008. « Depuis dix ans, le CHSCT est une instance politique à part entière. Il faut intégrer ce risque de manière permanente. C'est-à-dire qu'il faut mieux anticiper et ne pas attendre la dernière séance de négociation du PSE pour solliciter son avis. »

5 Les négociations sur la GPEC doivent-elles être un préalable au plan de sauvegarde de l'emploi ?

Alors que le TGI de Paris avait suspendu, en mars 2007, la procédure des livres IV et III de Nextiraone, le temps pour cette entreprise d'engager les négociations sur la GPEC, d'autres tribunaux se sont livré, ensuite, à des argumentaires beaucoup moins radicaux. Car, pour certains magistrats, l'obligation de négocier une GPEC ne s'impose pas comme une condition préalable. Le PSE s'apprécie à un instant T et non en fonction de ce qui a été fait dans les mois et les années précédents. Donc, il s'agit de deux dispositifs autonomes.

Catherine Le Manchec donne, elle, un avis plus nuancé : « Deux signaux nous permettent effectivement d'aller dans le sens de cette interprétation. Tout d'abord, l'accord des partenaires sociaux, en mars dernier, réaffirme cette position. Par ailleurs, dans le nouveau Code du travail, la GPEC se situe au sein des relations collectives de travail, plus précisément dans le cadre de la négociation obligatoire en entreprise. Cette position peut prouver que le défaut d'accord de GPEC ne peut remettre en cause le sérieux du motif économique. » Mais, dans un même temps, « la Cour de cassation n'a pas rendu d'avis sur ce sujet, poursuit Catherine Le Manchec. Le lien reste donc ambigu. L'absence de gestion prévisionnelle pourra compliquer les débats. L'employeur a, certes, la liberté de gestion de son personnel. Mais il doit montrer qu'il sait anticiper ou respecter les accords déjà conclus. A défaut, il peut être accusé de « légèreté blâmable » et être condamné à verser des dommages et intérêts aux salariés licenciés.

6 Pour ou contre l'accord de méthode ?

Pour Emmanuelle Rivez-Domont, la situation s'apprécie au cas par cas, en fonction du dialogue social pratiqué habituellement dans l'entreprise. Car, si l'accord peut paraître positif pour l'employeur - il dispose, ainsi, d'un calendrier qui engage les partenaires sociaux -, la stratégie des partenaires sociaux consiste souvent à prolonger les débats pour reporter d'autant les négociations sur le plan social. Histoire de gagner du temps !

7 Comment comprendre l'obligation de reclassement à l'étranger ?

Pour Paul-Henri Antonmattei, l'employeur n'a pas à proposer des postes avec des rémunérations inférieures au Smic français. « Une comparaison avec le niveau de vie du pays ne me paraît pas justifiée, prévient-il. Mais, pour éviter tout contentieux, il est impératif que l'employeur acte avec les représentants du personnel que ces propositions de reclassement ne sont «pas loyales et sérieuses», en raison de la faiblesse du niveau de rémunération, en se référant à l'instruction de la DGEFP. » Cette instruction, du 23 janvier 2006, déclarait, en effet, que « la proposition d'une entreprise concernant des postes au sein du groupe dans des unités de production à l'étranger pour des salaires très inférieurs au Smic ne peut être considérée comme sérieuse ».

Toutefois, cette consigne n'a pas valeur de droit. « Mais le juge pourra être influencé par cette orientation, au nom du bon sens », prévient Paul-Henri Antonmattei. Lors de l'examen de la proposition de loi sur l'emploi de Jean-Frédéric Poisson, le 25 mai, à l'Assemblée nationale, le groupe nouveau centre a tenté de clarifier la loi. Mais l'amendement a été rejeté.

8 Peut-on inclure un plan de départs volontaires dans le PSE ?

Oui. A condition qu'il contienne toutes les mesures de reclassement proposées dans un PSE : aides au reclassement externe, à la création d'entreprise, mise en place d'un espace conseil, avec l'aide de cabinets spécialisés... Faut-il, dès lors, prévoir des mesures de reclassement interne ? Une « situation un peu ubuesque », selon Catherine Le Manchec, mais « tentante » pour Emmanuelle Rivez-Domont.

C'est ce dernier avis qu'a suivi la CGT de Renault en portant plainte devant le TGI de Nanterre, estimant que le plan « d'ajustement des effectifs fondé sur le volontariat » du constructeur n'était pas suffisamment complet. Le TGI de Nanterre en a, toutefois, décidé autrement, le 12 décembre dernier, en déboutant la fédération syndicale.

9 Rupture conventionnelle et PSE : quelle compatibilité ?

La rupture conventionnelle est exclusive de tout licenciement économique, donc de toute volonté de supprimer des postes. Or, des dérives existent. La société Loxam, qui loue du matériel pour le BTP et l'industrie, avait ainsi inclus, en décembre dernier, dans un accord d'entreprise, cette possibilité de rupture, majorations à la clé, pour éviter des licenciements collectifs... avant de retirer cette clause.

Selon la loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008, la rupture conventionnelle n'est, en effet, « pas applicable aux ruptures de contrat de travail résultant des accords collectifs de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et des plans de sauvegarde de l'emploi ». Mais une rupture conventionnelle peut-elle être requalifiée si la personne n'est pas remplacée ? « Rien n'est moins sûr, avoue Catherine Le Manchec. Car il y a eu un consentement de la part du salarié. »

10 Quelles sont les nouveautés en matière de reclassement ?

Plusieurs jugements ont permis d'éclaircir certaines situations. C'est le cas, par exemple, de l'arrêt du 31 mars dernier de la Cour de cassation, qui précise « que l'entreprise est tenue de proposer un emploi salarié ». Un commercial licencié par la société Jag Diffusion, à Nîmes, a fait les frais de cette décision. Ce salarié avait porté plainte contre son employeur qui ne lui avait pas proposé le poste d'un des commerciaux recrutés après son licenciement. Pour la Cour, l'entreprise n'a pas manqué à son obligation de reclassement car il s'agissait, en réalité, de travailleurs indépendants ne « représentant nullement une charge pour l'entreprise ».

Autre «cas» : celui d'une entreprise fermant l'un de ses établissements. « L'erreur la plus fréquente, indique Emmanuelle Rivez-Domont, est d'établir les critères d'ordre de licenciement uniquement sur le site concerné. Or, il faut, ici, les établir sur l'ensemble des salariés de la société. Ou sinon, établir un accord avec les syndicats proposant une dérogation à la règle légale pour circonscrire les mesures à l'établissement qui va fermer. »

A. B.