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Les pratiques

L'impact de la baisse de la TVA sur l'emploi reste incertain

Les pratiques | Retour sur... | publié le : 30.06.2009 |

Depuis dix ans, le bâtiment bénéficie d'une TVA à 5,5 % pour certains travaux. Selon la profession, la mesure aurait permis de créer environ 60 000 emplois. Sur la foi de cet argument qu'aucune évaluation récente n'a validé, le gouvernement s'apprête à faire de même pour la restauration.

Le 1er juillet 2009, les cafés, hôtels et restaurants bénéficieront d'une réduction du taux de TVA de 19,6 % à 5,5 %. En échange, neuf organisations professionnelles du secteur ont signé avec le gouvernement un «contrat d'avenir» dans lequel elles s'engagent à réduire leurs prix, à créer 20 000 emplois pérennes et 20 000 emplois en contrat d'apprentissage ou de professionnalisation en deux ans, et à augmenter leurs investissements pour moderniser leurs entreprises.

L'exemple du bâtiment

Le gouvernement s'appuie sur un précédent. Depuis 1999, le bâtiment bénéficie, à titre dérogatoire, d'une TVA à 5,5 % sur tous les travaux d'entretien et de rénovation dans une résidence de plus de deux ans.

Dans son rapport à la Commission européenne sur «l'évaluation des baisses ciblées de TVA sur certains services à forte intensité de main-d'oeuvre», daté d'octobre 2002, la France affirme que la baisse de la TVA a « contribué significativement à la création d'emplois dans ce secteur », à hauteur de 40 000 à 46 000 emplois.

Pour obtenir ce chiffre, le gouvernement s'est alors appuyé sur deux hypothèses. D'une part, un chiffre d'affaires hors taxes de 45 735 euros (valeur de l'euro en 2000) correspond à un emploi direct. D'autre part, la création de dix emplois directs entraîne la création de quatre emplois indirects liés aux fournitures de matériel.

Le chiffre d'affaires du secteur ayant progressé de près de 14 % entre 1999 et 2001, la France estimait alors, en 2002, que la mesure avait permis de créer 40 000 à 46 000 emplois, une fois mise de côté la part des autres facteurs ayant contribué à ce surcroît d'activité.

Depuis, la Fédération française du bâtiment a actualisé ce rapport. Dans un document daté de décembre 2004 et intitulé «Impact de la TVA à 5,5 % sur les prix, l'emploi et le travail au noir», la FFB s'est appuyée sur les hypothèses du rapport de 2002 en les actualisant par un raisonnement qui tient compte de la valeur de l'euro en 2003, de l'augmentation des prix et de l'évolution de la production par tête.

Désormais, un emploi direct correspond à un chiffre d'affaires d'environ 51 000 euros hors taxes. La production par personne, elle, est restée stable, voire a diminué entre 2000 et 2003 sous l'impact de la mise en place de la réduction du temps de travail.

Plus de 40 000 emplois directs créés

Sous ces deux hypothèses, et compte tenu d'une augmentation du chiffre d'affaires du secteur de 7,5 % en moyenne par an sur la période 1999 à 2004, la FFB en déduit que « la mesure a, ainsi, permis de créer de 58 000 à 60 000 emplois sur l'ensemble de la période, dont plus de 40 000 emplois directs dans le secteur du bâtiment. Le plus grand nombre de ces emplois ont été créés au début de la mise en place de la mesure, à la fin de l'année 1999 et en 2000 ». « Il est difficile de dire précisément que tel emploi est dû à la réduction de la TVA à 5,5 %, mais ce sont quand même des estimations assez précises », commente-t-on à la direction de la communication de la FFB.

C'est en tirant argument de ces deux estimations que le gouvernement a décidé de maintenir le taux de TVA à 5,5 % appliqué au bâtiment après le 31 décembre 2009 et de le mettre en place dans la restauration. Car il n'existe aucune autre évaluation à notre connaissance. Interrogé, le cabinet de Christine Lagarde, ministre de l'Economie et des Finances, renvoie vers le secrétariat d'Etat à l'Emploi de Laurent Wauquiez. Son service de presse indique qu'« après avoir consulté deux conseillers, il apparaît qu'il n'existe, a priori, aucune étude évaluant l'impact de la TVA réduite à 5,5 % sur l'emploi dans le bâtiment ».

Aucune autre évaluation

Aucun calcul ne figure, non plus, dans les rapports annuels de performance des missions budgétaires, ces documents qui, outre les indicateurs de performance des ministères, comprennent des évaluations des dépenses fiscales dites à «forts enjeux». « On ne trouve rien », reconnaît-on au cabinet du ministre du Budget Eric Woerth. A la Direction générale du travail, au ministère du Travail et des Relations sociales, enfin, c'est le silence radio.

Reste que cette baisse de taxe viendra grever les recettes de l'Etat de 2,5 milliards d'euros, indiquait, en mars dernier, le ministre du Budget, Eric Woerth. Soit, pour 40 000 emplois attendus, un coût de 62 500 euros par an et par emploi créé.