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« T'as quoi comme portable ? »

Dossier | publié le : 16.06.2009 |

L'article 4 du projet de loi organise la «portabilité» du droit individuel à la formation, et non sa «transférabilité» : c'est-à-dire les heures, sans la certitude du financement. Que sera le débat parlementaire sur ce sujet ? Jean-Pierre Willems :

« Tout salarié quittant l'entreprise dans le cadre d'une rupture du contrat de travail qui ouvre droit à l'assurance chômage, sauf faute lourde, dispose d'une possibilité de financer une formation suivie ultérieurement en utilisant le crédit DIF acquis dans son ancienne entreprise. S'il relève de l'assurance chômage, cette formation devra être suivie en accord avec Pôle emploi, prioritairement pendant la première moitié de sa période d'indemnisation. S'il est salarié dans une nouvelle entreprise, la formation sera décidée en accord avec son employeur dans un délai de deux ans. Dans les deux cas, la portabilité se traduit par la possibilité de demander un financement de la formation, du bilan de compétences ou de l'action de VAE suivie, par un Opca. Si le salarié est demandeur d'emploi, l'Opca compétent est celui de son ancien employeur. S'il est redevenu salarié, c'est l'Opca de sa nouvelle entreprise qui prend en charge le financement. »

« Pour permettre l'exercice de ce droit, tout employeur doit mentionner sur le certificat de travail remis au salarié lors de la rupture du contrat, le montant des heures de DIF non utilisées ainsi que l'Opca dont relève l'entreprise. La portabilité ne se substitue pas aux possibilités d'utilisation du DIF dans le cadre du licenciement, ni à la négociation de son utilisation dans le cadre d'une démission - qui peut ouvrir droit à l'assurance chômage si son motif fait partie de ceux qui sont reconnus comme légitimes par la convention d'assurance chômage - ou d'une rupture conventionnelle.

Un financement non impératif

Le salarié aura donc le choix entre une utilisation immédiate ou différée du DIF, dans le cadre de la portabilité. Ce choix devra tenir compte du fait que le financement de la portabilité par l'Opca n'est pas impératif et qu'il s'effectuera à des coûts plafonnés. »

Fausse bonne idée ? Philippe Bernier :

« Nous voilà confrontés à une «bonne/mauvaise» idée. Bonne, parce que le DIF n'est plus attaché au statut de salarié, mais bien à l'individu ; lui permettant, ainsi, de quitter son entreprise pour un autre emploi ou de conserver ce droit. On redonne alors tout son sens au mot «individuel», mais aussi au mot «droit» ! En cela, l'idée est plutôt intéressante, car aussi très symbolique. Au passage, elle renvoie au fait que le salarié, en disposant après sa sortie de l'entreprise de son DIF, est à nouveau mis devant ses responsabilités : il prend ou non l'initiative de son devenir ! Bonne, aussi, sur la logique de financement : il n'est pas construit un DIF portable sans une réflexion sur son financement. »

« Pourtant, l'idée est également mauvaise, pour trois raisons au moins. Premièrement : parce qu'on peut s'inquiéter du fait que la portabilité amène l'entreprise à estimer que le DIF n'est plus son problème. Deuxièmement : parce que le projet de loi pourrait sembler ambigu sur la réalité de la portabilité. «Les sommes correspondant à la valorisation des heures acquises au titre du droit individuel à la formation et non utilisées pourront être affectées par un salarié au financement d'actions de formation, de bilan de compétences ou de validation des acquis de l'expérience. La mobilisation de ces sommes se fait en accord avec son nouvel employeur et a lieu pendant les deux années suivant son embauche» : comment faut-il comprendre cette phrase ? Renvoie-t-elle à la nécessaire acceptation par le nouvel employeur de l'utilisation du DIF ? La réponse semble évidente et ceux qui se poseraient la question risquent de rencontrer des déconvenues. »

Financement suffisant ?

« Enfin, troisièmement : parce que même si le financement est porté par l'Opca de départ ou l'Opca d'arrivée, selon le statut de la personne au moment de la demande, les financements seront-ils suffisants pour couvrir de vrais projets professionnels de formation ? La limite financière de prise en charge annoncée à 9,15 euros par heure pourrait constituer un frein à toute ambition de départ en formation. Au final, existera-t-il deux DIF : l'un affecté à la portabilité, et un autre, généré par la situation du salarié dans l'entreprise au bout d'un an de présence ? Là encore, les textes sont clairs, sans l'être complètement. »

Un gadget inutile Alain-Frédéric Fernandez :

« Bien entendu, et comme en 2004, le «DIF gadget» est toujours aussi inutile, et le nouveau projet renforce les raisons de ne pas s'en servir. Un salarié licencié par son entreprise - ou en cas de rupture amiable - pourra utiliser son DIF via son Opca pour se former soit entre deux contrats, soit une fois arrivé dans sa nouvelle entreprise. Au risque de passer pour un éternel opposant au DIF, je ne peux que conclure qu'il sera plus intéressant, pour les entreprises, de refuser le DIF à toute personne - en particulier aux cadres - dont le salaire sera supérieur à 36 000 euros par an. En effet, si cette personne cumule son DIF et ne l'utilise qu'au moment de la rupture de contrat, l'employeur acquittera une contribution de 9,15 euros par heure. Imaginons que ce salarié ait un salaire de 50 000 euros par an, cette contribution, dans l'ancienne loi, était égale à l'allocation de formation, soit 12,8 euros par heure. Il est, par ailleurs, dommage que cette portabilité soit prévue seulement en cas de licenciement, un salarié démissionnaire, parce qu'il se sent limité dans son entreprise, ne pourra pas bénéficier de cette formation différée. »

Bilan d'étape professionnel

L'article 7 du projet de loi propose la création d'un bilan d'étape professionnel. Celui-ci serait mis en oeuvre à l'initiative du salarié, qui pourrait en bénéficier dès lors qu'il cumule deux ans d'ancienneté. Il a pour objet, à partir d'un diagnostic réalisé en commun par le salarié et son employeur, de permettre au salarié de connaître ses capacités professionnelles et ses compétences et, à son employeur, de déterminer les objectifs de formation du salarié. Le droit est ouvert tous les cinq ans.

Jean-Pierre Willems : « Les partenaires sociaux ont d'ores et déjà prévu, dans l'avenant du 3 mars 2009 à l'ANI du 18 novembre 2008, que ce bilan ne serait pas réalisé par la hiérarchie directe et qu'il pourrait, notamment dans les PME qui ont une ligne hiérarchique courte, être effectué par un organisme extérieur. Ce bilan d'étape professionnel constitue une obligation nouvelle et supplémentaire à la charge de l'entreprise en matière d'anticipation dans la gestion des compétences des salariés. »

« Cet article du projet de loi inscrit d'ailleurs dans la loi le passeport formation, qui ne relevait, jusque-là, que des accords nationaux interprofessionnels ou des accords de branche, organisant, ainsi, la traçabilité des compétences du salarié. »

Alain-Frédéric Fernandez : « Le bilan d'étape professionnel, enfin ! pourrait-on dire. L'entretien basé sur les compétences et le projet entre dans la loi. Ce «BEP» est un vrai progrès dans la gestion de la formation tout au long de la vie. Mais attention, cet entretien ne peut pas être conduit par les managers, ils doivent seulement être formés à en apprécier et à en utiliser les conclusions. Cet entretien, qui est dans une logique de compétences, doit être confié à un organisme extérieur ou à des RH dédiées. Ce n'est pas un acte de management comme aurait pu l'être l'entretien professionnel. »

L. G.

Socle de compétences

L'article 2 du projet de loi précise que la formation professionnelle continue doit permettre de compléter «le socle des connaissances acquis en formation initiale», notamment par le développement de capacités à actualiser ses connaissances et ses compétences et à travailler en équipe.

Alain-Frédéric Fernandez : « C'est un premier pas vers l'établissement d'un socle de compétences demandé par la Communauté européenne. De quoi s'agit-il ? Que chaque personne, en plus de ses connaissances et compétences liées à son métier et à son emploi, puisse rester employable en renforçant son adaptabilité, sa capacité à accepter le changement, ses compétences relationnelles, ses compétences cognitives - la capacité à apprendre ; la maîtrise des technologies de l'information ; la vision globale et systémique et le travail en équipe. Tout le reste du projet va nous conforter dans cette vision enfin opérationnelle de la préparation de tous au choc de la mondialisation. » « Ce socle de compétences comprend, notamment, l'aptitude à travailler en équipe. C'est un voeu extrêmement pragmatique. Les entreprises travaillent de plus en plus en mode projet, par des outils contributifs, des réseaux. Le travail en équipe est nécessaire quand on se réorganise, quand on se redéploie, quand une équipe en intègre une autre. »