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A quoi servent les labels ?

Enquête | publié le : 09.06.2009 |

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A quoi servent les labels ?

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De plus en plus d'entreprises font auditer leurs process RH par des tiers afin de vérifier qu'ils répondent au principe d'égalité des chances. Cette évaluation peut prendre la forme de labels, de diagnostics, de testings... Les entreprises qui se sont engagées dans cette démarche soulignent combien elle est structurante, mais aussi chronophage et, parfois, onéreuse.

Labels, audits, diagnostics, testings... Les outils d'évaluation des processus RH des entreprises se sont multipliés ces dernières années. Les méthodologies diffèrent mais la finalité reste la même : évaluer les processus RH des entreprises au regard de l'égalité des chances et, plus généralement, de la responsabilité sociale.

Il existe, actuellement, trois labels attestant la conformité des process RH à ces principes : le Label égalité, dédié à l'égalité entre hommes et femmes, le Label diversité, sur les autres formes de discrimination, et le Label responsabilité sociale, dans les centres de relation clients, qui valorise les pratiques RH vertueuses des centres d'appels. A côté de ces audits de conformité, on trouve les «diagnostics diversité» d'IMS Entreprendre pour la cité, les audits de Vigeo, les testings d'ISM Corum et de l'Observatoire des discriminations... L'offre s'enrichit régulièrement (lire tableau p. 24).

Les pouvoirs publics ont manifestement fait de ces audits un levier important pour lutter contre les discriminations. C'est le gouvernement qui a lancé les trois labels, deux en 2004, puis en 2008 ; il en assure, depuis, la promotion. Il est maintenant question d'un nouveau label sur la sécurité au travail pour accompagner le plan du gouvernement sur la santé au travail. C'est également lui qui, dans le cadre de son plan en faveur des seniors, a poussé les entreprises à se faire auditer par Vigeo. Le 2 juin, l'agence de Nicole Notat lui a remis un «recueil de bonnes pratiques» d'entreprises en la matière (lire p. 5). De son côté, la Halde soutient et commande des testings sur le recrutement.

Début d'intérêt

Les entreprises commencent à montrer de l'intérêt pour ces outils. A ce jour, une quarantaine de Labels égalité sont attribués, ainsi qu'une vingtaine de Labels diversité et autant de Labels responsabilité sociale. IMS Entreprendre annonce avoir réalisé une trentaine de «diagnostics diversité» en quatre ans. Quelques entreprises (Adia, Casino, Schneider Electric...) communiquent sur les testings auxquels elles se sont soumises, mais d'autres ont également franchi le pas, plus discrètement. Dans les semaines qui viennent, il faut s'attendre à de nouvelles vagues de Labels diversité. Pendant ce temps-là, les prestataires affûtent leur offre (lire p. 26).

L'Etat face à ses responsabilités

« Cela donne l'impression que l'Etat ne veut pas assumer ses responsabilités et qu'il cherche des acteurs pour exercer des pressions à sa place », remarque François Fatoux, délégué général de l'Orse (Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises), qui porte un regard critique sur les labels (lire p. 31). Leur développement correspond à « une demande de l'Etat et des acteurs pour davantage d'efficacité et de reconnaissance », explique Thierry Geoffroy, chargé de mission à Afnor Certification, le principal opérateur sur ce marché en construction de l'audit des processus RH.

Plus efficaces que la loi

Les simples engagements unilatéraux des employeurs, type charte, ne sont plus à la hauteur des enjeux de la discrimination, notamment à l'embauche, dans laquelle de nombreux observateurs ont vu une des causes des émeutes en banlieue, fin 2005.

Le développement des audits procède aussi, sans doute, de l'analyse qu'ils sont plus efficaces que les lois pour changer les mentalités, parce qu'ils possèdent des capacités pédagogiques et de mobilisation que n'ont pas ces dernières.

Les raisons pour lesquelles les entreprises s'engagent dans ces audits relativement onéreux et chronophages sont multiples. « Toutes les entreprises avec lesquelles nous travaillons sont vraiment soucieuses de rectifier leurs problèmes, même si elles ont le secret espoir que nous n'en détecterons pas », explique Eric Cédiey, consultant-chercheur à ISM Corum, qui réalise notamment des testings. De fait, nombre de responsables travaillant sur les questions d'égalité sont d'authentiques passionnés de leur sujet, à la recherche des outils les plus efficaces pour lutter contre les discriminations.

L'intérêt économique bien compris est également un ressort : volonté d'attirer une main-d'oeuvre qualifiée - l'argument est toujours invoqué malgré la crise -, ou d'avoir un service de recrutement efficace, notamment chez les intermédiaires de l'emploi. « S'ils ne règlent pas les problèmes, ils risquent de devoir assumer des discriminations commandées par d'autres », remarque Eric Cédiey.

Valorisation de l'image

Le Label responsabilité sociale est même devenu un actif immatériel de la société de relation clients b2s, du fait qu'il est une condition pour accéder à certains appels d'offres (lire p. 29). Des considérations d'opportunité entrent également en compte dans le choix des entreprises de s'engager : pressions du gouvernement, souci de ne pas être à la traîne par rapport aux autres entreprises, volonté de valoriser son image ou de disposer d'un argument opposable en cas d'accusation de discrimination, anticipation sur l'évolution de la législation...

Facteur de mobilisation

Les entreprises qui se sont engagées dans un audit de leurs process RH retiennent principalement trois leçons positives de cette expérience. Elle est un facteur de mobilisation et de sensibilisation des salariés, de la direction et de l'encadrement aux questions d'égalité des chances. Elle permet de faire le point sur les process RH, de les fixer noir sur blanc, et de les structurer. Elle enrichit le dialogue social. L'égalité des chances fait même partie des rares sujets sur lesquels il est possible de dépasser les « traditionnelles oppositions d'intérêts » entre la direction et les syndicats, relève Catherine Belotti, directrice diversité de Schneider Electric (lire p. 26).

Toutes soulignent que l'audit est un investissement important, en argent et en temps. Il en a ainsi coûté 17 000 euros à Schneider Electric pour faire labelliser sur l'égalité deux de ses entités. De son côté, Vinci annonce avoir dépensé 30 800 euros pour le Label diversité de sept de ses entités, obtenu fin avril, et 10 000 euros par an pour des audits de Vigeo sur l'égalité des chances (lire p. 26). Un testing coûte entre 20 000 et 30 000 euros. Le prix d'entrée pour un diagnostic simple est d'environ 5 000 euros. Une critique des utilisateurs commence à émerger sur l'instabilité des prix et des prestations de ce marché en structuration.

Beaucoup de travail

Surtout, un audit représente beaucoup de travail. « Certaines entreprises sont à mille lieues d'imaginer ce qu'un label exige, comme cette personne qui nous contacte parce que sa standardiste est noire... », se rappelle Thierry Geoffroy. Par exemple, il a fallu huit mois à Dell pour monter son dossier en vue du Label égalité (lire p. 28). Le dossier pour le Label responsabilité sociale de b2s tenait dans 47 classeurs. N'est pas labellisé qui veut.

L'essentiel

1 Les outils d'évaluation des politiques RH au regard de l'égalité des chances se sont multipliés ces dernières années, principalement sous l'impulsion des pouvoirs publics.

2 Un marché se développe : labels, audits, diagnostics, testings...

3 Les entreprises qui se sont fait auditer soulignent les capacités de mobilisation de ces outils, mais aussi leur coût.

Deux grandes familles d'audits

Le marché des audits de process RH propose deux familles de produits, dont les philosophies sont complètement différentes. Les audits qualitatifs décrivent les procédures RH des entreprises, les moyens qu'elles engagent et les actions qu'elles entreprennent. C'est le principe des «audits en responsabilité sociale» de Vigeo, des «diagnostics diversité» d'IMS et des labels, ces derniers attestant, en outre, une conformité à des normes. Ces audits sont réalisés à partir de la documentation de l'entreprise (accords, rapports de situation comparée, journaux internes, chartes...) et, éventuellement, d'entretiens avec la direction, les représentants du personnel et les salariés (évaluation in situ). Sur ce marché, on trouve, principalement, l'Afnor (Labels égalité et diversité), Vigeo, et IMS Entreprendre pour la cité. Ersnt & Young est l'opérateur du Label responsabilité sociale dans le secteur des centres d'appels. ISM Corum est également en train de se positionner sur ce marché. Les tarifs de ces audits dépendent du nombre de salariés et de sites concernés. Pour cette raison, ils sont extrêmement variables : de 1 500 euros pour le Label diversité d'une entreprise monosite de moins de 20 salariés à 60 000 euros pour l'audit complet d'une grande entreprise.

Les audits quantitatifs, quant à eux, mesurent statistiquement des écarts de situation, laissant présager que l'égalité des chances n'est pas respectée, par exemple entre le CV d'un candidat d'origine immigré ou celui d'un candidat de référence. Ils s'appuient sur les informations contenues dans le fichier du personnel (état sur fichier) ou sur celles issues d'un testing, un test de candidature. Le premier outil est applicable aux questions RH à l'intérieur de l'entreprise (conditions de travail, carrières...), le second est réservé aux situations de recrutement, puisque la condition est que le testé (le recruteur) ne connaisse pas le testant (le faux candidat). Sur ce marché, plus petit que le précédent, les acteurs sont principalement ISM Corum, et l'Observatoire des discriminations dirigé par Jean-François Amadieu. Les testings coûtent assez cher parce qu'ils nécessitent une logistique compliquée. Le prix d'entrée est difficilement inférieur à 20 000 euros, indique ISM Corum. Les états sur fichier sont moins onéreux et leur prix ne réagit pas au nombre de salariés concernés. Le tarif d'entrée est d'environ 5 000 euros.