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Les pratiques

La descente aux enfers de l'intérim

Les pratiques | Retour sur... | publié le : 02.06.2009 |

Depuis plusieurs mois, l'intérim est plongé dans une crise économique sans précédent. Malgré leur diversification, les entreprises de travail temporaire peinent à trouver de nouveaux relais de croissance.

Face à un effondrement de plus de 35 % du marché français du travail temporaire en mars et avril, les agences d'emploi se mettent au régime sec : 600 suppressions de poste chez Adecco ; 489 chez Randstad-Vediorbis ; 380 arrêts de CDD et des négociations salariales reportées au deuxième semestre chez Manpower. L'intérim accuse le choc.

Garantie financière

Pour l'heure, aucune agence d'emploi n'a mis la clé sous la porte, selon le Prisme, la fédération patronale. Mais le pire est à venir : toutes les sociétés n'obtiendront pas la garantie financière, propre à la profession, destinée à couvrir, en cas de défaillance, le paiement des salaires des intérimaires, des cotisations dues aux organismes de Sécurité sociale et de diverses indemnités. Cette garantie, dont le montant est fixé par décret (soit 107 587 euros minimum), est renouvelée chaque année, majoritairement en début d'été, auprès des banques. Par ailleurs, l'impossibilité pour une entreprise, de recourir à l'intérim six mois après un plan social met à mal la fragile trésorerie des sociétés et reporte d'autant le redémarrage du secteur.

Adaptation face à la crise

En attendant, à chacun sa méthode pour passer la crise. Manpower réadapte son réseau commercial de 840 bureaux pour mieux coller à la « cartographie des besoins des entreprises », selon Françoise Gri, présidente de Manpower France : « 70 agences vont fermer au profit d'une organisation plus souple par bassins d'emploi avec des structures multisites. » Adecco mise sur la mobilité géographique et professionnelle ; près de 500 personnes sont concernées. Le groupe Crit compte, lui, sur les départs naturels, le non-renouvellement des CDD et les fermetures d'agence.

A Forbach (Moselle), le groupe familial DLSI (200 salariés), qui puise dans ses fonds propres pour éviter tout PSE, dépense, de son côté, son budget formation. L'entreprise, qui enregistre un recul de son chiffre d'affaires de 22 %, a consommé en un trimestre la moitié du budget prévisionnel annuel - soit 1,2 million d'euros - pour recentrer ses équipes sur le droit du travail, les techniques de recrutement et le commercial. Les intérimaires se voient, eux, proposer des formations plus pointues, notamment en conduite d'engins et en habilitations électriques, tout en renforçant le volet sécurité.

L'Etat et la branche temporaire viennent, d'ailleurs, de signer un accord-cadre pour financer, sur deux ans, des actions de formation pour 3 600 intérimaires. L'Etat prendra en charge 6,7 millions d'euros, le FAF.TT, 13,8 millions d'euros, et les ETT, 2,3 millions d'euros. D'autres, enfin, se mobilisent pour vanter les mérites de leur personnel. Start People a publié un «Annuaire des talents» comportant la fiche signalétique de quelque 22 000 candidats, répertoriés par départements et par secteurs.

Ces efforts suffiront-ils ? Depuis la loi Borloo de 2005, les agences d'emploi ont tenté de jouer la carte d'opérateur global de l'emploi. Elles se sont, d'abord, ouvertes au recrutement, en CDD et en CDI. Mais les résultats sont encore maigres, le recrutement représente à peine 1 % de leur activité (55 000 embauches en 2008).

Conseil RH

Les majors ont, ensuite, grignoté des parts de marché dans le secteur du conseil RH en proposant toute une gamme de prestations : formation, outplacement, coaching ou encore gestion de la paie. A Metz, Hominis (50 agences en France), qui affiche un recul de 24 %, multiplie les synergies entre Enthalpia, sa filiale dédiée au travail temporaire, et Horemis, spécialisée dans le conseil et le reclassement. Pionnier dans la démarche de diversification, le groupe Adecco compte, lui aussi, sur ses «marques» pour améliorer ses marges : Altedia (conseil), Adecco medical, Adecco Experts (middle management), et Ajilon et Datavance (prestations de services informatiques). « Toutes ces activités ne sont pas aptes à pallier la chute du marché de l'intérim, commente François Davy, le Pdg d'Adecco France. Mais elles nous aident à mieux surmonter la crise. Elles représentent un peu plus de 10 % de notre activité aujourd'hui, contre 6 % avant la crise. »

Bouffée d'air

D'autres relais de croissance sont attendus. La première bouffée d'air pourrait venir du troisième appel d'offres de Pôle emploi, passé fin avril, à des sociétés privées, afin d'accompagner des demandeurs d'emploi. Toutes, alléchées par cette manne, lorgnent sur ce marché. « Mais seules les entreprises bénéficiant d'un réseau national ont une chance d'être retenues », regrette François Roux, délégué général du Prisme. Exit donc les PME du secteur.

Un autre appel d'air viendrait du portage salarial. Des négociations sont actuellement en cours au sein de la branche temporaire. Et, surtout, la profession attend un geste des partenaires sociaux, qui entament un nouveau round de négociations. Elle demande des assouplissements supplémentaires pour doper son activité, notamment la réduction des délais de carence et la possibilité de recourir à l'intérim après un PSE. Pas sûr, toutefois, que ces revendications soient jugées très opportunes par les syndicats.