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Les pratiques

Allemagne Les hard discounters réduisent aussi la représentation syndicale

Les pratiques | publié le : 02.06.2009 |

Au pays de la cogestion, les grandes chaînes de distribution discount s'efforcent depuis des années d'empêcher l'élection de comités d'établissement. Avec succès. Le syndicat des services Ver.di est impuissant.

La guerre des enseignes du hard discount allemand contre la représentation des salariés fait rage. Deux affaires portées en justice ces derniers mois illustrent la difficulté des salariés de ces entreprises à se syndiquer, et la relative impuissance du grand syndicat allemand des services Ver.di.

Le 19 mars dernier, le syndicat a porté plainte auprès du parquet d'Ulm contre la chaîne de droguerie Müller, l'accusant d'avoir cherché à empêcher la tenue d'élections de CE par le biais de menaces. « La direction a clairement fait comprendre aux salariés qu'ils subiraient des conséquences financières s'ils participaient aux élections. Leurs primes ont d'abord été supprimées, puis le rabais dont ils bénéficiaient en tant que salariés », dénonce Rainer Dacke, en charge du commerce chez Ver.di, dans le sud de l'Allemagne.

Salariés indésirables

Selon le syndicaliste, la chaîne de droguerie a même sélectionné dans ses différents magasins tous les employés syndiqués ou « posant problème » et les a mutés dans un établissement qui a été vendu par la suite. « C'est une énorme «saloperie». Erwin Müller se comporte dans son groupe comme s'il s'agissait d'un salon de coiffure », s'emporte-t-il.

Un autre cas avait défrayé la chronique en janvier 2009. Une caissière de la chaîne de distribution Kaiser's, appelée Barbara E., avait été accusée d'avoir détourné un bon de consigne d'une valeur de 1,30 euro et licenciée sans préavis en dépit d'une ancienneté de trente et un ans. Fin février, le tribunal du travail du Land de Berlin avait donné raison à la direction et soulevé, ainsi, un débat national sur la légitimité de tels arrêts. Le jugement avait été qualifié de « barbare » par l'ancien président social-démocrate du Bundestag, Wolfgang Thierse. Selon les syndicats, l'histoire de Barbara E. ne fait aucun doute. La direction a mis en scène un vol pour se débarrasser d'une employée syndiquée.

Une grande opacité

Les barons du hard discount, les frères Karl et Theo Albrecht (Aldi), Dieter Schwarz (Lidl), Anton Schlecker (chaîne de droguerie Schlecker), Erwin Müller (chaîne de droguerie Müller)..., ont de nombreux points communs. Ils ont bâti des empires commerciaux au succès phénoménal, sont milliardaires, ils cultivent le secret sur leurs résultats, ne donnent jamais d'interview et font tout leur possible pour écarter une représentation des salariés digne de ce nom. Ainsi, au pays de la cogestion, seule la chaîne de hard discount Penny, appartenant au groupe de distribution Rewe, dispose, selon le syndicat des services Ver.di, d'un comité d'établissement d'ampleur nationale. Lidl, quant à lui, en possède une dizaine alors qu'il compte plusieurs milliers d'établissements. Et les autres en sont tout simplement dépourvus.

Peur d'éventuelles représailles

La loi sur la cogestion de 1952, plusieurs fois modifiée, prévoit certes l'installation d'un CE dans tous les établissements du secteur privé ayant au moins 5 salariés. « Mais ce n'est pas une obligation. Les salariés doivent organiser des élections pour désigner leurs représentants », précise Rainer Dacke. Et c'est là que le bât blesse. Car les salariés des hard discounters n'osent pas organiser de telles élections de peur d'éventuelles représailles.

« Cela s'explique par la structure du personnel. La plupart des salariés n'ont pas fait d'études. Il s'agit souvent de femmes célibataires qui ont très peur de perdre leur emploi. On leur demande, par ailleurs, une extrême flexibilité en termes d'horaires, ce qui les empêche d'avoir, à côté, un deuxième emploi. Du coup, la solidarité entre elles est extrêmement faible », regrette Rainer Dacke. Selon lui, seuls 15 % des salariés du secteur du commerce sont syndiqués, dans le sud de l'Allemagne, contre des taux de l'ordre de 90 % dans la métallurgie.