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Tout reste à faire

Enquête | publié le : 02.06.2009 |

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Tout reste à faire

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Abonnés aux emplois précaires, les jeunes sont en première ligne lorsque le marché du travail se retourne. Le gouvernement a compris l'urgence de la situation. Mais, si les mesures annoncées règlent l'urgence conjoncturelle, le problème de fond reste entier.

L'été s'annonce meurtrier : pour des centaines de milliers de jeunes - 600 000 exactement - qui arriveront sur le marché du travail fin juin, les perspectives sont particulièrement moroses : les intentions d'embauche, permanentes ou temporaires, devraient chuter en France de 23,8 % cette année et tomber pour la première fois sous la barre du million, selon l'enquête annuelle sur les besoins de main-d'oeuvre de Pôle emploi. Et seule une intention d'embauche sur dix devrait permettre à un jeune de décrocher son premier emploi.

Conscient des difficultés qui se profilent, le gouvernement a tenté de prendre le problème à bras-le-corps. En présentant son plan pour l'emploi des jeunes, le 24 avril, Nicolas Sarkozy a mis l'accent sur les primes à l'embauche rapide et les mesures favorisant l'alternance, avec, à la clé, des exonérations de charges sociales. Au total, 1,3 milliard d'euros seront investis.

Prime aux entreprises

Dans la foulée, le plan d'action de Yazid Sabeg pour la diversité et l'égalité des chances fait la part belle au crédit d'impôt et propose une prime de 1000 euros pour les entreprises recourant aux contrats de professionalisation. Il suggère même que ces contrats d'apprentissage et de professionnalisation se transforment en CDI. Jean-François Pilliard, délégué général de l'UIMM, a, lui aussi, été mis à contribution. Le numéro un de la métallurgie a planché sur le développement des contrats pros, actuellement en perte de vitesse.

Mesures suffisantes ? « L'urgence a un peu faussé le débat, indique un porte-parole du gouvernement. C'est pourquoi nous nous orientons vers des réponses conjoncturelles. Et nous allons vers ce que l'on sait faire. »

Un type de formation moins coûteux

La Chambre syndicale des organismes de formation en alternance (CSOFA), qui revendique 70 % à 80 % de l'activité du secteur, se dit satisfaite de ces remèdes. « Primo, indique Xavier Baud, porte-parole de la CSOFA, l'alternance est le système de formation le moins coûteux pour la collectivité : il est 2,5 fois moins cher qu'un cursus effectué par un jeune en première année universitaire. Secundo, le taux d'insertion professionnelle est satisfaisant : 27 mois après l'obtention de leur diplôme, 85 % ont un emploi durable, dont 58 % un CDI. Enfin, selon un sondage réalisé par TNS-Sofres pour la CSOFA, les jeunes plébiscitent les formations en alternance. Près de 95 % de ceux interrogés jugent la formule « efficace » ou « plutôt efficace ».

Mais, pour Agnès Naton, responsable des questions de précarité et de pauvreté à la CGT, ce plan pêche par le manque de contreparties : « Aucune garantie d'emploi n'est demandée aux entreprises en échange des exonérations de charges sociales. » Soit, au total, 20 milliards d'euros, chaque année, uniquement pour les jeunes.

Les exclus du système

Florence Lefresne, économiste à l'Institut de recherches économiques et sociales (Ires), voit, elle aussi, plusieurs points noirs. « Si l'alternance constitue une voie importante d'accès à l'emploi, explique-t-elle, le principal problème de l'apprentissage est celui des ruptures de contrats, soit un sur quatre. Pour les contrats de professionnalisation, les employeurs semblent se détourner des publics non qualifiés, qui restent les exclus du système : en effet, 68 % des titulaires d'un contrat de professionalisation ont au moins le bac... » Rien n'est fait pour les exclus du dispositif. D'ailleurs, pour cette économiste, ces contrats fonctionnement mal en période de crise. « On ne règle pas tout avec des incitations financières. Les entreprises ne recrutent pas lorsque le carnet de commandes est vide. » Une issue serait, pour elle, le secteur non marchand. « Mais on se heurte, ici, à un problème de financement. »

Problème de fond

Il n'empêche. Si le plan Sarkozy peut apparaître comme un remède nécessaire, vu la vitesse à laquelle le marché du travail se dégrade, il ne doit pas masquer le problème de fond : la crise n'explique pas en intégralité le chômage des jeunes. Un constat pointé du doigt par l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), le 20 mai, qui épingle une nouvelle fois la France pour sa gestion de l'emploi des jeunes. Avec un taux de chômage des 15-24 ans de 18 %, l'Hexagone se situe, en effet, 7 points au-dessus de la moyenne des autres pays riches et décroche la 23e place du classement (sur 30). Triste record.

Sans qualification

L'organisation, qui réunit les 30 pays les plus riches, relève, en fait, deux problèmes de fond. Tout d'abord, la France compte un nombre important de jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme (11 % des 15-24 ans), dont un grand nombre de jeunes issus de l'immigration. Ensuite, l'OCDE note, parmi les spécificités françaises, une transition difficile de l'école vers le monde du travail, qui pénalise, cette fois, des jeunes diplômés, souvent issus de l'université. Ces derniers mettent beaucoup de temps à se stabiliser, enchaînant les emplois temporaires et les périodes de chômage.

D'ailleurs, le CDD semble de moins en moins un tremplin rapide vers l'emploi stable. En 2005-2006, seuls 16 % des 15-24 ans en CDD sont en CDI un an après, contre 45 % dix ans auparavant.

Face à ces critiques, le gouvernement réagit. Pour Laurent Wauquiez, « le défi, c'est la situation d'urgence dans laquelle nous sommes pour la rentrée et les difficultés structurelles du problème d'insertion des jeunes sur le marché de l'emploi. Mais la crise ne doit pas servir d'alibi ». De son côté, Martin Hirsch, le Haut commissaire à la Jeunesse, reconnaît que le plan d'urgence n'est pas un « plan pour solde de tout compte ». « C'est un plan pour faire en sorte que la génération de cette année ne soit pas sacrifiée. » Il y aura, dans un deuxième temps, des mesures beaucoup plus profondes pour les jeunes, préparées par la commission qu'il pilote, installée le 9 mars. Un livre vert de propositions devrait sortir mi-juin. D'ores et déjà, plusieurs objectifs ont été fixés dans la première mouture : atteindre un taux de chômage en dessous de la moyenne européenne, ne laisser aucun jeune sans emploi et sans formation, réduire à moins d'un quart le nombre de jeunes en décrochage scolaire ou universitaire, réduire le délai moyen entre la sortie de formation et l'emploi en CDI à un an pour tous les jeunes... Reste à trouver le mode d'emploi. En somme, trente ans après les premières mesures jeunes, tout reste à faire...

L'essentiel

1 Le plan de Nicolas Sarkozy a mis l'accent sur les primes à l'embauche rapide et les mesures favorisant l'alternance, avec, à la clé, des exonérations de charges sociales.

2 Mais l'urgence a un peu faussé le débat. Il s'agit avant tout de réponses conjoncturelles : 600 000 jeunes arriveront sur le marché du travail fin juin.

3 Les problèmes de fond demeurent : un nombre important de jeunes sortent du système scolaire sans diplôme, et une transition difficile de l'école vers l'emploi, qui pénalise, cette fois, des jeunes diplômés.

Les mesures du plan Sarkozy

- Alternance Contrat de professionnalisation : l'objectif est de passer à 170 000 entre le 1er juin 2009 et le 1er juin 2010 (145 000 contrats signés en 2008). Jusqu'à cette date, l'employeur percevra une prime de 1 000 euros (2 000 euros pour un jeune n'ayant pas le niveau bac).

Contrat d'apprentissage : 35 000 contrats supplémentaires sont attendus entre le 1er juin 2009 et le 1er juin 2010 (285 000 jeunes sont entrés en apprentissage en 2008). L'embauche d'un apprenti donne notamment droit à une indemnité annuelle d'au moins 1 000 euros. Cette indemnité est portée à 1 800 euros dans les PME de moins de 50 salariés jusqu'au 30 juin 2010. Les entreprises seront totalement exonérées de cotisations patronales et salariales, sauf au titre des accidents du travail. Jusqu'ici, seules les entreprises de moins de 10 salariés en bénéficiaient.

- Contrat initiative emploi 50 000 CIE supplémentaires ont été budgétés en 2009, soit un doublement du nombre de contrats.

- Stages L'Elysée a décidé d'imposer une gratification des stages de deux mois (au lieu de trois), mesure applicable immédiatement dans la fonction publique. Par ailleurs, toute entreprise embauchant un stagiaire en CDI avant la fin septembre 2009 bénéficiera d'une prime de 3 000 euros.