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Enquête

La formation par alternance face à la crise

Enquête | publié le : 02.06.2009 |

La situation sur le marché allemand de l'apprentissage s'est nettement améliorée depuis 2007. Mais la crise économique place le système de formation par alternance devant de nouveaux défis.

Le 12 mai dernier, pas moins de cinq fédérations patronales et trois ministères allemands ont lancé un appel pressant aux entreprises du pays. « L'apprentissage est un bon investissement - même en temps de crise », ont martelé les signataires, rappelant que de moins en moins de jeunes brigueraient, à l'avenir, un poste d'apprentissage à cause du recul démographique. « C'est pourquoi les entreprises doivent former, dès cette année, le personnel qualifié de demain, dont elles auront besoin lors de la prochaine reprise », ont exhorté les auteurs, invitant les entreprises à créer le plus de postes d'apprentissage possibles en dépit de la crise, « dans l'intérêt des jeunes, mais également dans leur propre intérêt ».

Moins d'apprentis formés

Cet appel est lié à un sondage effectué, en mars dernier, par la chambre de commerce et d'industrie allemande (DIHK) auprès de ses membres, révélant qu'avec la crise, 27 % des entreprises pensaient, cette année, former moins d'apprentis. « Cette année représentera un défi important pour le marché de l'apprentissage », a mis en garde le président du DIHK, Martin Wansleben. « Je suis très préoccupé. Chacun devrait s'inquiéter du recul de la volonté des entreprises de former des apprentis », a confié, dans une interview, Olaf Scholz, ministre des Affaires sociales et du Travail.

Deux tiers des jeunes concernés

Car le fameux système allemand de formation par alternance, qui combine pendant deux ou trois ans une formation sur le lieu de travail et un enseignement théorique dans une école professionnelle, fait l'objet de toute la fierté des Allemands. Chaque année, environ deux tiers des jeunes d'une classe d'âge entrent par ce biais dans la vie active.

Selon l'Institut de recherche sur le marché de l'emploi IAB, environ 60 % des apprentis sont embauchés chaque année à l'issue de leur formation par leur entreprise pour des salaires mensuels brut oscillant entre 1 350 et 1 510 euros pour les hommes, et entre 1 230 et 1 320 euros pour les femmes. Cette formation, qui jouit d'une très bonne réputation, demeure l'instrument de lutte le plus efficace contre le chômage des jeunes (7 % en 2008). En 2007, l'Allemagne comptait 1,8 million d'apprentis.

Marquée par une forte pénurie récurrente de places d'apprentissage, la situation sur ce marché n'avait cessé de s'améliorer depuis 2006. Véritable sensation, le gouvernement fédéral avait annoncé, au lendemain de la clôture de l'année d'apprentissage 2007-2008, le 30 septembre 2008, que, pour la première fois depuis 2001, l'offre de places d'apprentissage avait été légèrement supérieure à la demande. Dans son Rapport 2009 sur l'apprentissage, publié le 1er avril dernier, le gouvernement avait pu dresser un bilan positif.

Recul de la demande

Ainsi, selon ce rapport, 616 259 nouveaux contrats d'apprentissage ont été conclus du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2008, soit un recul de 1,5 % par rapport à 2007. Mais le nombre de candidats a plus fortement reculé que celui des postes à pourvoir. Ainsi, fin septembre, il restait encore 19 507 postes vacants pour 14 500 candidats. Un an auparavant, ils étaient encore 30 000 jeunes à chercher une place. Différents facteurs expliquent cette embellie : la forte croissance jusqu'à l'automne 2008, les efforts conjugués du gouvernement et des entreprises dans le cadre du «Pacte pour l'apprentissage», mais aussi, et surtout, l'arrivée des générations nées après la réunification allemande, période marquée par un très fort recul du taux de natalité. Cette évolution démographique est particulièrement prononcée dans les Länder est-allemands, où le nombre de candidats a reculé de 26 % contre 12 % à l'Ouest.

Les carences du système

Mais le Rapport 2009 sur l'apprentissage pointe, également, les carences du système de formation par alternance. Il rappelle que les jeunes issus de l'immigration, ceux ayant quitté l'école sans diplôme (soit 8 % à l'Ouest) ou avec de mauvais résultats n'ont quasiment aucune chance de trouver une place d'apprentissage. Plus de 80 000 jeunes ont dû accepter, en 2008, des solutions alternatives (stages, formations...) souvent considérées comme des «voies de garage».

Au total, environ 300 000 jeunes cherchent un poste depuis une ou plusieurs années et ne figurent plus dans les statistiques annuelles. Pour aider ces candidats (Altbewerber), le gouvernement a créé différents instruments, dont un système de bonus entré en vigueur en octobre 2008. Les entreprises offrant une place d'apprentissage à l'un d'eux peuvent bénéficier d'un bonus allant jusqu'à 6 000 euros. Mais, censée déboucher sur la création de 100 000 nouveaux postes d'ici à 2010, cette mesure, jusqu'à présent, n'a permis la signature que de 13 000 nouveaux contrats. Un autre projet pilote a été lancé, en février, dans 1 000 écoles : les élèves en difficulté scolaire seront secondés par des experts dès le début de leur recherche d'un poste d'apprentissage.

Mesures insuffisantes

Selon la Confédération syndicale allemande (DGB), ces mesures ne suffisent pas, car les problèmes structurels du système risquent d'être amplifiés par la crise. Ainsi, à l'occasion de la «Journée de l'apprentissage», le 14 mai, le DGB a exhorté les entreprises à tenir leur engagement et à « garantir » un poste d'apprentissage à tous les jeunes cherchant une place. « Les apprentis ne doivent pas être les perdants de la crise économique et financière », a mis en garde Ingrid Sehrbrock, vice-présidente du DGB.

A cet égard, le DGB souhaite que l'Etat verse une prime de 250 euros par mois, pendant une période transitoire, aux entreprises embauchant des apprentis ayant perdu leur poste à la suite de la faillite de leur employeur. La Confédération syndicale plaide également pour l'instauration d'un « fonds pour l'apprentissage » (Ausbildungsumlage). Alimenté par les entreprises ne formant pas d'apprentis, celui-ci viendrait en aide à celles qui en emploient. Un concept rejeté en bloc par le patronat.