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« Le management «agile» doit réconcilier efficacité et quête de sens »

Enjeux | Plus loin avec | publié le : 19.05.2009 |

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« Le management «agile» doit réconcilier efficacité et quête de sens »

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La crise économique actuelle contraint les entreprises à repenser leur mode opératoire. Le management agile vise à valoriser l'efficience, à donner aux salariés un sens commun à leur travail et, par là, à améliorer la productivité.

E & C : Selon vous, les entreprises ne peuvent échapper à la révolution de l'agilité, au management agile. Pouvez-vous préciser ce concept ? En quoi est-il pertinent dans le contexte actuel ?

Jérôme Barrand : Notre société est en pleine mutation. Elle est en proie à des changements structurels forts et ne peut continuer à fonctionner sur les seuls principes établis depuis la première révolution industrielle et portés, depuis, par le taylorisme. Ces changements sont connus : émergence de la société de l'information, mondialisation, saturation accélérée des marchés, turbulence permanente de l'environnement politique, économique, écologique, technologique ou réglementaire... La performance immédiate et quantitative n'a pas d'autre choix que de s'effacer devant une logique pérenne et qualitative. Les problématiques de maximum - taille, chiffre d'affaires, rentabilité - doivent progressivement être remplacées par des logiques d'optimum - multicritères et multiacteurs -, qui caractérisent l'agilité.

Mais, attention aux contresens : de nombreux dirigeants d'entreprise évoquent très souvent un «besoin d'agilité». La plupart du temps, ils l'envisagent en tant qu'hyperflexibilité, soit une baisse de la règle administrative ou de la contrainte légale. Le concept auquel j'adhère se situe aux antipodes.

E & C : Les entreprises en sont-elles si convaincues ? La démarche d'agilité ne ressemble-t-elle pas à une forme d'utopie ?

J. B. : Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à tenir compte de ce vaste bouleversement sociétal. Elles sont contraintes d'intégrer cette agilité qui n'est autre qu'une perpétuelle recherche d'équilibre entre une dimension active - faire et prouver que l'on sait faire - ; réactive - être opportuniste face aux changements observés - ; et proactive - la création de valeur. Chacun, dans l'entreprise, doit savoir reconnaître et analyser dans l'instant la moindre situation et adopter spontanément le bon fonctionnement.

L'agilité ne saurait donc être un état stable et définitif, mais une propension, une aptitude, un cadre général, à maintenir et à alimenter constamment. Il s'agit d'une capacité à bouger et non pas simplement à innover à tout prix, ce qui pourrait représenter une sorte de fuite en avant. Bien souvent, de vieilles recettes peuvent redevenir pertinentes. A l'exemple du constructeur Renault qui, avec la Twingo, en 1992-1993, est revenu à un modèle de voiture standardisée, avec peu de versions et d'options, à mille lieues de ce que les constructeurs traditionnels produisaient à l'époque.

E & C : Comment, en termes de RH et management, cette agilité doit-elle se décliner ?

J. B. : Un management agile est un management qui s'affranchit de la gestion RH froide, quantitative, désincarnée, au profit d'une approche «chaude» et qualitative. Le DRH «agile» doit s'approprier la notion de sens, les valeurs de l'agilité et les porter dans l'entreprise. A la traditionnelle «gestion» des ressources humaines, qui consiste à attirer des candidats, à les recruter puis à les licencier le cas échéant, se substitue le «management» agile des RH. Il vise un véritable partage de pratiques managériales, par exemple en exigeant la mise en oeuvre des méthodes ou des comportements appris en formation ou bien en transformant les critères d'évaluation. Le résultat ? Un partage de valeurs comportementales qui facilite les relations et participe à fluidifier les processus. Ce nouveau type d'approche se met en place progressivement. Cela se traduit, notamment, par l'apparition de nouvelles fonctions dont la mission est la transformation culturelle et managériale des entreprises, à l'image de l'émergence, il y a quelques années, au sein du groupe Danone, de la «networking attitude». Il s'agit, concrètement, d'une dynamique d'échange de bonnes pratiques entre les managers d'une filiale à l'autre, sans nécessairement passer par les circuits hiérarchiques classiques.

E & C : Connaissez-vous d'autres exemples dans ce domaine ?

J. B. : La Caisse d'épargne Rhône-Alpes a créé une direction de l'accompagnement managérial, à côté de la DRH. Objectif : suivre les managers dans des pratiques communes afin qu'ils contribuent à une création de valeur qui allie éthique et efficacité. Autre exemple en entreprise : après un team-building au sein d'un comité de direction, où il était demandé à chacun de se «lâcher» en évoquant de manière franche les rapports entretenus avec ses collègues, nous avons fait émerger une plus grande fluidité dans les comportements.

E & C : En quoi consistent les diagnostics d'agilité que vous préconisez ?

J. B. : Le diagnostic d'agilité revient à interviewer un échantillon de personnes afin d'analyser l'adhésion aux principes de l'agilité, les comportements des collaborateurs, les pratiques organisationnelles et informationnelles des entreprises. Par exemple, dans quelle mesure les salariés stockent-ils ou non les informations clés, pratiquent de la rétention et, donc, partant, bloquent le système ? Par ailleurs, nous analysons les systèmes de décision ou les processus d'évaluation... Une organisation efficiente dans laquelle les employés trouvent du sens - commun et particulier - a pour effet, en principe, de décupler la productivité et la créativité de l'entreprise.

PARCOURS

• Jérôme Barrand, docteur en génie industriel, est professeur à Grenoble Ecole de management.

• En 2005, il crée l'Institut d'agilité des organisations (IAO) au sein de Grenoble Ecole de management et réalise des missions en agilité auprès de grands groupes.

• Il est l'auteur du Manager agile (Dunod, 2006), pour lequel il a obtenu le Prix Mutations et Travail 2007.

LECTURES

L'intelligence collective en action, Vincent Lenhardt et Philippe Bernard, Pearson Village Mondial, 2009 (2e édition).

La transformance : une stratégie de mise en action des hommes et des organisations, Laurent Buratti et Vincent Lenhardt, InterEditions, 2009.

Le macroscope, Joël de Rosnay, Points Essais, 1977.