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Enquête

« Une course de fond, pas un sprint »

Enquête | publié le : 12.05.2009 |

En 2004, Dassault Systèmes a signé, avec ses partenaires sociaux et la DDTEFP, son premier accord d'insertion de travailleurs handicapés. Cependant, l'entreprise se heurte au manque de demandeurs d'emploi handicapés très qualifiés.

« La présence de collaborateurs handicapés dans l'entreprise et la volonté partagée de la direction et des partenaires sociaux nous ont poussés, en 2004, dans la voie de l'accord d'entreprise », explique Marie-Noëlle Bordier, responsable de la mission handicap de Dassault Systèmes, entreprise employant 2 200 personnes à Vélizy (78). Aujourd'hui, l'entreprise s'oriente vers la signature de son troisième accord, dont les négociations devraient s'engager en septembre prochain. Mais, au problème récurrent de pénurie de candidats handicapés hautement qualifiés, s'ajoutent, désormais, les difficultés conjoncturelles mondiales et les incertitudes sur les embauches.

Un bassin d'emploi très concurrentiel

En termes de bilan, cette politique se traduit par l'emploi, aujourd'hui, de 19 salariés handicapés (dont 9 en handicap lourd), contre 6 en 2004. Ce qui donne un taux d'emploi de 1,43 % fin 2008. C'est moins bien que IBM, qui affiche un taux de 3,5 %, mais bien mieux que la moyenne des entreprises du secteur informatique, qui stagnent à 0,58 % (lire p.26), selon une étude du cabinet Ariane Conseil (qui, par ailleurs, assiste Dassault Systèmes dans la construction de sa politique). Comme nombre d'entreprises, Dassault Systèmes est confrontée à la pénurie de demandeurs d'emploi handicapés qualifiés : 85 % de ceux-ci ont un niveau de formation inférieur ou égal au bac alors que Dassault Systèmes, société de haute technologie, compte 90 % d'ingénieurs et de bac +5.

En outre, le bassin d'emploi francilien est très concurrentiel : les entreprises y sont nombreuses à rechercher des candidats handicapés. « Il n'y a pas de recette miracle, explique Marie-Noëlle Bordier. La mission handicap est présente sur des sites de recrutement, travaille avec des associations spécialisées, communique auprès des grandes écoles et des écoles d'ingénieurs... Et, quand l'entreprise recrute des candidats compétents, elle s'investit pour rendre leur cadre de travail optimal. Ainsi, en 2006, nous avons recruté un ingénieur de développement déficient visuel. Dans le mois suivant son intégration, Dassault Systèmes a fait l'acquisition, notamment, d'un vidéo-agrandisseur lui permettant de compenser son handicap. »

Les objectifs de recrutement sont, malgré tout, réalistes et relativement modestes : 7 recrutements pour l'accord 2005-2007 et 10 pour celui de 2008-2010. « Nos partenaires sociaux et la DDTE sont d'ailleurs bien conscients des difficultés que nous rencontrons pour recruter des profils qualifiés. »

Des objectifs réalistes

La formation professionnelle est une des clés de voûte de la politique handicap de Dassault Systèmes. La société propose à des étudiants et à des demandeurs d'emploi de suivre gratuitement une formation à l'utilisation de logiciels de conception virtuelle de produits (Catia et 3D). « Ce dispositif associe plusieurs modes de formation - distance, tutoré et autoformation - et permet aux stagiaires d'acquérir les compétences liées à de nouveaux médias informatiques intégrant des représentations en 3D dans des documents bureautiques ou sur Internet », précise Marie-Noëlle Bordier. Ces formations, prises en charge par la mission handicap et animées par des équipes Dassault Systèmes, ouvrent des opportunités d'emploi aux stagiaires. Ainsi, sur 51 d'entre eux, formés en 2007 et 2008, 19 sont aujourd'hui en entreprise et 16 se sont engagés dans une formation complémentaire. « Même si tous les stagiaires ne sont pas encore entrés dans la vie active, Dassault Systèmes est au coeur de la finalité de la loi : rendre l'emploi accessible aux personnes handicapées. »

Contrats en alternance

« Nos plus beaux recrutements font souvent suite à des contrats en alternance, durant lesquels le collaborateur handicapé développe ses compétences, poursuit Marie-Noëlle Bordier. C'est dans cette logique qu'ont été recrutées, entre 2005 et 2008, trois personnes - deux atteintes de surdité et une ayant subi un traumatisme crânien lors d'un accident - que nous avons fait passer du niveau licence à celui d'ingénieur bac+5. Mais, aujourd'hui, nous ne trouvons même plus d'apprentis handicapés bac+3 : la concurrence est rude et peu d'entre eux s'orientent vers le secteur technologique. Nous avons cependant, cette année, une apprentie en RH. »

Formations diversifiées

Une des pistes à creuser pourrait être la constitution d'un groupement d'entreprises réunies sur un même lieu géographique pour offrir une palette de formations diversifiées. « Ce n'est pas très évident à construire, mais nous avons déjà développé des actions de formation avec le secteur protégé, comme, par exemple, avec le centre de rééducation et préformation multimétiers Auxilia, qui forme à la bureautique, à l'accueil... »

Au final, Marie-Noëlle Bordier assure « qu'une politique handicap est une réussite quand elle fait partie d'un projet d'entreprise et d'une véritable démarche de changement. Il ne faut pas rechercher des résultats instantanés : l'emploi de personnes handicapées est une course de fond, pas un sprint. Nous sommes loin d'une logique «one shot». Le budget annuel de la mission handicap de Dassault Systèmes est de 300 000 euros, mais c'est hors valorisation du temps passé par les managers et les équipes. Or, pour réussir, il faut du temps ».

DASSAULT SYSTÈMES

• Activité : éditeur mondial de solutions logicielles 3D.

• Effectifs mondiaux : 7 875 collaborateurs répartis dans 27 pays.

• Chiffre d'affaires 2008 : 1,34 milliard d'euros.

Airbus invalidé

Le 26 octobre 2007, Airbus signait un accord en faveur de l'emploi et de l'insertion des personnes handicapées, pour une période de trois ans, avec l'ensemble des syndicats représentés dans l'entreprise. La société s'engageait à embaucher en CDI un nombre de travailleurs handicapés équivalant à 1,5 % des recrutements extérieurs en CDI autorisés, avec un minimum de cinq personnes handicapées par an. Adaptation des conditions et procédures de recrutement, accessibilité du lieu de recrutement, traduction éventuelle en langue des signes, adaptation des tests de recrutement, mise en place d'un réseau spécifique de partenariats, accueil de jeunes handicapés dans les deux lycées professionnels existant au sein d'Airbus.

Etaient également prévus : une garantie d'accès à la formation professionnelle continue, un parcours d'intégration individualisé et l'aide d'un salarié volontaire.

Budget prévisionnel de ces actions : plus de 3,2 millions d'euros sur trois ans. Si le budget utilisé au 31 décembre 2010 était inférieur à la contribution que l'entreprise devait verser à l'Agefiph, un rattrapage devait être réalisé auprès de l'association.

Que s'est-il passé depuis ? « L'accord sur l'intégration de personnes handicapées n'a pas été validé par la Direction du travail et de l'emploi, et en raison du plan Power 8 de restructuration, intervenu en 2007 chez Airbus, et du plan de sauvegarde de l'emploi, cet accord a été mis en sommeil », nous a-t-on répondu chez l'avionneur.