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Elections professionnelles : Premiers retours d'expérience

Enquête | publié le : 28.04.2009 |

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Elections professionnelles : Premiers retours d'expérience

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Huit mois après la réforme des élections professionnelles, premier bilan. Côté face : le verdict des urnes n'est pas contesté, le paysage syndical se simplifie et les employeurs semblent accepter les nouvelles implantations syndicales. Côté pile : des incertitudes sur les salariés mis à disposition. Deux chantiers sont en cours : la mesure de l'audience syndicale dans les TPE et la création d'un outil de recueil des résultats dans toutes les entreprises.

Elections professionnelles : J + 8 mois. La loi du 20 août 2008 rénovant la démocratie sociale n'a bien sûr pas inventé les élections professionnelles, mais elle les a enrichies de trois innovations suffisamment importantes pour qu'on distingue un avant et un après la loi. Ces élections servent à mesurer l'audience des syndicats, qui est désormais la condition de leur représentativité (10 %). Le premier tour est ouvert à des organisations syndicales qui ne sont pas encore représentatives. Enfin, la loi réforme les règles relatives au vote des salariés mis à disposition d'entreprises utilisatrices.

Ces innovations ont suscité, et suscitent encore, beaucoup d'interrogations. Les entreprises seraient-elles en mesure de créer les conditions pour obtenir des résultats fiables ? Compte tenu de l'importance vitale pour les syndicats d'obtenir ces 10 %, les résultats des élections ne peuvent souffrir de contestations.

Des DRH attendus

Les DRH étaient attendus sur ce dossier. Eux-mêmes attendaient de voir à quoi ressemblerait le paysage syndical de leur entreprise une fois passées les élections. D'un côté, le seuil des 10 % devait «éliminer» certains syndicats, de l'autre, l'ouverture du premier tour pouvait les multiplier. Dès lors, perdraient-ils leurs interlocuteurs habituels ? De nouveaux syndicats s'implanteraient-ils ? Le paysage syndical s'émietterait-il ou, au contraire, se simplifierait-il ? Enfin, les nouvelles règles concernant les salariés mis à disposition posent des questions de fond sur la communauté de travail, mais aussi des questions très pratiques de mise en oeuvre. Ils doivent désormais choisir de voter soit chez leur employeur, soit dans l'entreprise utilisatrice ; auparavant, ils pouvaient voter deux fois. Mais qui, de l'entreprise utilisatrice ou de l'entreprise employeuse, est responsable du recueil de leur souhait ?

Premiers constats

Huit mois après l'entrée en vigueur de la loi, il est encore trop tôt pour tirer un bilan définitif de ces élections «nouvelle formule». Les premiers retours d'expériences d'entreprises et les premiers jugements des tribunaux permettent cependant de faire quelques constats. Dans les entreprises que nous avons interrogées, le scrutin s'est déroulé normalement. Ni les directions ni les syndicats n'ont fait état de dysfonctionnements particuliers, y compris lorsque le vote était électronique. Les résultats n'ont donc pas été contestés sur ce point. En outre, le taux de participation a été assez élevé : plus de 70 %. Ce qui légitimise les accords à venir - objectif principal de la loi - et contribue sans doute à stabiliser le paysage syndical, en augmentant le prix du «ticket d'entrée» dans le club des représentatifs.

Fair-play

D'une manière générale, les syndicats recalés semblent plutôt bien accepter le verdict des urnes. Exception, FO à la SNCF : le syndicat, qui a obtenu 7,98 % sur le plan national, a décidé de lancer une pétition pour « dénoncer l'exclusion, dans les négociations nationales, de 13,4 % des votants aux dernières élections professionnelles ». Ce chiffre est le cumul des voix des trois syndicats exclus de la représentativité nationale : FO, CFE-CGC et CFTC. Comme il fallait s'y attendre, la loi du 20 août - dont c'était l'un des objectifs inavoués- a donc réduit le nombre de syndicats représentatifs. Malgré des alliances de circonstance, il n'en reste plus que quatre à la SNCF sur le plan national (CGT, Unsa, Sud et CFDT) ; deux chez Eutelsat (CFE-CGC et CGT) ; quatre à La Banque Postale (CFDT, CFE-CGC, FO et CGT) ; et quatre chez Setra Veolia 77 (Unsa, CFDT, CFTC et FO).

Pour autant, les syndicats non représentatifs ne disparaissent pas du paysage, loin s'en faut. A la SNCF, FO et la CFTC perdent leur représentativité nationale, mais conservent une représentativité régionale. Chez Eutelsat, FO et la CFTC perdent aussi leur représentativité, mais gardent des moyens de communication. Le DRH de cette entreprise n'exclut pas de tenir compte de leurs positions, même s'ils n'ont plus la signature. D'une manière générale, les DRH semblent plutôt enclins à ne pas enfoncer davantage les syndicats exclus du club des représentatifs. Ainsi, chez Nexter, un accord de droit syndical, signé fin 2008, envisage de donner une représentation centrale et des moyens aux syndicats n'ayant pas obtenu 10 % aux prochaines élections.

Nouveau syndicat

Une seule des entreprises (Setra Veolia) que nous avons rencontrées a été confrontée à l'implantation d'un nouveau syndicat, l'Unsa. Après désignation de son responsable de section syndicale (RSS), la direction a simplement demandé à vérifier que le syndicat avait plusieurs adhérents dans l'entreprise, puis l'Unsa a présenté ses listes et obtenu 40 % des suffrages (lire p. 26). Pour autant, toutes les directions d'entreprise jouent-elles le jeu ? Difficile à dire. L'Unsa Magazine d'avril 2009 se réjouissait de remplacer sa rubrique sur les discriminations dont ses syndicats étaient victimes par une autre sur la constitution de sections syndicales. D'un autre côté, les premiers contentieux sur la désignation de RSS commencent à arriver devant les tribunaux...

Le décompte, le vote et l'éligibilité des salariés mis à disposition dans une entreprise utilisatrice suscitent actuellement un débat à deux niveaux. Sur le fond, des juristes, comme Henri-José Legrand ou Paul-Henri Antonmattei, respectivement avocat* et professeur à la faculté de droit de Montpellier, reprochent à la loi du 20 août d'avoir élargi à l'excès le périmètre de la communauté de travail. Ils pointent également les difficultés pratiques de mise en oeuvre, et en appellent au législateur**.

Droit d'option

Le cas de la SNCF (lire ci-contre) illustre ainsi la difficulté à faire respecter le droit d'option (vote chez l'employeur ou dans l'entreprise utilisatrice) dont bénéficient les salariés mis à disposition. Les entreprises et les syndicats n'ont pas besoin d'une nouvelle loi mais de sécurité juridique, leur répond en substance Jean-Denis Combrexelle, directeur général du travail (lire p. 29).

Deux chantiers devront impérativement être menés à leur terme pour que la loi puisse s'appliquer. Il faudra trouver une solution pour mesurer l'audience des syndicats dans les TPE, qui n'ont pas d'élections professionnelles. « Un système de représentativité ne peut pas faire l'économie de 4 millions de salariés », rappelle Jean-Denis Combrexelle. Question d'égalité devant la loi. Les premières discussions entre partenaires sociaux sur ce sujet ont débuté le 9 avril, et doivent aboutir au plus tard le 30 juin.

Enfin, il faudra créer l'outil de recueil et d'agrégation des résultats des élections qui servira à mesurer l'audience des syndicats dans les branches et l'interprofessionnel. Un chantier auquel vient de s'atteler le ministère.

*Egalement co-auteur, avec Gilles Bélier, de La négociation collective après la loi du 20 août 2008, éditions Liaisons, 2009.

**Lire, notamment, la Semaine sociale Lamy du 30/03/2009 sur < www.wk-rh.fr >, rubrique Entreprise & Carrières, «compléments d'articles».

L'essentiel

1 La loi du 20 août 2008 rénovant la démocratie sociale change substantiellement la finalité et les modalités d'organisation des élections professionnelles.

2 Les premiers retours d'expérience indiquent que les élections se sont globalement bien déroulées.

3 Il manque encore des outils pour stabiliser la mise en oeuvre du droit d'option pour les salariés mis à disposition ; mesurer l'audience syndicale dans les TPE ; et agréger les résultats dans les branches et l'interprofessionnel.

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