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Un gisement d'emplois à mieux exploiter

Enquête | publié le : 21.04.2009 |

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Un gisement d'emplois à mieux exploiter

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En conciliant flexibilité et sécurité, les groupements d'employeurs sont, en théorie, un outil pertinent contre la crise. Mais plusieurs adaptations sont encore nécessaires pour en faire un dispositif «idéal».

En totalité, 4 000 groupements d'employeurs (1)..., mais seulement 300 dans l'industrie et les services. A priori, si le concept s'est bien développé dans le monde agricole (3 600), il peine à trouver un écho favorable dans les autres secteurs d'activité. Or, les groupements sont scrutés avec attention par les politiques. Créées sous forme juridique associative, ces structures mettent à la disposition des employeurs, membres du groupement, des salariés dont ils n'ont besoin qu'à temps partiel ou seulement pour une partie de l'année. Chaque salarié travaille, ainsi, partiellement et successivement chez plusieurs membres du groupement et, en fin de compte, dispose d'un emploi à temps plein ou quasiment. Une façon de concilier flexibilité (pour les employeurs) et sécurité (pour les salariés).

Spécificité française

Selon Thomas Chaudron, auteur du rapport sur les «tiers employeurs», qui s'intéresse aux groupements d'employeurs, ce dispositif constitue une « spécificité française ». Il commence même à s'exporter en Belgique, en Allemagne et au Québec.

La réussite des groupements d'employeurs bute, toutefois, sur plusieurs problèmes. Le premier point noir du système concerne la solidarité financière : chaque membre est responsable du passif social (salaires et cotisations) des autres partenaires du groupement. Si l'un des membres est déclaré insolvable, c'est aux autres adhérents d'être solidaires. « Pour beaucoup de chefs d'entreprise, devoir assumer financièrement les errements d'un de leur pair - qu'ils ne connaissent pas forcément et avec lequel ils n'ont aucune relation commerciale - est un risque qu'ils refusent de prendre », note Thomas Chaudron.

Par ailleurs, à sa création, tout groupement d'employeurs doit se doter d'une convention collective. Dans le cas d'un groupement monosectoriel, le choix est simple. Mais dans celui de groupements multisectoriels, il est plus aléatoire : il existe un risque d'alignement sur les dispositions les moins favorables, les employeurs hésitant à accorder des garanties supérieures à celles qui sont en vigueur dans leur entreprise.

Problèmes identitaires

En outre, les personnels de ces groupements peinent à se considérer comme des «salariés à part entière». Marie-Françoise Mouriaux, chercheuse au Centre d'études de l'emploi (2), met en évidence ce problème identitaire : « Le salarié à temps partagé est pris dans un faisceau de liens multiples, reconfigurés au gré des maillages, sans lien collectif. » D'où un affaiblissement du sentiment « d'appartenance au groupe ».

Enfin, les groupements souffrent d'un déficit de gestion des RH. Ils se cantonnent, dans la plupart des cas, à répondre à des besoins de main-d'oeuvre à temps partiel sans se préoccuper de formation, de gestion des compétences, ou du respect de la vie personnelle par une planification à long terme des missions des salariés.

Lever les obstacles

Le 6 avril dernier, le député UMP Jean-Frédéric Poisson a déposé, à l'Assemblée nationale, un texte visant à lever les obstacles à la constitution des groupements d'employeurs. Il reprend les principales conclusions du rapport Chaudron. La proposition de loi suggère, ainsi, de supprimer une disposition du Code du travail qui prévoit qu'une personne ne puisse être membre de plus de deux de ces groupements, et d'élargir les possibilités d'adhésion aux collectivités territoriales. Par ailleurs, le texte propose que les garanties accordées aux salariés des groupements d'employeurs par les entreprises ou organismes de plus de 300 salariés soient définies par accord national interprofessionnel ou de branche. Parallèlement, l'obligation actuellement imposée aux entreprises de plus de 300 salariés de conclure un accord est abrogée.

Plus grande équité entre les membres

Les auteurs suggèrent, par ailleurs, de redéfinir la responsabilité des membres du groupement pour donner la possibilité aux adhérents de pondérer leur responsabilité en fonction des services qu'ils en retirent : ils souhaitent, ainsi, que la garantie de paiement aux créanciers (salariés ou organismes collecteurs), déjà présente dans le Code du travail, soit maintenue, mais en laissant la « possibilité d'une plus grande équité », par accord statutaire. Une première discussion de ce texte se tiendra en commission des Affaires sociales, le 13 mai prochain.

Pour quels résultats ? L'Union des groupements d'employeurs de France (Ugef) apprécie. Actuellement, 30 000 salariés sont employés par les groupements d'employeurs (dont 12 000 dans l'industrie et les services). Selon Hervé Sérieyx, vice-président de l'Ugef, le nombre de salariés concernés par ce dispositif pourrait être « dix fois supérieur ». Un filon que le gouvernement ne compte plus négliger.

(1) Dont 100 Geiq (Groupement d'employeurs pour l'insertion et la qualification), tous secteurs confondus.

(2) Groupements d'employeurs et portage salarial : salariés à tout prix ?, Connaissance de l'emploi, juillet 2005.

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