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« On va vers une dégradation de la qualité des emplois, plus courts et plus modelables »

Enquête | L'entretien avec | publié le : 21.04.2009 |

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« On va vers une dégradation de la qualité des emplois, plus courts et plus modelables »

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E & C : Quels sont, à votre avis, les points forts et les points faibles du rapport Chaudron ?

L. C.-L. : Le principal mérite de ce rapport est d'aborder de front la question des tiers employeurs, phénomène qui se développe de manière importante. Son point faible est de n'aborder que partiellement la question, en s'intéressant seulement à l'intérim, aux groupements d'employeurs, et au prêt de main-d'oeuvre qui constitue la «technique de fonctionnement» des tiers employeurs, toute la difficulté consistant à savoir si ce prêt s'effectue dans des conditions licites ou illicites.

Le rapport se cantonne à la lettre de mission proposée par Xavier Bertrand, ministre du Travail de l'époque, qui a malheureusement laissé de côté les autres tiers employeurs : associations intermédiaires, entreprises de travail à temps partagé, sociétés de portage, « couveuses d'activité »... qui ne méritaient pas moins d'attention au regard de l'objectif de création d'emplois. Le rapport passe sous silence, notamment, les couveuses d'activité qui offrent un temps de transition à de futurs entrepreneurs, sous statut salarié, pour mûrir leur idée d'entreprise et la tester.

Le rapport aurait pu, en revanche, faire le point sur les entreprises de travail à temps partagé, pour inviter à réfléchir à l'utilité de ce dispositif très critiquable issu de la loi Dutreil d'août 2005 en faveur des PME, qui a inutilement apporté de la complexité aux dispositifs existants, donné très peu de résultats, et dont l'abrogation est, selon nous, souhaitable.

Concernant le prêt de main-d'oeuvre, il est dommage que le rapport n'ait pas fait davantage la distinction entre les entreprises qui ont une véritable activité économique (SSII, par exemple) et pratiquent accessoirement le prêt de main-d'oeuvre (de façon licite ou illicite) et les structures qui ont été créées pour faire du prêt de main-d'oeuvre, qui font leur business de cette «activité» (agences d'intérim, sociétés de portage...). Cela aurait permis d'extraire celles qui rendent de vrais services en matière économique ou sociale. On peut, enfin, regretter que le rapport Chaudron n'ait pas posé plus clairement la question générale du statut des tiers employés.

E & C : Ces formes d'emploi atypiques peuvent-elles générer de l'emploi ?

L. C.-L. : Non, je ne le pense pas. Hormis les tiers employeurs qui répondent à des finalités précises comme les groupements d'employeurs, dont ceux pour l'insertion et la qualification, ou les couveuses et coopératives d'activité (favoriser la création d'entreprises), les autres répondent à une demande de flexibilité de la part des entreprises qui cherchent des formes d'emploi moins contraignantes que l'embauche directe. On est plus, dans ce cas, dans la gestion de l'emploi que dans la création.

Au nom des exigences de flexibilité, les entreprises transfèrent de plus en plus à des tiers la qualité d'employeur, externalisent «la prise de risque» que constitue l'embauche. De fait, on va vers une raréfaction du lien salarial direct et, je le crains, vers une dégradation de la qualité des emplois, plus courts, plus modelables.

E & C : Que pensez-vous des négociations actuelles sur le portage salarial menées par le Prisme ?

L. C.-L. : L'intérim voulait récupérer le marché du portage, le législateur lui a confié la mission de négocier avec les acteurs concernés l'encadrement de cette forme d'activité et, à l'évidence, ce n'est pas la tâche la plus facile ! Portage et intérim, malgré leurs ressemblances, correspondent à deux activités bien distinctes et s'adressent à des publics très différents (travailleurs très autonomes dans le cas du portage, peu autonomes dans celui de l'intérim). Cela se traduit dans les négociations : les uns tirent vers un statut de salarié, les autres, vers un statut hybride entre salariat et indépendance...

Je ne vois pas quelle peut être l'issue de ces négociations. Le Prisme doit faire face, pour l'instant, à un front commun des principaux syndicats de salariés et de portage. C'est une affaire à suivre, car les enjeux sont importants. Je remarque juste que le portage salarial a été légalisé pour favoriser l'emploi des seniors et qu'aujourd'hui, on ne parle plus du tout d'eux dans les négociations. C'est dommage.