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La mise à disposition de personnel reste à clarifier

Enquête | publié le : 21.04.2009 |

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La mise à disposition de personnel reste à clarifier

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Si l'interdiction pure et simple du travail en régie pour les SSII fait débat, plusieurs observateurs préconisent une clarification des rôles entre prestation de service et travail temporaire.

Le débat sur la «prestarisation» refait surface : le rapport de Thomas Chaudron*, l'ex-président du CJD et Pdg de Mecanalu, met en lumière les pratiques parfois dévoyées des sociétés de service en ingénierie informatique (SSII), qui fournissent à des entreprises des informaticiens compétents dans un domaine particulier.

Pour Thomas Chaudron, cette externalisation va, comme le télétravail ou le travail collaboratif à distance, continuer à se développer dans les années qui viennent. La logique «coeur de métier» poussant les entreprises à avoir de plus en plus recours à l'externalisation.

Quel est le problème ? « Un flou artistique règne sur les pratiques douteuses des SSII », dénonce l'ex-président du CJD. « Faux sous-traitants », « loueurs de main-d'oeuvre », « intérim de luxe »... Les griefs sont nombreux à l'encontre de ces professionnels de l'informatique. Car la mise à disposition de personnel, réalisée dans le cadre de l'assistance technique (ou travail en régie), flirte parfois avec le délit de marchandage ou le prêt de main-d'oeuvre.

Délit pénal

Or, seules les entreprises de travail temporaire ont, en effet, le droit de faire du prêt de main-d'oeuvre à but lucratif. Les autres sociétés, à l'instar des SSII, doivent apporter une vraie valeur ajoutée. Sinon, elles - et leurs entreprises clientes - tombent sous le coup d'un délit pénal de «prêt illicite de main-d'oeuvre». Des faits passibles de deux ans de prison et de 30 000 euros d'amende.

Sentiment d'abandon

Mais, dans la pratique, les règles sont parfois détournées. Le lien de subordination avec la SSII, caractéristique de tout contrat de travail, n'est pas toujours respecté. Par ailleurs, les salariés en mission longue durée se sentent «abandonnés» chez le client, aucun accompagnement RH de la part des SSII n'étant proposé. Autre critique : l'absence d'expertise du nouveau collaborateur, les compétences étant déjà disponibles chez le client.

Sur les forums de discussion spécialisés, nombreux sont les professionnels à exposer ce type de pratiques peu reluisantes. Des dérives que dénonce haut et fort Régis Granarolo, président du Munci et vice-président du Specis-Unsa (Syndicat professionnel des études, du conseil de l'informatique, de l'ingénierie et des services), qui soutient que « la régie est une activité illégale ». Or, pour lui, « deux tiers des informaticiens de SSII en clientèle sont employés à ce type d'activité ». C'est pourquoi Régis Granarolo demande une clarification du droit du travail avec une séparation plus nette entre le travail temporaire et la prestation de services.

Sous-traitance en cascade

Le syndicat plaide également pour une interdiction de la sous-traitance en cascade sans valeur ajoutée, pour l'insertion obligatoire de clauses de responsabilité sociale dans les contrats commerciaux et pour une limitation légale de la durée maximale d'un détachement dans le cadre d'une prestation de service.

Des propositions reprises en partie dans le rapport de Thomas Chaudron, qui préconise de « réserver la possibilité de prêt de main-d'oeuvre aux entreprises justifiant d'une expertise et d'une politique de développement des compétences ».

Eclaircissement des règles de recours à la sous-traitance

Faut-il aller plus loin ? Le député UMP Jean-Frédéric Poisson, qui a déposé, le 6 avril, avec huit de ses collègues UMP, une proposition de loi sur des «mesures novatrices en matière d'emploi», notamment sur le prêt de main-d'oeuvre, reste circonspect sur le procédé. A ses yeux, « les dispositions actuelles sont suffisantes pour éviter tout délit de marchandage ». En clair, pas question de traiter à part entière un secteur donné. D'ailleurs, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité avait apporté, en 1999, un éclaircissement des règles de recours à la sous-traitance.

Un avis partagé par le Syntec informatique, le syndicat des SSII. Selon Alain Donzeaud, président de la commission sociale, « il est temps d'arrêter la politique du bâton. Les peines encourues par les dirigeants sont déjà excessives ». La priorité étant de se focaliser « sur la sensibilisation des employeurs ». Avec, pour seules armes, des référentiels de bonnes pratiques et des critères sélectifs d'admission au Syntec.

Alors, pour ou contre un recours accru à la réglementation ? Anne-Elisabeth Combes, avocate associée chez Jeantet & Associés, reconnaît, de son côté, « une tolérance de la part de l'inspection du travail pour ce secteur. Le jour où l'administration ouvrira ces dossiers, il y aura matière à sanctionner. Mais, en même temps, ces sanctions ne sont souhaitables pour personne. Les salariés y trouvent leur compte, comme les employeurs. Les SSII ne sont-elles pas l'un des premiers employeurs de jeunes et, qui plus est, ne recrutent-elles pas, dans 95 % des cas, en CDI ? »

* Les tiers employeurs ou comment conjuguer compétitivité et responsabilité dans la France du XXIe siècle ?, février 2009.

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