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Le chômage partiel atteint aussi les cols blancs

Les pratiques | publié le : 07.04.2009 |

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Le chômage partiel atteint aussi les cols blancs

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Après le personnel de production, l'encadrement. Qu'ils soient dans l'industrie ou dans les sociétés de conseil en technologie, les cadres découvrent, aujourd'hui, le chômage partiel. Du jamais vu. L'administration fait, désormais, une interprétation plus souple de la législation.

Le phénomène est inédit : depuis le début de l'année, dans l'industrie, et depuis le mois de mars, dans les sociétés de conseil en technologie, les cadres découvrent le chômage partiel. Les rares précédents, survenus à l'occasion de difficultés conjoncturelles d'un secteur d'activité, n'ont pas marqué les esprits : trop marginaux. « Destiné à écouler les stocks lorsque les carnets de commandes ne se remplissent plus, le chômage partiel n'a pas été pensé pour les cadres, dont l'activité est généralement déconnectée de la gestion quotidienne de la production, relève Pierre Ramain, directeur de projet chez Altedia. Aujourd'hui, le chômage partiel a changé de portée : privées de toute visibilité sur l'issue de la crise, les entreprises cherchent, par tous les moyens, à alléger leur trésorerie tout en préservant leurs compétences stratégiques. »

Cinq jours chômés par mois pour les cadres de Renault Trucks

Une économie de bouts de chandelle à laquelle même les entreprises rattachées à la convention collective de la métallurgie*, qui garantit le maintien de la rémunération des cadres en cas de chômage partiel, n'hésitent plus à avoir recours. A l'exception des équipes de R & D et de quelques commerciaux, les cadres de Renault Trucks - 2 000 salariés sur 12 000 - chôment, désormais, cinq jours par mois. Depuis le 1er mars, le concepteur de camions a, en effet, décidé de fermer totalement ses sites de production un à deux jours par semaine : « Même en maintenant l'intégralité de la rémunération de nos cadres, la suppression des cotisations patronales et l'allocation de 3,33 euros par heure versée par l'Etat nous permettent d'économiser près de 45 % du salaire », précise Gérard Amiel, le DRH.

A l'instar d'entreprises comme STMicroelectronics ou Mécaplast, la mise au chômage partiel des cadres constitue une mesure de dernier recours pour le concepteur de camions. « En novembre 2008, nous avons d'abord cessé de renouveler les contrats de nos intérimaires, rappelle le DRH. L'utilisation des banques de temps issues de nos accords sur la réduction du temps de travail nous a permis de fermer dix jours à Noël. En janvier, nous avons réduit les heures de travail de la production. Dans la mesure où nous excluons de mettre en place un PSE, la mise au chômage partiel des cadres représente l'ultime solution pour préserver notre trésorerie. »

Appel à la solidarité

Maigre lot de consolation pour certaines organisations syndicales : l'extension du chômage partiel aux cadres maintient - ou rétablit - une équité entre les catégories professionnelles, mise à mal lorsque seuls les agents de production sont atteints. Si la plupart des usines de l'équipementier automobile Mécaplast sont touchées par des mesures de chômage partiel, le site d'Izernore, dans l'Ain, qui ferme environ deux jours par semaine depuis le mois de janvier, est le seul à renvoyer également ses cadres chez eux (19 salariés sur 285). « Ici, même le directeur de l'usine ne touche que 60 % de son salaire les jours où le site est fermé », précise Christophe Bourillon, le délégué syndical central CFDT. Rattachés à la convention collective de la plasturgie, les cadres d'Izernore ne bénéficient, en effet, d'aucun régime spécifique en cas de chômage partiel.

Dans la métallurgie, c'est en appelant à la «solidarité» des cadres au forfait jours que certaines entreprises cherchent à rétablir l'équilibre. Chez Renault Trucks, un accord, signé le 23 février avec l'ensemble des partenaires sociaux, prévoit, par exemple, la non-attribution de quatre jours de compte épargne temps aux cadres. Associée à la non-attribution d'un jour de congé d'ancienneté à l'ensemble du personnel, cette mesure permet de maintenir la rémunération des agents de production à 93 % de leur salaire net.

Contrat social

Logique similaire chez Renault, qui a signé, le 25 mars, avec quatre syndicats, un «contrat social» de crise : depuis le 1er avril, les ingénieurs et cadres de l'entreprise (15 000 salariés sur 41 000) soumis à une mesure de chômage partiel doivent abandonner au «fonds de solidarité» de l'entreprise une journée de RTT pour cinq jours chômés. Une contribution qui permettra à l'ensemble des salariés de conserver leur niveau de rémunération. « Cet accord, que nous avons jugé particulièrement équilibré, permet à Renault de mettre au chômage partiel ses cadres et ingénieurs sans être trop impacté par les modalités de la convention collective de la métallurgie », explique Dominique Chauvin, délégué syndical CFE-CGC, qui précise que, outre les sites de production, certaines équipes du Technocentre de Guyancourt pourraient être touchées, notamment le vendredi. En dépit de la législation actuelle (lire l'article ci-dessous), Renault ne devrait, en effet, pas avoir de difficultés à obtenir ces dernières autorisations. « Les conditions d'application du chômage partiel se sont singulièrement élargies depuis l'automne dernier, relève Pierre Ramain. Si l'entreprise devait, auparavant, justifier de la fermeture totale d'un établissement pour bénéficier du chômage partiel pour les salariés en forfait jours, l'arrêt d'une entité autonome, équipe de R & D ou équipe projet, par exemple, suffit désormais. »

Depuis le mois de mars, l'industrie n'est d'ailleurs plus le seul secteur à bénéficier de cet assouplissement : le chômage partiel vient, en effet, de faire son apparition dans les sociétés de conseil en technologie confrontées à une interruption des missions dans le secteur automobile, qui concernerait 3 000 à 4 000 salariés sur 60 000. Le groupe Assystem a, ainsi, obtenu des autorisations de chômage partiel pour 350 salariés pendant six mois à partir du 1er mars. De source syndicale, Altran vient également d'y avoir recours pour les 50 salariés de sa filiale ADL (ex-Arthur D. Little).

Dispositif «anticrise»

A l'instar des industriels, les sociétés de conseil arguent de difficultés de trésorerie pour justifier ces mesures. Selon Emmanuelle Capiez, DRH du groupe Assystem, le chômage partiel est un des éléments du dispositif «anticrise» mis en place dans l'entreprise confrontée au retour imprévu de 300 salariés en décembre 2008, dont 50 % de cadres travaillant chez Renault. « Le chômage partiel nous permet de préserver l'équilibre financier de l'entreprise au cours des six mois dont nous avons besoin pour mener à bien notre projet de redéploiement des compétences sur nos secteurs d'activité en croissance, comme le ferroviaire ou le nucléaire », souligne-t-elle. A ce jour, 200 salariés d'Assystem ont, d'ores et déjà, intégré un parcours de formation de six à dix semaines dispensé par l'école interne du groupe. Représentant les sociétés d'ingénierie et de conseil en technologie, le Geicet considère, en effet, le chômage partiel comme une alternative au chômage tout court. « Les pouvoirs publics se sont montrés particulièrement proactifs pour trouver des solutions aux difficultés que nous rencontrons », explique Emmanuel Arnould, son président.

Séparer le bon grain de l'ivraie

Dans un secteur où la volonté d'amoindrir le coût généré par les intercontrats avec des aides publiques est un serpent de mer, la situation fait cependant grincer d'autres dents. Secrétaire national de la F3C CFDT, Ivan Béraud ne réfute pas l'utilisation du chômage partiel comme amortisseur de la crise : « La difficulté est de séparer le bon grain de l'ivraie, explique-t-il. Le modèle économique de nos entreprises est conçu pour supporter le coût des intercontrats. A partir de quel seuil autoriser la mise au chômage partiel ? A partir de quand commence l'utilisation opportuniste de l'argent public ? »

* A l'instar d'autres branches comme le textile, la métallurgie avait précisé, dans l'accord national du 28 juillet 1998, que la rémunération du salarié relevant d'un régime de forfait jours sur l'année ne pouvait être réduite du fait d'une mesure de chômage partiel.

Cadre au forfait jours, cadre au forfait heures, cadre «posté», même combat ?

Si rien n'empêche, juridiquement, une entreprise de mettre un cadre au forfait jours ou au forfait heures annualisé au chômage partiel quel que soit le mode adopté (réduction horaire ou fermeture de site), l'entreprise ne bénéficiera d'aucune allocation de la part de l'Etat en cas de réduction horaire. Seront prises en compte les fermetures totales de site ainsi que, au regard de l'assouplissement récent des conditions d'application, les arrêts de travail d'une entité autonome.

« Impossible, en effet, de s'assurer que le salarié au forfait ne rattrapera pas, quelques mois plus tard, les heures qu'il n'aurait pas effectuées du fait d'une simple réduction d'horaires », explique Stéphane Béal, avocat du cabinet Fidal, qui précise, également, que s'il existe des non-cadres au forfait jours, certains cadres - «postés» - relèvent d'une durée de travail classique.

Les cadres «postés» fragilisés

Selon Jean-Pierre Kiledjian, délégué syndical CFE-CGC chez STMicroelectronics, à Tours, en dépit de leur faiblesse numérique, les cadres «postés» sont d'ailleurs, aujourd'hui, la population cadre la plus fragilisée par des mesures de chômage partiel. Ne bénéficiant pas, comme les cadres au forfait jours de l'entreprise, du maintien de l'intégralité de leur rémunération- STMicroelectronics relève de la convention de la métallurgie -, ils ne peuvent pas, non plus, compter sur les primes d'équipe et celles de contraintes spécifiques qui permettent aux agents de production de bénéficier d'une indemnisation du chômage partiel à 90 % de leur salaire net.

A. D.

L'essentiel

1 Renault Trucks, STMicroelectronics, Mécaplast, Renault, mais aussi Assystem, Altran mettent leurs cadres en chômage partiel.

2 L'indemnisation du chômage partiel des cadres varie en fonction du secteur d'activité : la métallurgie garantit le maintien de la rémunération tandis que la plasturgie n'accorde aucun régime spécifique.

3 Les aides de l'Etat peuvent être perçues en cas de fermeture totale de site et, fait nouveau, en cas d'arrêt d'une entité autonome.

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