logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

Remotiver les quadras

Enquête | publié le : 07.04.2009 |

Image

Remotiver les quadras

Crédit photo

Si les dispositifs mis en oeuvre par les entreprises pour susciter l'engagement des salariés ne sont pas estampillés «quadras», certains d'entre eux leur conviennent particulièrement.

La gestion des talents

La gestion des talents est la grande affaire des directions de groupe, qui y ont notamment vu un moyen de faire face aux effets des départs de baby-boomers. Depuis plusieurs années, cette priorité est réaffirmée par les enquêtes auprès des DRH. Et elle pourrait, sous certaines conditions, profiter largement aux quadragénaires.

« D'ores et déjà, les entreprises que nous accompagnons sont convaincues de l'utilité d'un dispositif de détection et de gestion des talents, en particulier pour ces populations, indique Philippe Cavat, directeur général DDI France. Les quadragénaires sont suivis, mais de manière discrète, parfois peu communiquée, même en interne. » Ce qui n'empêche pas son cabinet, spécialiste de la gestion des talents, d'assister une partie des entreprises du CAC40 dans leur revue des talents semestrielle.

« Mais cette «talent review» reste souvent assez élitiste dans les entreprises françaises, dans le prolongement d'une politique de détection des hauts potentiels, juge-t-il. Elle l'est moins dans les entreprises anglo-saxonnes. » Il préconise, pour assurer un renouvellement continu des talents et des compétences, de mettre en oeuvre un dispositif qui concerne toutes les catégories d'âge, ainsi que de former les managers de proximité à repérer et à promouvoir leurs collaborateurs à potentiel.

Pour Jean-Marie Peretti, président de l'IAE de Corte, il est devenu indispensable « d'allonger la période de détection des hauts potentiels au-delà des 30-40 ans, les capacités managériales étant parfois sous-estimées ». Le groupe pharmaceutique Solvay est, ainsi, passé de la notion de haut potentiel à celle de potential pool ou vivier de potentiels, une politique qui concerne non plus 1 %, mais 10 % à 20 % des effectifs cadres (lire p. 32).

« Les quadragénaires ne sont pas exclus de la gestion des talents, estime, de son côté, Annick Cohen, responsable des formations «direction des RH et gestion des compétences» à la Cegos. Ils sont souvent affectés sur des missions complexes, ou sur des postes à enjeux qui ne sont pas forcément confiés aux hauts potentiels. Ils sont gérés comme des talents reconnus, mais sans qu'on le leur dise explicitement. Il y a sans doute aussi un manque de feed back de leurs managers sur leurs compétences. »

La double échelle de carrière

Comment fidéliser ou reconnaître les experts, spécialistes d'un process, d'un marché, d'une technologie, mais qui ne peuvent ou ne souhaitent pas occuper des postes de management ? Certaines entreprises industrielles ont fait face à cet enjeu en élaborant un parcours pour les experts, avec ses classifications et ses rémunérations. Solvay propose des carrières experts à des contributeurs clés : son référentiel de compétences fait place à une échelle pour les experts avec une pesée de poste et une évolution spécifiques. Des entreprises industrielles qui ont des activités à composante technique, comme Thales ou Danone récemment, ont mis en place de tels parcours, ainsi que l'ont fait, depuis longtemps, les entreprises anglo-saxonnes. La contribution des experts est donc reconnue, y compris en rémunération fixe ou variable. Chez Casino, un système de rémunération variable a été mis en place pour une population de managers et d'experts.

Néanmoins, selon les chasseurs de têtes, cette population doit suivre une voie étroite en s'obligeant à évoluer régulièrement, ou en acceptant des responsabilités managériales, ou en changeant de poste ou d'entreprise, pour éviter une hyperspécialisation peu monnayable sur le marché.

Le tutorat

Promu par le gouvernement dans le cadre de la gestion des seniors, l'exercice d'un tutorat par les salariés les plus âgés auprès des plus jeunes relève de la « fausse évidence », selon Bernard Masingue. Directeur de la formation du groupe Veolia, il vient de rendre un rapport sur le sujet commandé par Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'Emploi. Il constate, par exemple, que la majorité des salariés formés au tutorat par Formapap (organisme collecteur des papiers et cartons) avaient entre 36 et 45 ans (41 %).

Chez Dalkia, une des entreprises de Veolia, qui dispose d'un accord depuis 2005 sur le tutorat, cette mission est reconnue professionnellement et peut faire partie de l'évolution de carrière. Une reconnaissance qui commence par un travail de sélection des salariés désirant assurer un tutorat. Les tuteurs disposent d'un centre de ressources informatisé pour y échanger leurs expériences et trouver toute information utile. Bernard Masingue plaide, d'ailleurs, pour une reconnaissance du tutorat qui pourrait s'apparenter à un diplôme.

L'équilibre vie privée/vie professionnelle

« Les quadragénaires sont une population dont la vie familiale est très prenante, indique Laurence Chou (Hewitt). C'est aussi l'une des premières à être intimement confrontées à la question de l'égalité professionnelle, avec des conjoints susceptibles d'être également amenés à exercer des responsabilités. Les entreprises n'en ont pris conscience que récemment et proposent encore peu de choses aux époux et aux pères. » C'est, avant tout, aux «quadras» que les solutions de services aux salariés, assez peu onéreuses pour l'entreprise, sont utiles : garde d'enfant, conciergerie, dépannage automobile, services de blanchisserie... « Ces services leur facilitent le quotidien et évitent que leur activité professionnelle soit entravée par des problèmes de domesticité. »

La communication

« Les textes législatifs ne parlent pas des quadras, et les RH ou la presse s'intéressent plus aux seniors, à la génération Y et aux emplois sensibles, à travers la GPEC, explique Annick Cohen (Cegos). Du coup, certains de ces salariés qui ne sont pas en danger et qui disposent d'une expertise reconnue sont inquiets, surtout s'ils partent moins souvent en formation qu'auparavant. » Mais la consultanta considère que leur permettre de faire un «check-up» des compétences peut leur révéler beaucoup de leurs compétences dont ils n'ont pas conscience, après avoir pourtant mené ou été associés à des projets importants, accepté des mobilités, formé sur leur expertise...

Autre élément d'incompréhension entre les quadras et leur employeur : la rémunération. « Ils ont souvent atteint une rémunération en cash que l'entreprise juge déjà confortable, détaille Laurence Chou. En revanche, d'autres éléments de rétribution, notamment l'épargne salariale et son abondement, même s'ils sont destinés à l'ensemble de l'entreprise, sont particulièrement intéressants pour les quadragénaires. Ils ont un pouvoir d'achat suffisant pour épargner, mais aussi besoin, plus que les générations précédentes, de compléter leur retraite. Les entreprises devraient communiquer pour les aider à utiliser au mieux ces possibilités. »

Solvay parie sur des «viviers de talents»

« Eviter le turn-over, maintenir la motivation et développer l'entreprise » : tels sont les objectifs de la politique de gestion des talents que le groupe pharmaceutique déploie depuis plusieurs années, selon l'un de ses promoteurs, Bruno Marchal, responsable «People development and performance» France. Une condition indispensable à une activité à forte composante technique, avec des compétences à construire sur le long terme en évitant le turn-over.

Solvay déploie, ainsi, des dispositifs favorisant les mobilités internes, essentiellement au niveau des sites pour les ouvriers et la maîtrise, et au niveau national ou du groupe pour les cadres.

Un système d'évaluation alimente les dispositifs de gestion de carrière et, en particulier, un outil global à la disposition des RH, des directions et du réseau de responsables «People developpement».

Passerelles

«Cela nous permet d'examiner plusieurs dimensions à la fois, pour trouver des passerelles, détaille Bruno Marchal : les business - chimie, pharmacie, plastiques -, les zones géographiques et les métiers. Les experts peuvent, par exemple, dans leur métier, changer de pays ou de business. »

Autre dispositif mis en oeuvre : les «tables rondes des talents» autour desquelles les managers examinent les plans de succession nécessaires et leur adéquation avec les attentes formulées par les salariés, sans critères d'âge, mais avec un système d'alerte pour les salariés dans le même poste depuis six ou sept ans.

« Nous parlons moins de hauts potentiels qu'auparavant, précise Bruno Marchal. Aujourd'hui, nous cherchons à créer un vivier de potentiels, qui représente 10 % à 20 % de la population cadre. Il nous semble que ce n'est pas avec 1 % de la population qu'on peut faire évoluer un groupe, tandis que 10 % peuvent le dynamiser. »

La composition de ces talent pools n'est pas figée et des salariés de 40 ans ou plus peuvent y entrer à tout moment en fonction de leur contribution, de leur volonté et de leur capacité à être mobiles. Solvay France parvient, ainsi, à maintenir un taux de turn-over inférieur à celui de son marché.

G. L. N.