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Les clauses de non-sollicitation sous surveillance

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 07.04.2009 |

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Les clauses de non-sollicitation sous surveillance

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Si la jurisprudence encadre désormais très strictement les clauses de non-concurrence imposées aux salariés, qu'en est-il des clauses dites de «non-sollicitation» ?

Rappelons que, pour être valable, une clause de non-concurrence doit être écrite, justifiée par la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié et prévoir le versement d'une indemnité financière au salarié. Le non-respect de l'une de ces conditions entraîne la nullité de la clause en raison de la violation du principe fondamental de la liberté du travail. Le seul fait, pour un salarié, de respecter une clause de non-concurrence illicite lui cause un préjudice qui peut être réparé par le versement de dommages-intérêts.

Les employeurs ont parfois recours, sous diverses appellations - non-sollicitation, non-débauchage, respect de clientèle, loyauté, etc. -, à des clauses ayant pour objet d'empêcher les salariés d'utiliser les contacts et informations acquis à leur service à l'issue de la rupture du contrat de travail sans avoir à leur verser de contrepartie financière.

Pas plus qu'elle n'exige (à ce jour) de contrepartie financière dans les clauses de non-concurrence contractées par des mandataires sociaux, la chambre commerciale de la Cour de cassation ne sanctionne l'usage de ce genre de clauses. Elle précise, à toutes fins utiles, que, dans les relations commerciales, la clause de non-sollicitation ne constitue pas une clause de non-concurrence (Cass. Com., 10 mai 2006 et 11 juillet 2006).

La Cour de cassation est plus sévère à l'égard des clauses insérées dans les contrats de travail des salariés.

De façon classique, sans interdire à un salarié d'entrer au service d'une entreprise concurrente, ces clauses lui font défense d'approcher les clients ou les prospects de son ancien employeur, mais également ses anciens collègues de travail, réduisant ainsi considérablement l'intérêt qu'un nouvel employeur pourrait lui porter.

Déjà, en 1996, la chambre civile exigeait qu'une obligation conventionnelle de respect de la clientèle, bien que non rémunérée, soit limitée dans le temps et dans l'espace et laisse au collaborateur la possibilité de travailler (Cass. Civ. 1re, 26 mars 1996). Dans un arrêt de 2004, la chambre sociale a déclaré nulle une clause similaire insérée dans un contrat de travail, non limitée géographiquement et non rémunérée, portant sur tous les clients de l'entreprise, y compris les clients occasionnels (Cass. Soc., 30 juin 2004).

Depuis lors, la chambre sociale de la Cour de cassation a systématiquement sanctionné les clauses de respect de clientèle ou de non-sollicitation figurant dans les contrats de travail en leur appliquant un régime identique à celui défini pour les clauses de non-concurrence (notamment Cass. Soc., 7 novembre 2006, 20 décembre 2006, 13 juin 2007 et 4 octobre 2007).

La chambre sociale de la Cour de cassation vient récemment de franchir le Rubicon en affirmant qu'une clause de respect de clientèle figurant dans le contrat de travail d'un salarié était une clause de non-concurrence, laquelle, en l'absence de contrepartie financière, devait être déclarée nulle (Cass. Soc., 10 décembre 2008). Aux termes de ladite clause, le salarié (qui détenait par ailleurs un mandat social au sein de la société) s'engageait « pendant la durée de ses fonctions et pendant une durée de deux ans à la fin de celles-ci à ne pas démarcher [...] la clientèle de la société et même des entreprises avec lesquelles une proposition de services aurait déjà été formulée dans les six mois précédant la cessation des fonctions et sachant que cette disposition vise exclusivement l'activité de communication financière, à ne pas démarcher, pour son compte ou celui de tiers, du personnel employé par la société ainsi que tous cadres ou personnel d'encadrement qui aurait quitté la société depuis moins d'un an ».

Outre l'assimilation très contestable des clauses de non-sollicitation aux clauses de non-concurrence, alors même que ces clauses n'ont pas le même objet, le message de la Cour de cassation semble clair : toute clause ayant pour objet de restreindre la liberté d'exercice d'une activité professionnelle d'un salarié sera sanctionnée, dès lors qu'elle ne respecte pas les conditions de validité exigées pour les clauses de non-concurrence.

Cet arrêt soulève également des questions. Faut-il prévoir une contrepartie financière distincte pour une obligation de non-sollicitation contractée en plus d'une clause de non-concurrence ?

Faut-il distinguer entre les clauses de respect de clientèle et les clauses de non-sollicitation de salariés ?

Dans l'attente de réponses de la jurisprudence à ces questions, les employeurs doivent faire preuve de la plus grande prudence dans l'utilisation de ces clauses qui sont, à l'évidence, sous surveillance.

Antoine Jouhet, avocat, Cabinet Morgan Lewis, membre d'Avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social.